Parlez-moi d'amour.

Bonsoir à toutes et à tous.

Avez-vous regardé hier Badiou à "Ce soir ou jamais" ? Si c'est non, rattrapez-vous sur le Net : c'était une formidable émission ! Je n'aime pourtant pas la pensée politique de ce philosophe (son maoïsme non repenti m'horripile), mais quel penseur ! Comme platonicien, il fallait bien qu'un jour ou l'autre il nous parle d'amour (le grand thème du Banquet). C'est fait avec son dernier ouvrage, au titre éloquent : Éloge de l'amour.

Les lecteurs non avertis seront peut-être surpris. On ne s'attend pas à ce que cet ultra-radical, ce révolutionnaire s'égare dans une réflexion sur l'amour, sentiment considéré longtemps comme petit-bourgeois, platement romantique. Mais non, Badiou, comme tous les grands, est homogène dans sa démarche. L'amour, nous explique-t-il superbement, c'est le communisme à deux, c'est la toute première des sociétés qu'on fabrique et qu'on essaie difficilement de faire durer (à noter le bel hommage que rend Badiou à la fidélité, non pas perçue comme un devoir mais comme une volonté, un effort, une construction dans le temps, un monde à deux qui persévère parce qu'il est sans cesse recommencé ; là encore, on ne peut pas s'empêcher de penser à l'amour comme métaphore du communisme).

L'amour en ses débuts est comparable à la révolution : il y a rupture avec l'ordre quotidien, apparition d'un incroyable événement, totalement imprévu (la rencontre amoureuse, le coup de foudre). Badiou antérieurement a beaucoup exploré la notion d'événement, dont il analyse maintenant la traduction affective. Dans l'amour, le monde et les êtres sont renversés, on ne les voit plus de la même façon. Voilà la révolution !

Je ne sais pas si Badiou, dont je vais m'empresser d'acheter demain le bouquin, à songer à évoquer l'amour de Dieu (le christianisme est avant tout la religion de l'Amour). Ça ne me surprendrait pas, lui qui s'est intéressé par le passé à saint Paul (j'ai en tête ce très beau texte de l'Épître aux Corinthiens, que je vous résume : tout passe, même la foi, même la justice, il n'y a que l'amour qui ne meurt pas).

L'amour ! Il n'y a peut-être que ça de vrai dans la vie, et donc dans la politique. Vous pouvez parler, écrire, militer, espérer, gagner, à quoi tout ça sert-il si l'amour n'est pas là ? On craint parfois d'aimer peu ou mal. C'est faux ! Tout le monde n'aime pas la même chose mais tout le monde aime quelque chose. Ces derniers mois, je me suis pris d'affection pour un chat, qui me rejoint maintenant dans mon lit, pour se blottir contre moi, alors que je détestais jusqu'alors ces félins !

Récemment, un homme de droite, parlant de la gauche locale, me disait : "Vous ne vous aimez pas entre vous, et ça se voit". J'ai tenté d'argumenter en expliquant que la politique n'était pas une question d'amour. Mais après avoir entendu hier Badiou, je ne dirais plus exactement la même chose. Attention, je parle d'amour, pas du copinage caressant, de l'amitié intéressée, de l'affectif manipulateur.


Bonne soirée d'amour.