Outrage au drapeau.
Bonsoir à toutes et à tous.
Un décret paru aujourd'hui au Journal Officiel me laisse perplexe : il punit de 1 500 euros d'amende le fait de "détruire, détériorer ou utiliser de manière dégradante le drapeau" (français). Ma première réaction est plutôt d'indifférence : je me dis que oui pourquoi pas, mais je ne suis pas plus convaincu et enthousiaste que ça. Et puis, à y réfléchir un peu, je vois cinq remarques qui s'imposent :
1- Il est étrange que la défense du drapeau national soit mise en avant alors que nous vivons dans une société où, à tort ou à raison, le patriotisme n'est pas très bien porté et le nationalisme plutôt mal vu. Ce revival cocardier est donc paradoxal.
2- Le drapeau est un symbole mais pas un objet sacré. Sa valeur est dans ce qu'il représente, pas dans ce qu'il est. De ce point de vue, il n'y a pas "outrage" au drapeau, pas plus qu'un chasseur n'outrage la paix quand il tire sur une colombe. Le drapeau n'est pas le Saint-Sacrement ! Il appelle le respect, pas la vénération. La République est une institution, pas une religion. Qu'un con pisse sur le drapeau, ça ne mérite que l'indifférence, peut-être le mépris, éventuellement une réprimande verbale, mais pas une amende.
3- La liberté d'expression politique doit être en démocratie absolue, hormis les opinions criminelles ou discriminantes condamnées par la loi. Les monarchistes légitimistes abhorrent le drapeau tricolore et lui préfèrent le drapeau blanc. Les anarchistes libertaires combattent le patriotisme, une grande partie de l'extrême gauche (et à l'origine les communistes) sont internationalistes. Les uns et les autres, pour des raisons complètement différentes, ne se reconnaissent pas dans les trois couleurs. Ces sensibilités ont le droit d'exister dans la République. On les imagine facilement "outrager" le drapeau, soit parce qu'il n'est pour eux qu'un chiffon, soit parce qu'il incarne une idée qu'ils rejettent. Allons-nous pour autant le leur interdire ? La démocratie américaine a-t-elle condamné les manifestants contre la guerre du Vietnam qui brûlaient sur la place publique la bannière étoilée ?
4- La liberté de l'artiste doit elle aussi être absolue. Si le drapeau bleu-blanc-rouge est aujourd'hui détourné de sa signification, s'il est l'objet de provocation, c'est moins dans le domaine politique qu'artistique. A la différence du politique, le créateur est pacifique et ses oeuvres ne sont imposées à personne. Il doit donc rester entièrement libre dans son travail.
5- Le plus grand et le plus grave outrage au drapeau national, c'est quand Le Pen et l'extrême droite le brandissent. Que les adversaires de la Révolution Français utilisent les couleurs de la République, que les défenseurs du régime de Vichy se rangent derrière le symbole du patriotisme, c'est inacceptable et ça mérite bien 1 500 euros d'amende. Car "utiliser de manière dégradante le drapeau", c'est exactement ce qu'ils font. Mais je ne crois pas que le décret dont je vous ai parlé l'entende comme ça. C'est dommage.
Bonne soirée.
Un décret paru aujourd'hui au Journal Officiel me laisse perplexe : il punit de 1 500 euros d'amende le fait de "détruire, détériorer ou utiliser de manière dégradante le drapeau" (français). Ma première réaction est plutôt d'indifférence : je me dis que oui pourquoi pas, mais je ne suis pas plus convaincu et enthousiaste que ça. Et puis, à y réfléchir un peu, je vois cinq remarques qui s'imposent :
1- Il est étrange que la défense du drapeau national soit mise en avant alors que nous vivons dans une société où, à tort ou à raison, le patriotisme n'est pas très bien porté et le nationalisme plutôt mal vu. Ce revival cocardier est donc paradoxal.
2- Le drapeau est un symbole mais pas un objet sacré. Sa valeur est dans ce qu'il représente, pas dans ce qu'il est. De ce point de vue, il n'y a pas "outrage" au drapeau, pas plus qu'un chasseur n'outrage la paix quand il tire sur une colombe. Le drapeau n'est pas le Saint-Sacrement ! Il appelle le respect, pas la vénération. La République est une institution, pas une religion. Qu'un con pisse sur le drapeau, ça ne mérite que l'indifférence, peut-être le mépris, éventuellement une réprimande verbale, mais pas une amende.
