L'Aisne avec DSK

13 février 2011

Baby blues.


Bonjour à toutes et à tous.


La démographie est à la hausse, les Français refont des enfants, certains commentateurs s'en réjouissent, notre pays retrouverait le moral. Ah bon ? Je dis non, pour plusieurs raisons :

1- La déprime nationale est bien là, profonde en comparaison avec d'autres pays, et ce n'est pas la relance de la natalité qui change quoi que ce soit à ce constat. Quand un Français sur deux craint de devenir SDF, c'est que quelque chose ne va pas, que les naissances ne suppriment ou ne compensent pas.

2- Au contraire, l'acte de reproduction, au demeurant fort légitime et généralement plaisant dans l'instant, est plutôt un signe de repli sur la sphère privée, dans une France qui doute d'elle-même, ne croit plus en son destin et désespère de sa vie publique.

3- Historiquement, il y a un fait, une évidence qui devraient nous amener à réfléchir et à sortir de nos préjugés consolateurs et conservateurs : ce sont les peuples pauvres et les civilisations en crise qui font de nombreux enfants. Nous n'en sommes pas encore là mais la tendance existe et elle prospère du moins dans les têtes.

4- Les bâtisseurs de l'humanité, chrétiens en leur temps, révolutionnaires à l'époque moderne, ne se référaient guère aux valeurs familiales comme moteur de la conversion ou de l'émancipation. On n'imagine pas saint Paul et Lénine en papas. Il n'y a que la très ordinaire gestion qu'on dit "de bon père de famille", la créativité paternelle n'allant pas plus loin (au passage, pourquoi les "mères de famille" sont-elles exclues de cette compétence ? Au passage aussi, pourquoi cette expression redondante "père de famille", puisque être père c'est nécessairement fonder une famille ?). Encore est-ce douteux : si les familles garantissaient la bonne marche de la société, cette vérité se saurait depuis longtemps et le monde, plein de papas, mamans et enfants, ne serait pas ce qu'il est.

5- Je me demande si cette autosatisfaction nataliste n'est pas le produit d'une nostalgie aujourd'hui fréquente et largement fausse, idéalisée (le fameux "C'était mieux avant ?") : les soi-disant glorieuses "Trente Glorieuses" et leur baby boom, celui-ci étant alors la réponse à l'inhumanité dont l'humanité avait été capable durant la Seconde Guerre Mondiale. Je ne suis pas loin de penser, sans nécessairement aller jusque-là, qu'un individu normalement heureux dans un monde sans tragédie ne ressentirait aucun désir particulier de se reproduire (mais comme la mort restera un malheur à l'échelle personnelle, les êtres humains continueront à faire des enfants pour le surmonter, sauf ceux qui sont d'ors et déjà tournés vers l'éternité). Je ne sous-entends pas que l'acte de reproduction pourrait être pathologique, mais désespéré oui probablement dans certains cas. Ce qui n'enlève rien d'ailleurs à sa beauté et à sa valeur. Quoi qu'il en soit, le baby boom peut cacher et accompagner un baby blues.

6- Ce qui est certain, c'est que les "valeurs familiales" sont en soi réactionnaires. Ce n'est pas un hasard si la République, dans sa devise, ne les reprend pas alors que le régime de Vichy les met à l'affiche. Le natalisme a toujours été une idéologie de droite, tout comme le discours moral sur la famille, les craintes quant à son "éclatement", sa prétendue disparition (comme si une réalité biologique et sociale pouvait disparaître !). On rattache souvent ce fait à l'influence du christianisme, à mon avis à tort : les Évangiles ne sont pas tendres pour la famille, la Mère de Dieu est une vierge et les modèles de l'Église, apôtres, martyrs, prêtres, moines et saints hommes, ne sont pas exactement des exaltations de la "cellule familiale" (l'expression est révélatrice !).

7- Familles je vous hais ? Non, je ne suis pas vraiment un lecteur de Gide. Comme socialiste, je laisse à chacun le soin de choisir sa vie, sans privilégier tel mode d'existence, sans établir une hiérarchie. C'est pourquoi je suis régulièrement surpris de voir que des candidats de gauche en réfèrent à leur passé familial pour justifier en partie leur engagement politique (n'ont-ils donc rien d'autres à mettre en avant ?). Qu'à droite on exalte l'héritage, l'hérédité, la lignée, la dynastie, c'est idéologiquement cohérent. Mais à gauche, ça ne se devrait pas. Pour nous autres, il n'y a que des hommes libres, des citoyens responsables, pas des "enfants de" ou des "fils de famille" même progressiste. Ce n'est pas le sang qui fait les convictions, ni les traditions, pas même l'éducation : c'est la décision, la volonté, la réflexion. Familles je ne vous hais pas, mais je hais (façon de parler, bien sûr) ceux qui vous utilisent, vous manipulent, vous idolâtrent.


Bon dimanche,
en famille je suppose.

9 Comments:

  • 6-Jésus n'est pas dieu,
    c'est son fils.

    By Anonymous Anonyme, at 4:56 PM  

  • Pas un mot sur Sarkozy jeudi,
    les lecteurs auraient aimé connaitre votre opinion sur l'émission.

    By Anonymous Anonyme, at 4:57 PM  

  • A 4:56 :

    Relisez le Credo : "Il est Dieu né de Dieu, Lumière née de la Lumière, vrai Dieu né du vrai Dieu ..."

    By Blogger Emmanuel Mousset, at 5:21 PM  

  • A 4:57 :

    Je n'ai pas vu l'émission et je n'ai rien fait pour la voir. Les commentaires du lendemain m'ont semble-t-il donné raison.

    By Blogger Emmanuel Mousset, at 5:23 PM  

  • Allez sortons les pronostics au soir du premier tour.

    DSK 20 %
    Marine Le Pen 17 %
    Sarkozy 15%
    Borloo 17% si pas de Bayrou ni Morin sinon 10%Borloo et 7 Bayrou
    N.Hulot 12% ou Eva Jolie 7%
    Melanchon 8 à 10 % (si les PC stalinien se presentent 8 -10 sinon)
    Besancenot 1.8%
    Lutte Ouvriere 1.2 %
    Chilardi 4%

    Perso, je vote un deuxieme tour DSK-Marine Le Pen ou DSK- JLBorlo s'il reussit a unir les centristes !!!

    By Anonymous Anonyme, at 9:18 PM  

  • Schivardi à 4%, soit vous êtes généreux, soit vous êtes lambertiste.

    By Blogger Emmanuel Mousset, at 9:27 PM  

  • la base de sarkozy c'est sa cote de popularité
    il ne sera jamais au dessous de 20
    l'hypothese ne tient pas.

    By Anonymous Anonyme, at 12:14 AM  

  • Votre 3 point est faux. Il n'y a pas de corrélation évidente entre pauvreté et nombre d'enfants. Voyez l'Ukraine, très pauvre et qui pourtant n'a plus d'enfants.

    By Anonymous Vilay, at 6:52 PM  

  • Vous avez trouvé l'exception qui confirme la règle.

    By Blogger Emmanuel Mousset, at 11:33 PM  

Enregistrer un commentaire

<< Home