L'Aisne avec DSK

19 avril 2007

L'opinion "bouge".

Il n'y a pas que les procurations qui explosent dans cette campagne, il y a aussi les indécisions, au nombre de 37% dit-on, du jamais vu à trois jours du scrutin. Combien seront-ils le dimanche matin? Peut-être pas moins nombreux...

Je me demande, comme je l'ai déjà fait sur ce blog, s'il ne faudrait pas reconsidérer cette catégorie, les "indécis". D'ailleurs, le sont-ils vraiment, indécis? Le mot renvoie à une faiblesse, une incertitude, un manque, alors que nous avons peut-être affaire à des citoyens très volontaires, dont la force est de ne pas choisir ou de ne choisir qu'à l'ultime instant du choix. A rebours d'une conception de convictions durablement installées, pourquoi n'aurions-nous pas une réflexion qui va jusqu'à son terme, d'un esprit qui garde sa liberté jusque dans l'isoloir? Version certes optimiste du phénomène...

Je suis persuadé que la société contemporaine, sans que personne n'en décide rien, a créé un homme nouveau, une psychologie inédite, et surprenante tant qu'on ne s'efforce pas de la comprendre. Regardons autour de nous, écoutons: la mobilité est devenue une valeur-clé. Il faut "se bouger", entend t-on souvent. Non pas bouger (il n'y a que les morts qui ne bougent pas), mais "se bouger". L'époque est au mouvement permanent: pas de temps morts, mort à l'ennui, agir dans l'instant, dans l'urgence. Pierre-André Taguieff a appelé cette nouvelle idéologie spontanée, le "bougisme".

Il se trouve que la même idée réapparait sous la plume de Claude Arnaud, écrivain et essayiste, dans Le Monde des Débats de mars 2007, sur les intellectuels et la présidentielle, dont je vous recommande la lecture:

" Le bougisme contamine nos esprits jusqu'à leur interdire des choix cohérents; les sondages infusent nos caprices dans les dernières convictions du postulant, lequel en vient à se montrer tout aussi attrape-tout - ses volte face alimentant en retour notre volatilité: le droit d'être autre gagne chacun [c'est moi qui souligne], jusqu'à brouiller les frontières idéologiques et engendrer un gigantesque mouvement brownien. "

Le monde change, la société évolue, l'opinion "bouge". Dimanche soir, tout peut arriver. Je ne sais pas s'il faut s'en réjouir ou s'en plaindre, mais il faut le comprendre.

Bonne nuit.