3- La liberté d'expression politique doit être en démocratie absolue, hormis les opinions criminelles ou discriminantes condamnées par la loi. Les monarchistes légitimistes abhorrent le drapeau tricolore et lui préfèrent le drapeau blanc. Les anarchistes libertaires combattent le patriotisme, une grande partie de l'extrême gauche (et à l'origine les communistes) sont internationalistes. Les uns et les autres, pour des raisons complètement différentes, ne se reconnaissent pas dans les trois couleurs. Ces sensibilités ont le droit d'exister dans la République. On les imagine facilement "outrager" le drapeau, soit parce qu'il n'est pour eux qu'un chiffon, soit parce qu'il incarne une idée qu'ils rejettent. Allons-nous pour autant le leur interdire ? La démocratie américaine a-t-elle condamné les manifestants contre la guerre du Vietnam qui brûlaient sur la place publique la bannière étoilée ?
4- La liberté de l'artiste doit elle aussi être absolue. Si le drapeau bleu-blanc-rouge est aujourd'hui détourné de sa signification, s'il est l'objet de provocation, c'est moins dans le domaine politique qu'artistique. A la différence du politique, le créateur est pacifique et ses oeuvres ne sont imposées à personne. Il doit donc rester entièrement libre dans son travail.
5- Le plus grand et le plus grave outrage au drapeau national, c'est quand Le Pen et l'extrême droite le brandissent. Que les adversaires de la Révolution Français utilisent les couleurs de la République, que les défenseurs du régime de Vichy se rangent derrière le symbole du patriotisme, c'est inacceptable et ça mérite bien 1 500 euros d'amende. Car "utiliser de manière dégradante le drapeau", c'est exactement ce qu'ils font. Mais je ne crois pas que le décret dont je vous ai parlé l'entende comme ça. C'est dommage.
Bonne soirée.
posted by Emmanuel Mousset at
7:06 PM
9 Comments:
J'adhère à cet article, avec une réserve sur le point n°1 (le patriotisme se porte très bien, merci !) et un grand bravo sur le point n°2 : les symboles de la république ne peuvent pas être considérés comme victimes de "blasphèmes" !
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Thierry D., at 9:58 PM
As-tu lu l'article paru dans le blog "journal d'un avocat" qui traite également de ce sujet ?
Il est très intéressant car il va tout à fait dans ton sens
Martine
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Anonyme, at 9:11 AM
Ce n'est pas vous pourtant qui passez votre temps à se plaindre que l'on ne respecte pas les symboles ?
Voici encore un exemple qui illustre le comportement irresponsable de la gauche. En effet, elle critique sans cesse ce qui ne va pas, mais dès qu'on prend une mesure forte, on dit que c'est bien pire que de laisser faire..
La gauche veut des sanctions exemplaires, tu prends des sanctions modérées et équilibrées et là, le vieux réflexe de gauche, toute sanction est forcément excessive.
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Arthur Nouaillat, at 10:13 AM
Martine,
Je ne l'ai pas lu mais vais le faire. Si le droit est de mon côté, tant mieux !
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Emmanuel Mousset, at 10:27 AM
Arthur,
Les symboles sont importants en effet et j'y tiens. Mais la sanction doit s'appliquer pour plus grave que ça. Et puis, outrager un drapeau, c'est donner finalement de l'importance, de la valeur à ce symbole, de même que le blasphème est une sorte d'hommage involontaire rendue à la religion. Le pire, c'est l'effacement du drapeau national de la scène publique.
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Emmanuel Mousset, at 10:35 AM
Arthur,
Il faudra bien cesser un jour de coller systématiquement le mot "irresponsable" au mot "gauche".
La gauche irresponsable, la gauche irresponsable, ...
C'est la vieille théorie de la Droite raisonnable et adulte (image du père) qui s'oppose à la Gauche contestataire et rêveuse (image de l'enfant adolescent).
Moi aussi je vais inventer un concept : la "Droite radoteuse" !
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Thierry D, at 5:13 PM
C'est assez marrant( enfin marrant tout est relatif ) de voir que l'extrème droite est aussi attachée au drapeau tricolore alors que celui-ci est le fruit de la révolution.
Mais quand on est con, on est con.
Encore une preuve de leur connerie.
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Anonyme, at 11:39 AM
S'ils se contentaient d'être cons ... Mais ils sont aussi méchants.
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Emmanuel Mousset, at 12:37 PM
Rien ne justifie qu'ils s'approprient le drapeau tricolore, car si la haine devait avoir une couleur ça ne serait sans doute pas le bleu, le blanc et le rouge: couleur de la liberté, de l'égalité et de la fraternité.
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"Je me révolte donc nous sommes", at 11:31 PM
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