L'Aisne avec DSK

28 août 2010

Quartier Latin et St Germain.

J'ai passé quelques jours de ces vacances qui se terminent à Paris. Comme souvent quand je suis dans la capitale, je vais faire un tour du côté du Quartier Latin et de Saint-Germain-des-Prés : c'est agréable, Gibert me permet de reconstituer mon stock de bouquins et je jette un coup d'oeil aux cours de philo de mon ancienne université, la Sorbonne. Mais cette année, ma visite dans ces lieux mythiques de Paris a été un peu particulière, puisque sous les auspices de Xavier Bertrand et Brice Hortefeux. Mais oui !

Je vous explique : l'un s'est attaqué aux "bien-pensants du Quartier Latin" et l'autre à "Saint-Germain", en visant ainsi ceux qui dénoncent la politique sécuritaire de Nicolas Sarkozy. A première vue, on se demande ce que ces deux quartiers parisiens ont à voir avec le débat politique autour des Roms. Il y a fort à parier que ceux qui contestent sur ce point le gouvernement n'habitent pas, dans leur écrasante majorité, n'ont même rien à voir avec le Quartier Latin et Saint-Germain.

Et puis, les "bien-pensants", c'est qui exactement ? On peut supposer que le chef de l'UMP fait de l'ironie, que pour lui ces fameux "bien-pensants" pensent en réalité très mal puisqu'ils ne s'accordent pas avec la pensée du chef de l'Etat. A son niveau, il est regrettable de faire de l'ironie et de jouer sur les mots. Mais cela ne suffit pas encore à expliquer ce désamour pour ces deux endroits de Paris que le monde entier nous envie et qui font la joie des touristes.

Alors quoi ? Le Quartier Latin et Saint-Germain sont les symboles de la classe intellectuelle, comme Neuilly et le XVIème arrondissement sont les symboles de la grande bourgeoisie. Ils réunissent des écoles, des universités, des lycées, des librairies parmi les plus prestigieux de France (d'où leur renommée mondiale). Certains cafés et brasseries ont accueilli les plus grands philosophes, écrivains et artistes de notre temps. Voilà, manifestement, ce qui soulève l'ire de Xavier Bertrand et de Brice Hortefeux. Mais pourquoi ?

On n'imagine pas un seul instant de Gaulle, Pompidou, Giscard, même Chirac s'en prendre au Quartier Latin et à Saint-Germain (sauf quand les étudiants essaient d'y faire la révolution, mais c'est une autre histoire). Il faut bien comprendre qu'avec Sarkozy et ces bébés Sarko que sont Bertrand et Hortefeux, nous avons une nouvelle droite au pouvoir, qui n'a aucune considération pour la culture en générale et la culture française en particulier. D'où cette insolence mal placée envers le Quartier Latin et Saint-Germain.

Mais il y a encore plus profond, sans doute plus grave : c'est le mépris envers la figure de l'intellectuel, c'est le rabaissement de la pensée. Pour Sarkozy et les siens, l'essentiel est d'agir, et la réflexion passe plus ou moins, à leurs yeux, pour une faiblesse, une indécision, un luxe inutile. Rester dans un bureau à étudier un dossier est mal vu : ils ont le culte du "terrain". Qu'un président de la République ironise sur un monument de la littérature nationale ("La princesse de Clèves"), qu'il plaisante sur les enseignants-chercheurs, non cela ne s'était jamais vu à ce niveau de l'Etat.

Faisons très attention : dans un monde qui ne jure que par le "concret", où la technologie devient notre unique objet de fierté, dont les "élites" sont constamment discréditées au bénéfice de la "base" et des "simples citoyens", avec dans la jeunesse l'idée qu'il ne faut pas trop se prendre la tête, l'image de l'intellectuel a tendance à perdre de son prestige, de son rang, de son influence.

Soyons honnêtes : ce mal n'est hélas pas le privilège de la droite. Il arrive parfois que la gauche aussi soit gagnée par cette démagogie anti-intello. Il y a trente ans, au PS, un "intellectuel" (au sens large du terme) suscitait l'admiration, on était fier de l'avoir à ses côtés, on l'écoutait, il était promis à une belle carrière. Je ne suis pas certain que ce soit aussi vrai aujourd'hui.

A mon modeste niveau, moi qui ne me définis pas comme "intellectuel", il m'est arrivé de me voir reprocher mon ton "professoral". Il y a de quoi être inquiet quand le mal se manifeste là où l'on ne l'attendait pas. Je ne voudrais pas que Xavier Bertrand et Brice Hortefeux, qui sont des malins, aient de beaux jours devant eux.


