L'Aisne avec DSK

21 juillet 2010

Ce n'est pas la guerre.

Bonsoir à toutes et à tous.


Nicolas Sarkozy, pour illustrer la nécessaire riposte qu'il entend mener après les graves incidents de Grenoble, a utilisé le terme de "guerre". Ce n'est pas la première fois qu'il parle ainsi, c'est même sa marque de fabrique, c'est ce qui explique la séduction qu'il exerce auprès d'un certain nombre de Français, y compris de gauche : un homme en guerre contre une partie de la population. Quant à moi, je trouve ce mot malheureux, inconvenant, déplacé.

Un président de la République, par la fonction qu'il exerce, doit être un homme de paix, pas de guerre. Il est à la place qu'il occupe pour calmer les passions, faire cesser la violence, et non pas alimenter les peurs et renforcer les divisions. Lutter contre la délinquance, c'est nécessaire et indispensable, c'est le devoir républicain d'ordre public et de sécurité des citoyens. Mais ce n'est pas faire la guerre.

D'autant que dans l'esprit de bon nombre de citoyens, ce n'est pas exclusivement aux voyous qu'on fait la guerre, mais à une partie de la population, les quartiers pauvres et immigrés. Quand des bataillons de CRS patrouillent pendant des heures, quand on procède à des fouilles et à des arrestations, quand des hélicoptères survolent la nuit les immeubles et les balaient de leurs puissants projecteurs, c'est en effet un triste spectacle de guerre qu'on offre aux téléspectateurs excités et vengeurs du journal télévisé. Et c'est déplorable, parce que ce n'est pas ainsi qu'on règle les problèmes de fond. C'est en revanche de cette façon qu'on stigmatise, même sans le vouloir vraiment, une population.

Il est étrange de parler de "guerre" au moment où ce terme a progressivement disparu de la scène internationale. Comme s'il était désormais réservé aux événements intérieurs ! Je me souviens de Rocard en 1991 qualifiant l'intervention militaire en Irak non pas de "guerre" mais d' "opération de police". Paradoxalement, c'est maintenant l'inverse : le vocabulaire militaire est fâcheusement appliqué à des actes civils.

Vous me direz peut-être que je pinaille, que Sarkozy a utilisé une image que chacun comprend fort bien et qu'il n'est pas nécessaire de suivre au pied de la lettre. C'est bien ce que je reproche à notre président (outre le fait qu'il soit de droite) ! Il a choisi, depuis le début de son mandat, de parler comme monsieur tout le monde pour s'attirer la sympathie de l'homme de la rue. C'est ce que je déplore.

Un chef d'Etat doit maîtriser ses propos, faire attention à ce qu'il dit, utiliser les mots justes, rechercher le vocabulaire de la vérité plutôt que celui de la séduction. Les délinquants doivent être arrêtés par la Police et sanctionnés par la Justice. Mais aucune guerre ne doit être déclenchée contre quiconque. Sinon c'est s'étourdir de termes virils et d'expressions martiales qui dissimulent une impuissance plutôt qu'ils expriment une volonté et une capacité.


Bonne soirée.

7 Comments:

  • J'habite une petite ville de 8000 habitants qui a fait l'effort d'ouvrir un terrain d'accueil. D'autre part, la municipalité a ouvert un joli parc de verdure avec un petit étang où les habitants viennent se détendre, faire du sport ou amener les enfants.
    Or depuis des lustres, tous les étés, les gens du voyage s'installent à cet endroit de force et cette année également malgré le terrain d'accueil. Le maire est furieux et a demandé la visite du sous-préfet. Hier soir, la communauté était toujours là.
    Sans problème, j'ai pu marcher dans le parc au milieu des caravanes, voitures, poules et chiens qui gardent tous les abords du camp. Ce qui est incroyable, c'est la qualité des caravanes, des voitures et des camionnettes, propres, neuves et impeccables.
    Il y avait l'eau et l'électricité et bennes à ordures.
    Sur la départementale, ex route nationale qui traverse la ville, à un rond point, la police surveillait les automobilistes !
    D'un côté, une transgression visible et constatée non sanctionnée à cause du nombre, des associations de défense alors qu'un terrain d'accueil existe, de l'autre la sanction facile sur des automobilistes !
    J'ajoute que la ville voisine a ouvert également un terrain d'accueil qui est devenu par le laxisme du maire socialiste, un terrain pour gens du voyage sédentaires.
    A ce rythme, rien ne peut s'arranger. Ce ne sont pas les effets d'annonce tant pour les quartiers que pour les gens du voyage ou autres qui changeront la donne.
    C'est juste mon avis.

    By Anonymous Anonyme, at 8:47 AM  

  • C'est "juste votre avis", mais votre avis n'est pas juste :

    1- Par définition, par culture, par histoire, les gens du voyage voyagent et s'installent là où il y a de la place. Ca a toujours été comme ça. On peut s'en irriter si on veut. Je crois qu'il vaut mieux l'anticiper et l'organiser.

    2- Vous vous étonnez de la qualité du matériel et des conditions de vie. J'espère au moins que vous vous en félicitez au lieu de le déplorer.

    3- Les automobilistes sur la route mettent en danger la vie d'autrui. Les gens du voyage défendent leurs conditions d'existence. Ce qui ne signifie pas qu'on doive tout accepter, mais la comparaison avec le code de la route n'a aucun sens.

    4- Votre dernier paragraphe conteste implicitement la politique de Nicolas Sarkozy. Là je vous en félicite. Mais pour le reste non.

    By Blogger Emmanuel Mousset, at 9:17 AM  

  • C'est étrange, cet anonyme de 8h47, a également posté le même commentaire sur mon dernier billet... Sérieusement il faut se méfier.

    By Blogger Arthur Nouaillat, at 10:06 AM  

  • Je vous invite à voir ou à revoir les films de Tony Gatlif et en particulier le dernier "Liberté" (présenté en avant première à Saint Quentin au festival du film "jeune public"). Vous comprendrez mieux la culture des gens du voyage et leur histoire. Il existe chez eux comme pour les sédentaires, tous les comportements des plus respectables au plus détestables. Pourquoi donc cette volonté de les voir autrement et de stigmatisé un simple fait divers aussi grave soi-il ? Ce qui semble nous déranger dans ce mode de vie, c'est la persistance de l'image de la liberté, bien plus que leurs incivilités. Ils heurtent notre conscience, notre confort et nos petites lâchetés pour poursuivre tranquillement notre vie bien rangée.
    Un gadjo Stéphane

    By Anonymous Anonyme, at 11:13 AM  

  • Merci et bravo Stéphane pour ce beau et juste commentaire.

    By Blogger Emmanuel Mousset, at 12:51 PM  

  • Arthur,

    Il ne faut pas se méfier, il faut combattre les préjugés, spontanés ou télécommandés par l'extrême droite.

    By Blogger Emmanuel Mousset, at 12:52 PM  

  • Une ville de 8 000 habitants, est concernée par la loi Besson du 31/05/1990, obligeant ces localités à faire des structures d'accueil des gens du voyage.
    Quand j'étais élève du primaire - il y a 55 ans-, les enfants du voyage étaient scolarisés dans la commune où ils passaient quelque temps; il y avait alors infiniment moins de voitures, et les vélos ne disparaissaient pas pour autant !

    By Anonymous Anonyme, at 7:13 PM  

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