L'Aisne avec DSK

28 décembre 2010

445 kilomètres.

Bonsoir à toutes et à tous.


Quatre jours que je n'ai pas touché à un clavier d'ordinateur, essentiellement à votre détriment. Je m'en excuse auprès de vous. Qu'est-ce qui m'arrive ? Je ne sais pas, la faute à la neige peut-être, puisqu'elle est ces derniers temps à l'origine de tous nos malheurs. A moins qu'on ne m'ait jeté un sort. Ces choses-là arrivent quand on séjourne dans le Berry.

Pourtant, à Saint-Amand Montrond, il n'y a pas grand-chose à faire, sinon regarder les oiseaux passer. Alors je fais quoi ? Je fais mon bourgeois, je m'installe dans le café "La Rotonde", je prends un crème, j'étale un journal devant moi, je jette des coups d'oeil sur la clientèle, je me lève et je passe devant les tables comme si j'étais important, je cherche à me faire voir.

En vérité, je ne connais personne, je ne représente rien et je ne suis pas du tout bourgeois. Mais c'est un rare plaisir auquel je me livre, deux fois par an, et jamais à Saint-Quentin. Du temps d'Odette, oui : on se croyait fort, on pensait que notre avenir se jouait à la terrasse du Carillon (l'équivalent de la Rotonde), on avait tort mais on ne le savait pas encore. La branlée électorale de 2001 nous a mis du plomb dans l'aile mais aussi dans la tête.

Il paraît que la distance donne du recul et que c'est la définition de l'intelligence. Peut-être. En tout cas, je me trouve en ce moment à 445 kilomètres de Saint-Quentin, à vol de train, de gare à gare (c'est écrit sur mon billet SNCF). Et je pense à quoi ? A ces cafés bourgeois que sont la Rotonde et le Carillon ! J'ai trouvé leur point commun, qui les distingue du bistrot populaire : ce sont des aquariums où l'on vient autant pour boire que voir et surtout être vu. J'ai connu ça moi aussi, je viens de vous le dire. Et dans un aquarium, avec la loupiote juste derrière, les poissons les plus moches paraissent jolis. Il y a même quelques requins, qu'on reconnaît à leur sourire.

La terrasse du Carillon comme celle de la Rotonde, c'est le pandémonium de toutes nos illusions (faites comme moi, allez chercher dans le dictionnaire ce que ça signifie si vous ne savez pas). On fait le tour, on sourit, on salue, on discutaille, on a la tête qui tourne sans avoir bu une goutte d'alcool, on livre une confidence à un journaliste qui est là par hasard, on se croit le maître du monde parce que le patron vient vous serrer la main. En vérité, on joue mais on a déjà perdu.

Quel élu de la majorité municipale passe un peu de son temps à la terrasse du Carillon ? Aucun, parce qu'ils ont le pouvoir et que ça leur suffit. Si, quand même, il y a deux exceptions à la règle : Freddy et Grandin, qu'on voit parfois, mais ce sont de grands enfants, qui ont l'un et l'autre de naïves ambitions. Bertrand aussi, mais lui c'est différent : où qu'il soit, jusque dans un bordel, on justifiera et pardonnera sa présence, on la verra comme un travail, une mission, un service à la population, pas un loisir, une oisiveté, une recherche de reconnaissance. C'est le privilège des vainqueurs : on leur accorde tout. Avec les battus, on ne laisse rien passer. C'est terrible, c'est injuste mais c'est ainsi.

Quelle est la leçon de mes méditations berrichonnes, à 445 kilomètres de Saint-Quentin ? Qu'il ne faut pas se la jouer sérieusement à la terrasse du Carillon comme je me la joue pour rire à la terrasse de la Rotonde. La politique est aussi une question d'image et il y a des images qui tuent, en même temps qu'elles procurent une très agréable et dangereuse illusion.


Bonne soirée.

8 Comments:

  • 10a pour le comprendre
    vous progressez loin d'ici.

    By Anonymous Anonyme, at 1:00 AM  

  • Dix ans, c'est peu. Certains n'ont toujours pas compris.

    By Blogger Emmanuel Mousset, at 9:20 AM  

  • Bonjour Manu tu me fais mourir de rire avec tes billets.

    By Anonymous faty, at 4:22 PM  

  • Mais de qui parlez vous ?
    Qui pratiquerait encore la politique de grand papa en trainant dans les bistrots ?

    Freddy, Alexis ou Antonio,
    je suis formel c'est pour aller boire un coup.

    L'endroit où on se montre c'est le palais des sports
    quel intéret de se montrer devant quelques dizaines de péquins quand on peut le faire devant plusieurs milliers.
    Courage vous l'aurez compris dans 10a.

    By Anonymous Anonyme, at 6:18 PM  

  • Il n'est pas interdit d'aller boire un coup. Il m'arrive de prendre un jus d'orange ou un verre de lait, même au Carillon. Quant à la politique, elle ne se pratique ni dans les bistrots, ni pendant les matchs de basket. Sinon ce serait trop facile. Croire qu'on progresse ou qu'on gagne en posant son cul sur une chaise, peu importe l'endroit, là est l'illusion.

    By Blogger Emmanuel Mousset, at 7:15 PM  

  • Faty,

    Femme qui rit ... à moitié convaincu, et le plus dur reste à faire. Mais j'en connais qui rient jaune.

    Bonne année à toi.

    By Blogger Emmanuel Mousset, at 7:17 PM  

  • Et pourtant c'est ça la politique
    etre assis au bon endroit
    et laisser les penseurs penser.

    By Anonymous Anonyme, at 8:55 PM  

  • Vous avez raison : asseyez-vous sur la lunette des chiottes et ne pensez à rien, je suis certain que vous réussirez en politique.

    By Blogger Emmanuel Mousset, at 9:01 PM  

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