Bon après-midi "bien-pensant".

10 Comments:

  • Sarkozy ne s'en prend pas aux intellectuels mais aux biens-pensants. On peut-être l'un sans être l'autre. Les biens-pensants ne regardent pas la réalité, ils pensent la réalité et ils voudraient qu'elle soit ce qu'ils pensent. Les vrais intellectuels cherchent des solutions concrètes et réalistes en prenant compte de la réalité quand bien même qu'elle soit morose.

    By Blogger Arthur Nouaillat, at 3:32 PM  

  • Quand on se souvient qu'Attila (peut-être un lointain ascendant de Sarkozy) conversait en latin avec le Pape, quand il assiégeait Rome, et rêvait d'épouser une princesse impériale, on mesure les progrès de la civilisation. Notamment dans les classes sociales (pas seulement d'origine hongroise ou auvergnate récemment sédentarisées) qui réinventent des formes de nomadisme adaptées au temps présent (sociétés offshore, paradis fiscaux, holding à multiples tiroirs) dans des formes culturelles en symbiose avec la bête rave.
    Dans l'histoire de l'occident, c'est un trait de longue durée (comme dirait Braudel) que les nomades les plus récemment sédentarisés ont été utilisés comme mercenaires contre les nomades insoumis. Avec souvent des résultats à rebours des intentions affichées.
    Il ne faut pas être grand clerc (du quartier latin) pour prévoir que le dispositif de reconduite à la frontière "Hortefeux-Besson" va fonctionner, compte tenu du statut de citoyens européens de la plupart des Roms, comme une véritable mine d'or et un puissant appel d'air. Les aller-retour vont se multiplier pour encaisser les primes et les retours aéroportés : ils auraient bien tort de ne pas en profiter.

    By Blogger Ane-Vert, at 3:57 PM  

  • Monsieur Nouaillat votre définition de l'intellectuel me semble parfaitement s'appliquer au Maréchal Pétain qui, en 40, eut la bonté de "faire don de sa personne à la France". Attention je ne dis pas que vous êtes pétainiste, nous ne sommes pas dans le contexte de 40, je souligne juste que vos arguments seraient bien adaptés à la défense du Maréchal (nous y voilà) dans un éventuel procès en réhabilitation : un vrai intellectuel le Maréchal ?

    By Blogger Ane-Vert, at 6:48 PM  

  • Pétain invoqué, débat vitrifié, c'est dur d'être vieux et d'avoir des références qui datent d'il y a 70 ans.

    By Blogger Arthur Nouaillat, at 7:20 PM  

  • Les références qui datent de 70 ans, ou pire (à vos yeux) de quelques millénaire, Monsieur Nouaillat, cela s'appelle la culture. Relisez vous Monsieur Nouaillat : "Les vrais intellectuels cherchent des solutions concrètes et réalistes en prenant compte de la réalité quand bien même qu'elle soit morose.", quand je lis de telles âneries, j'ai l'impression que votre intellect est celui du conformisme le plus banal lequel n'a pas d'âge et généralement peu de mémoire.
    Je ne vous accable pas car j'ai eu votre âge et si je relisais mon bêtisier de ces années là, il vaudrait peut-être le vôtre.
    Quant à la dureté de mon grand âge, ne vous appitoyez pas trop : le ciel m'a pour l'essentiel préservé des petites ou grandes misères qu'il délivre à l'occasion à mes contemprains et, comme intellectuel, je me sens plus créatif et joyeux que je ne l'étais quand j'avais votre âge.

    By Blogger Ane-Vert, at 9:27 PM  

  • J'aime les références. Mais il y a référence et référence. C'est trop simple de claquer sur la table les évènements historiques les plus plus faciles qui se transforment en raccourcis vulgaire. D'autant plus qu'ils sont sortis de leur contexte et que nous ne sommes pas en mesure de s'en référencer.

    Oui je confirme ce que j'ai dit et j'irai même plus loin. En effet, j'ai dit précédemment que les intellectuels sont réalistes et cherchent des solutions concrètes. Pourquoi à votre avis ? Simplement parce que les intellectuels bobo qui réfléchissent faussement font ça pour la frime et la parlotte. Ce n'est pas de la réflexion sérieuse pour moi, mais plutôt une réflexion de pacotille. C'est plus une perte de temps qu'autre chose que celle de tomber dans un délire de bien-pensant en implorant le destin et la fatalité. Je ne crois pas en les solutions miracles et au sentimentalisme. Les intellectuels sont là pour aider, contribuer au développement économique, social et politique en réfléchissant sérieusement et en gardant une ligne directrice de leur projet.

