Le vrai scandale.

Bonsoir à toutes et à tous.

Mon Parti est-il parfait ? Bien sûr que non, parce que rien n'est parfait, surtout pas en politique, où la pulsion de pouvoir rend souvent glauque les situations. Mais c'est vieux comme la politique, vieux comme le monde. Néanmoins, mon Parti est certainement le moins imparfait de tous les partis, en tout cas le plus démocratique.

Mon Parti a-t-il pratiqué le bourrage d'urnes ? Par le passé oui, dans certaines sections et fédérations où les situations de monopole ne favorisaient pas le fonctionnement d'une démocratie normale. C'est humain et c'est condamnable. Ce n'est pas le privilège d'un courant, c'est la détestable manie de tous ceux qui abusent de leur position de pouvoir.

Depuis une quinzaine d'années, mon Parti a changé, évolué, s'est moralisé, d'abord sous l'influence de Rocard, puis de Jospin, aujourd'hui d'Aubry (et j'en oublie quelques-uns, j'ai retenu les figures les plus tutélaires de la rénovation morale). Il fallait se libérer de la culture SFIO, où le Parti était un assemblage de féodalités organisées autour de notables, de grands élus, qui "tenaient" les militants, orientaient les votes, faisaient et défaisaient les majorités. Cette culture clanique, opportuniste, électoraliste s'est peu à peu effacée au fur et à mesure que le pouvoir a été rendu directement à l'adhérent de base.

Ceci dit, que des lambeaux de cette culture aient pu survivre, que de mauvaises habitudes aient pu perdurer, c'est fort possible. Mais ces défauts sont localisés, échappent à notre direction et ne répondent pas à une programmation délibérée, un vaste complot, un trucage généralisé, contrairement à ce qu'affirme le livre à scandales qui paraîtra demain. Malheur à celui par qui le scandale arrive !

Le vrai scandale n'est d'ailleurs pas là. Je l'ai déjà dénoncé sur ce blog. Ce n'est pas de bourrage d'urnes dont il s'agit mais de bourrage de listes. Ce scandale ne fait pas parler de lui parce qu'il est strictement légal et pourtant foncièrement antidémocratique : c'est lorsque tel élu, tel courant font adhérer des non socialistes, des peu socialistes ou des faux socialistes pour conforter et élargir leur influence. Ces adhérents ne sont pas des militants mais des machines à voter sur pattes, qui rappliquent quand on les siffle c'est à dire quand on leur téléphone. Ils viennent (parfois on va les chercher), mettent le bon bulletin dans l'urne, repartent ... et on ne les revoit plus.

Pourquoi ce scandale-là n'est-il jamais dénoncé ? Parce qu'il n'est pas une affaire de directives mais d'état d'esprit, parce qu'il n'implique pas les direction nationale ou fédérale mais repose sur la complicité de la base et des cadres de proximité. Pour certains camarades, c'est un jeu légitime dont ils tirent grande fierté. Et puis, que voulez-vous dire quand on n'y peut rien ? Il faudrait en appeler à l'honnêteté politique, à la conscience morale, à la vertu républicaine, qui sont des expressions qui ne passent pas toujours très bien dans ce monde de brutes qu'est la politique.

Le scandale est d'ailleurs moins politique que psychologique. Les adhérents se regroupent autour d'élus, de leaders dont ils deviennent des fans, pour lesquels ils sont prêts à faire n'importe quoi, du moins ce qu'on leur demande de faire. Cette manipulation ordinaire, en plein accord avec ses victimes, est la plaie de mon Parti (à l'UMP, pas de problème, il n'y a qu'un seul chef, une seule tête, que tout le monde ou à peu près suit). Il faut donc faire changer les mentalités. C'est possible puisque, je l'ai dit, nous avons depuis une quinzaine d'années commencé. Il faut continuer, aller plus loin. De ce point de vue, le système des primaires, en remettant le pouvoir entre les mains des sympathisants, nous aidera énormément.

J'ai essayé, dans le billet de ce soir, de réfléchir calmement, raisonnablement aux limites de mon Parti et à ses efforts pour les surmonter. Je suis donc très loin de ce livre polémique qui fait tant parler de lui. Le PS était sorti de La Rochelle avait une image un peu meilleure, Martine Aubry avait lancé un signal très fort de rénovation, l'unité entre nous se reconstituait. Un ouvrage qui a pour objectif de faire mal va-t-il gâcher tout ça ? Et pour aboutir à quoi ?

Ségolène Royal va prochainement s'exprimer. C'est normal. Je souhaite de tout coeur qu'elle prenne la mesure de sa responsabilité politique. Quand on a perdu avec un écart de 102 voix, on l'a mauvaise, c'est logique, on ne peut s'empêcher d'éprouver des doutes, je comprends. Mais il faut surmonter tout ça. Je reste persuadé que personne n'a "volé" sa victoire à Ségolène. Une "victoire volée", je sais ce que c'est, j'ai vu ça de près : c'est lorsque qu'un vote majoritaire clair et net n'est absolument pas respecté.

Entre Martine et Ségolène, rien de tel, mais des résultats si proches qu'ils ne pouvaient que susciter le soupçon, le mécontentement et la protestation. Nous avions commencé à soigner ces plaies en associant nos camarades ségolénistes à la direction (car on ne règle les problèmes en politique qu'en donnant des responsabilités, donc du pouvoir, à ceux qui le méritent). Il serait plus que navrant, mais catastrophique, qu'un ouvrage à scandales casse tout, mette à terre ce que nous avions difficilement entrepris.

Ségolène Royal, et elle seule, a entre les mains, dans cette affaire-là, le destin et l'avenir du Parti socialiste : soit elle hurle avec les loups et ce sera la curée, soit elle confirme sa volonté d'apaisement, en profite pour encourager nos efforts collectifs de rénovation, et cet ouvrage n'aura alors été qu'un mauvais mais court moment à passer, un de ces cauchemars que l'on fait dans les difficiles sommeils.


Bonne soirée.