L'Aisne avec DSK

21 avril 2007

Un cynisme populaire.

Je lis en ce moment l'essai court, dense et percutant de Jacques Rancière, "La haine de la démocratie". J'y reviendrai, si le temps me le permet, mais déjà quelques mots: Rancière dénonce une "haine de la démocratie" venue de l'élite et de l'institution démocratique elle-même, haine en quelque sorte pour l'expression populaire (je fais bref, c'est plus subtil que cela). Il reste du maoisme chez Rancière, un maoisme démocratique si j'ose dire: la démocratie, c'est la multitude en parole et acte (voir aussi Tony Negri) contre laquelle le pouvoir, nécessairement oligarchique, ne peut que lutter.

Sans doute, mais en cette veille d'élections où le peuple va donner de la voix, et à l'issue de plusieurs semaines de militantisme au contact des "gens" (comme on dit aujourd'hui), je peux vous dire, et ça n'a rien d'original, n'importe qui peut le constater mais rares sont ceux qui osent le dénoncer, qu'il existe un puissant cynisme populaire, une haine tranquille, diffuse et ordinaire de la démocratie, qui passent par deux affirmations aussi fausses l'une que l'autre:

- "Les hommes politiques ne tiennent pas leurs promesses". Donc trahison des politiques, donc déception des électeurs, donc inutilité de la démocratie. Qui ne l'a pas entendu, présenté d'une façon ou d'une autre? Et pourtant, c'est faux, archi faux. Bien sûr, toutes les promesses ne peuvent être tenues, c'est normal quand on dirige un grand pays, qu'il faut composer, faire face à l'imprévu, subir des contraires. Mais en gros, les politiques font ce qu'ils disent. Croyez moi, Sarkozy élu fera à peu près ce qu'il a dit, hélas. Je rêverais à des hommes de droite qui ne feraient pas grand cas de leurs promesses...

- "La droite et la gauche, c'est la même chose". Mensonge qu'on entend beaucoup moins qu'en 2002 mais toujours présent. Bien sûr, la droite et la gauche se ressemblent sur certains points, c'est inévitable (l'une et l'autre vivent dans le même pays, sont confrontées au même problèmes, apportent parfois de mêmes réponses: qui par exemple ne souhaite pas la relance de la croissance économique?). Mais les grandes lignes sont absolument distinctes. Prenez le pouvoir d'achat: Ségolène veut l'augmenter par la hausse du SMIC et une négociation salariale pour les autres niveaux de rémunérations, alors que Sarkozy et Bayrou veulent revaloriser et défiscaliser les heures supplémentaires. Est-ce que c'est la même chose? Non.

Cher Jacques Rancière, la démocratie est exigente, difficile, elle oblige à réfléchir, choisir, s'engager, assumer. Tout cela ne provoque pas un amour spontané mais au contraire une haine naturelle, que nous devons combattre en nous et dénoncer chez les autres. Pensons y et parlons en avant d'aller voter.

Bon après-midi.