    Justement, mon intellect n'est pas conformiste mais réaliste. Je ne me revendique pas anticonformiste sinon je ne serai pas carté dans un parti républicain. Cela dit, les biens-pensants m'agacent parce qu'il n'y a jamais de fondement sérieux et qu'ils ne regardent pas la réalité en face, ils préfèrent la créer eu même et espérer qu'un jour ça se passera comme tel. Ce n'est pas ma vision de l'intellectuel au sens propre du terme. Les bobos c'est pas mon truc.

    By Blogger Arthur Nouaillat, at 9:53 PM  

  • PS : J'oubliais de préciser que justement vous tombez dans cet attrape nigaud. Ce n'est pas rêvant d'un monde meilleur, en s'appuyant sur des rêves utopistes que l'on transforme une société. La part de rêve ne peut pas exister en politique et encore moins chez les intellectuels qui travaillent pour l'intérêt commun.
    Enfin, ce que je constate aujourd'hui, c'est que vous êtes l'archétype de ce pseudo intello, petit bourgeois aux tendances socialos écologistes qui blablatent avec un beau phrasé. Mais hélas la politique ce n'est pas ça. Au contraire, c'est de se faire comprendre par tous et d'être pragmatique.

    By Blogger Arthur Nouaillat, at 9:58 PM  

  • Rien n'est jamais tout blanc ou tout noir ; Pétain au même titre que JOFFRE , FOCH et encore beaucoup d'autres a fait son devoir de soldat au service de la république ; or des intrigants ont ressorti sa stature de 1918 pour en faire une caricature de chef d 'état en 1940 ... au service de leurs SEULES ambitions …
    Refaire vivre Pétain en ce moment c’est comme refaire vivre Louis XVI , pourquoi évoquer le passé de gens qui n’étaient plus en adéquation avec le peuple et la république … ( naissante pour Louis …. ), l’ avenir de la France ne sera que dans une démocratie moderne sans perpétuelle caricature des dirigeants , même De Gaulle fut accusé de vouloir instaurer une dictature et cela nous colle encore aux semelles ( Et puis, comme disait de Gaulle, qui peut croire que je puisse devenir dictateur à mon âge ? » ...)… retrouvons le sens de la mesure et des réalités et tout ira mieux …

    By Anonymous Anonyme, at 11:14 PM  

  • ça boucle ou boucle dorée ... Il faut qu' on nous explique ??? Le financement des partis politiques est en grande partie public et en proportion des réprésentativités ; donc la décision de gré à gré prise ou presque prise en faveur de CHIRAC va effacer en utilisant l'argent du contribuable , une infraction de caractére délictueux ... décision qui renforce les théses d'une classe politique bien trop permissive ...

    By Anonymous Anonyme, at 8:25 AM  

  • Monsieur Nouaillat , je résume vos propos :
    1 – Faut pas rêver (ça va faire du boulot et beaucoup d’heures sup défiscalisées pour la police de la nuit)
    2 – la résistance aux côtés duraille du monde comme il va relève de la bohème, et donc d’une reconduite immédiate aux frontières du réalisme
    3 – les utopistes, les artistes, les saints, les petites gens qui baissent la radio quand elle caque 40, les politiques à courage ou imagination, les défricheurs d’imaginaire ou de voies nouvelles qui ne font pas allégeance aux pensées instrumentalisées par les pouvoirs devant lesquels je me prosterne, ne sont rien que des blablateurs.
    4 – il est désormais interdit de chanter Carmen de Bizet (« l’amour est enfant de Bohème » ! ) dans les théâtres nationaux, en lieu et place on y fera une lecture publique des pages saumon du Figaro. De préférence le dimanche matin à l’heure de la messe.

    J’ai relu ce matin un auteur que j’aime bien, Jonathan Swift, qui écrit dans « Résolutions pour l’époque ou je deviendrai vieux » (je vais peut-être mettre ce texte en ligne in extenso sur mon blog) : « N’être pas trop sévère pour les jeunes gens, mais faire une large part à leurs enfantillages et à leurs faiblesses ». C’est un conseil dont vous pourriez peut-être, compte tenu de l’âge de vos idées, faire votre miel. Moi aussi d’ailleurs, et pour d’autres raisons bien évidemment. Swift conseille aussi dans ce texte, aux vieillards en devenir dans mon genre de : « n’être point trop prodigue d’avis, et (de) n’en donner qu’à ceux qui en demandent ». Ce sera désormais ma ligne de conduite et je promets de ne plus commenter vos propos sans demande expresse de votre part.

    By Blogger Ane-Vert, at 2:35 PM  

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