Faits de société.
Je lis cet après-midi, dans Charlie-Hebdo, une interview de Thierry Gerber, responsable CGT qui vient de publier "Violences contre agents", chez Jean-Claude Gawsewitch éditeur. Cet entretien prouve que l'insécurité peut être abordée dans une perspective progressiste et intelligente, et non dans les délires ou calculs électoraux si fréquents. Sa réflexion porte sur les violences envers les agents des services publics.
D'abord, Gerber, et il faut toujours commencer par là, fait le point sur la réalité de l'insécurité, par exemple à la SNCF: "En 1990, il y avait eu 410 agressions physiques sur des agents de la SNCF. Il y en a eu plus de 1000 en 2006." Avec une particularité: l'élargissement de la violence à tous les corps de métier du rail: plus seulement les contrôleurs mais les conducteurs, guichetiers et agents d'escale.
Puis le syndicaliste établit une thèse, que j'ai à plusieurs reprises exposée sur ce blog à propos de la nature de l'insécurité contemporaine: "Je veux montrer que ces agressions ne sont pas des faits divers, mais des faits de société." L'essentiel est dit. La délinquance n'est plus aujourd'hui constituée de déviances, comportements marginaux, actes délictueux ou criminels traditionnels, ce qu'on appelle des faits divers, mais c'est le produit même de la société, qui engendre une violence devenant peu à peu ordinaire, banale, normale, générale. D'où la réapparition d'un vieux mot qui, faute de mieux, semble la caractériser: incivilités.
Ce qui est intéressant chez Gerber, ce sont ses explications si je puis dire techniques, qui sont au nombre de trois:
- Le contrôle à la SNCF est beaucoup plus puissant qu'avant. "La politique des entreprises publiques s'est durcie, avec la volonté d'aller vers plus de rentabilité: renforcement des système antifraude, refus des délais de paiement pour avoir de meilleurs ratios de trésorerie. Les employés ont moins de marge de manoeuvre." Paradoxalement, l'efficacité de la surveillance et de la sanction génère des tensions et des contre-réactions.
- Paradoxalement aussi, le client devenu roi, alors qu'il n'était avant qu'un usager sans droit à la parole, nourrit des exigences, parfois des arrogances propices aux conflits, à l'agressivité, quand ce n'est pas à l'agression. "Quand il y a des besoins supplémentaires, la baisse des effectifs se traduit par une incapacité à faire face aux demandes des usagers. Dans le même temps, les entreprises publiques excitent les exigences des citoyens avec des messages publicitaires où le client est placé au centre du dispositif: "Avec la SNCF, tout est possible", "On vous doit plus que la lumière" (EDF), "On vous apporte l'avenir" (La Poste)."
- Enfin, "il y a (...) le phénomène de la délinquance violente, qui a augmenté, les violences urbaines contre les agents (caillassages, cocktails Molotov,...)". Conclusion de Thierry Gerber: "Dans l'esprit collectif, le service public est là pour prendre des coups. C'est un exutoire, avec derrière l'image de l'Etat." J'ajouterais: dans une société libérale où l'argent est le critère de la réussite et de la valeur de chacun, l'agent de l'Etat, gagnant moins que dans le secteur privé et soumis à sa hiérarchie, est devenu celui qu'on se plaît à mépriser. Du mépris à la violence, il n'y a qu'un pas.
A la fin de l'interview, Gerber donne quelques pistes pour remédier à cette douloureuse situation. Je vous laisse le soin d'aller voir.
Bonne fin d'après-midi.
D'abord, Gerber, et il faut toujours commencer par là, fait le point sur la réalité de l'insécurité, par exemple à la SNCF: "En 1990, il y avait eu 410 agressions physiques sur des agents de la SNCF. Il y en a eu plus de 1000 en 2006." Avec une particularité: l'élargissement de la violence à tous les corps de métier du rail: plus seulement les contrôleurs mais les conducteurs, guichetiers et agents d'escale.
Puis le syndicaliste établit une thèse, que j'ai à plusieurs reprises exposée sur ce blog à propos de la nature de l'insécurité contemporaine: "Je veux montrer que ces agressions ne sont pas des faits divers, mais des faits de société." L'essentiel est dit. La délinquance n'est plus aujourd'hui constituée de déviances, comportements marginaux, actes délictueux ou criminels traditionnels, ce qu'on appelle des faits divers, mais c'est le produit même de la société, qui engendre une violence devenant peu à peu ordinaire, banale, normale, générale. D'où la réapparition d'un vieux mot qui, faute de mieux, semble la caractériser: incivilités.
Ce qui est intéressant chez Gerber, ce sont ses explications si je puis dire techniques, qui sont au nombre de trois:
- Le contrôle à la SNCF est beaucoup plus puissant qu'avant. "La politique des entreprises publiques s'est durcie, avec la volonté d'aller vers plus de rentabilité: renforcement des système antifraude, refus des délais de paiement pour avoir de meilleurs ratios de trésorerie. Les employés ont moins de marge de manoeuvre." Paradoxalement, l'efficacité de la surveillance et de la sanction génère des tensions et des contre-réactions.
- Paradoxalement aussi, le client devenu roi, alors qu'il n'était avant qu'un usager sans droit à la parole, nourrit des exigences, parfois des arrogances propices aux conflits, à l'agressivité, quand ce n'est pas à l'agression. "Quand il y a des besoins supplémentaires, la baisse des effectifs se traduit par une incapacité à faire face aux demandes des usagers. Dans le même temps, les entreprises publiques excitent les exigences des citoyens avec des messages publicitaires où le client est placé au centre du dispositif: "Avec la SNCF, tout est possible", "On vous doit plus que la lumière" (EDF), "On vous apporte l'avenir" (La Poste)."
- Enfin, "il y a (...) le phénomène de la délinquance violente, qui a augmenté, les violences urbaines contre les agents (caillassages, cocktails Molotov,...)". Conclusion de Thierry Gerber: "Dans l'esprit collectif, le service public est là pour prendre des coups. C'est un exutoire, avec derrière l'image de l'Etat." J'ajouterais: dans une société libérale où l'argent est le critère de la réussite et de la valeur de chacun, l'agent de l'Etat, gagnant moins que dans le secteur privé et soumis à sa hiérarchie, est devenu celui qu'on se plaît à mépriser. Du mépris à la violence, il n'y a qu'un pas.
A la fin de l'interview, Gerber donne quelques pistes pour remédier à cette douloureuse situation. Je vous laisse le soin d'aller voir.
Bonne fin d'après-midi.
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