L'Aisne avec DSK

24 avril 2011

Jean Collart, n° 81 537.






Bonjour à toutes et à tous,


Nous n'étions pas très nombreux ce matin, à 10h15, place de l'Hôtel de Ville, à tel point que la fanfare semblait plus importante que les participants, lorsque le cortège s'est mis en marche. Il s'agissait pourtant de la Journée Nationale de la Déportation, dont le sens profond mérite d'être commémoré, c'est-à-dire remis en mémoire. Bien sûr nous sommes en période de vacances (ah les vacances !). Mais est-ce une bonne raison pour être absent ? Quelque chose me dit que nous serons de moins en moins nombreux dans ce genre de cérémonie, les années passant. Et c'est inquiétant.

Devant le Monument de la Résistance et de la Déportation, les grandes valeurs de la République ont été rappelées. Tout cela, les drapeaux, la fanfare, les discours, peut prêter à sourire. En avons-nous encore besoin ? Mais oui ! Une société vit de rites, et celui qui consiste à rappeler que la barbarie n'est pas si ancienne, que certains hommes et femmes ont donné leur vie en luttant contre elle, ce rite-là doit être entretenu. Répétition de leçons bien connues ? Sans doute, mais militer, comme enseigner, c'est répéter. La messe aussi est une répétition, qui n'enlève en rien de sa valeur aux yeux du croyant.

Cette année, la cérémonie était d'autant plus importante qu'elle honorait la mémoire d'un résistant saint-quentinois, disparu en janvier, Jean Collart. Mort, cet homme a encore quelque chose à dire aux vivants que nous sommes : vivre, c'est résister. A moi aujourd'hui, il me parle plus particulièrement. D'abord parce que Jean Collart a été élève dans l'établissement où j'enseigne, le lycée Henri-Martin. C'est dans ces murs qu'il a fait à 17 ans les connaissances qui lui ont permis d'entrer dans la Résistance. 17 ans, vous rendez vous compte !

Arrêté par la Gestapo, il a été interrogé dans la prison de Saint-Quentin, puis transféré dans le camp de concentration de Buchenwald, sous le numéro 81 537. Qu'on n'oublie pas ce monde totalitaire où les hommes n'avaient plus ni nom ni prénom mais se réduisaient à des nombres. De retour, frappé par la tuberculose, Jean Collart a subi l'ablation d'un poumon. Le souvenir de la guerre et de la barbarie s'est inscrit à tout jamais dans sa chair. Il a tout de même vécu, et longtemps. Nous devons maintenant vivre pour lui, pour nous, pour l'avenir, transmettre l'expérience tragique qui a été la sienne.

Une autre raison m'attache à Jean Collart : il a travaillé toute sa vie dans et pour l'école publique. Son père était directeur de l'école Lyon-Jumentier pendant la guerre, il y enseigna à son tour plus tard, ainsi qu'à Camille Desmoulins. Après une carrière d'instituteur, il devint professeur des collèges, en lettres et histoire, à Michelis, aujourd'hui collège Montaigne.

Dans son beau discours dans la salle des mariages de l'Hôtel de Ville, Monique Ryo, première adjointe, a retracé ce parcours. J'ai été particulièrement sensible à sa mise en garde : l'extrémisme et l'intégrisme nous guettent encore, Jean Collart n'a pas lutté en vain, les leçons de l'histoire gardent tout leur sens aujourd'hui. Au côté de l'élu, son fils Jean-Luc n'a prononcé que quelques mots, ému, mais plus éloquent que bien des grandes interventions.

Auparavant, dans le parc des Champs-Elysées, une allée portant désormais le nom de Jean Collart avait été inaugurée, selon la volonté de Pierre André, sénateur et ancien maire. Les promeneurs qui regarderont cette modeste plaque verte auront j'espère cette pensée : il y a eu un temps, pas si lointain, où un jeune de 17 ans pouvait risquer sa vie pour qu'aujourd'hui nous nous promenions calmement, sans inquiétude, libre, dans ce parc et au long de notre existence.

Jean Collart était le dernier déporté-résistant de Saint-Quentin. Après lui, nous ne pouvons plus compter que sur la mémoire et ce genre de cérémonie. Même s'il fait beau, même si nous sommes en vacances, même si nous avons mille choses très importantes à faire, il faut que nous soyons toujours là, présents, les prochaines années, comme ces personnes âgées que j'ai vues ce matin, peinant à marcher, se tenant parfois par le bras, souffrant, mais présentes. Car c'est à l'oubli et à une certaine négligence qu'il faut désormais résister.


Bon dimanche de Pâques.


Vignette 1 : les porte-drapeaux devant l'allée Jean-Collart.
Vignette 2 : les gerbes de fleurs déposées par la municipalité et les associations.
Vignette 3 : la plaque commémorative.
Vignette 4 : la fin de cérémonie.

8 Comments:

  • Encore aurait il eu fallu le savoir.
    Même le site de la mairie n'annonçait pas l'événement.
    Contrairement à ce que vous pensez, quand les gens ne viennent pas,
    ce n'est pas qu'ils ne sont pas intéressés,
    il arrive aussi que ce soit parce qu'ils ne le savent pas.

    By Anonymous Anonyme, at 7:27 PM  

  • Les ignorants ne savent jamais rien, même quand ils sont hyper-informés, la preuve.

    By Blogger Emmanuel Mousset, at 8:00 PM  

  • Quelle preuve ?
    Où est l'hyper information ?
    Le microcosme était peut être informé mais certainement pas la plèbe.

    By Anonymous Anonyme, at 1:16 AM  

  • On peut sans doute reprocher beaucoup de choses à la municipalité de Saint-Quentin mais pas son sens de la communication.

    By Blogger Emmanuel Mousset, at 10:53 AM  

  • On pourrait surtout s'interroger du cout de tout ces envois.
    Un envoi groupé 1 fois par semaine serait surement plus économique que de recevoir chaque jour une nouvelle invitation pour les privilégiés.
    Ce serait une perte pour la poste mais un gain pour le contribuable.

    By Anonymous Anonyme, at 8:15 PM  

  • Les privilégiés ont autre chose à faire que participer à un défilé patriotique. Quant aux envois groupés, le tarif serait le même, une enveloppe avec trois invitations équivalant à peu près à trois enveloppes avec une invitation en matière de timbrage. Comme c'est le poids qui détermine le coût, je me demande même si votre suggestion ne serait pas d'un prix plus élevé.

    Quant à l'organisation, elle serait plus compliquée et moins efficace avec le système que vous proposez. Votre intention est bonne mais vous n'avez pas assez réfléchi à sa mise en pratique.

    By Blogger Emmanuel Mousset, at 8:38 PM  

  • Cher Monsieur MOUSSET

    Coupons court à cette polémique stérile , de plus en plus d'association donnent leur calendrier annuel , ne serait ce que pour la réservation des salles communales , il y a pratiquement dans toutes les communes importantes une commission de coordination , dans le cas cité un calendrier annuel est connu et édité mais à une catégorie de personnes très impliquées , à ce calendrier type pratiquement reconduit tous les ans , viennent s 'ajouter quelques cérémonies additionnelles greffées qui sont elles aussi connues avec des délais très précis , donc tout ceci pourrait paraître dans la presse ou sur des tableaux d'affichage par mise à jour périodiques ... mieux que les minuscules entrefilets hebdo

    Vous ai je été utile à la réflexion , toujours enflammée et si gauloise ....

    By Anonymous Anonyme, at 11:02 AM  

  • Non, vous n'êtes pas utile à ma réflexion. Je trouve même particulièrement minable cette polémique sur l'information autour d'une cérémonie. Comme si vous n'aviez rien de mieux à dire !

    By Blogger Emmanuel Mousset, at 11:19 AM  

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