Signes des temps.

Jusqu'à aujourd'hui, les présidents de la République ont su manier avec soin les symboles, de façon plus ou moins heureuse. Car le chef de l'Etat a aussi un pouvoir symbolique de représentation. Il n'est pas certain qu'il en soit de même avec Nicolas Sarkozy. La "rupture" promise pourrait bien affecter également ce domaine.

Avant d'être élu, le candidat de l'UMP laissait entendre qu'il pourrait commencer ses premiers jours de président, certes non intronisé mais tout de même élu, dans un... monastère, pour s'y reposer, "habiter la fonction présidentielle", disait-il. C'est en effet le type d'endroit où l'on est "habité", mais plutôt par Dieu. Je comprends bien qu'un monastère est un havre de paix auquel aspire aisément un homme fatigué. Mais c'est surtout une institution religieuse dont la fréquentation ne regarde que l'homme privé, pas l'homme public, qui plus est le premier magistrat d'une République laïque.

Nicolas Sarkozy l'aurait-il compris? Toujours est-il qu'il a changé de destination et de refuge. Le moine a laissé place au capitaine, l'austérité de la cellule monacale a été remplacée par les coursives d'un luxueux yacht prêté par un ami, la prière s'est effacée devant la croisière. Attention d'abord au violent contraste dans l'utilisation des symboles. Surtout, après la nuit passée au Fouquet's, n'est-ce pas en faire un peu trop dans l'étalage de la richesse? Et puis, je me demande comment on peut "habiter la fonction présidentielle" au large de Malte, dans un tel environnement.

Comprenez moi bien. Je n'ai rien contre les monastères et les yachts, les hommes de Dieu et les hommes d'argent. Il faut sûrement des deux et de beaucoup d'autres pour faire une société. Je dis simplement que le président de la République, même non investi officiellement, n'est plus un homme comme les autres. Il a une fonction de représentation qu'il doit cultiver avec prudence et pertinence.

Je ne suis pas choqué par les activités de Nicolas Sarkozy dans les premières heures qui ont suivi son élection, qui ne sont pas privées à partir du moment où elles sont rendues publiques. Mais c'est un signe des temps: Sarkozy n'apporte ici aucun soin à l'image qu'il donne de lui, il reste lui-même, comme lorsqu'il avait employé les mots de "karcher" et "racaille". Il est trop dans l'action pour être dans le symbole.

Autre signe des temps: pour la première fois depuis qu'un président de la République est élu au suffrage universel, des incidents violents ont suivi le scrutin, jusqu'à cette nuit. Rien n'excuse évidemment ces débordements dérisoires et désespérés. Les révoltés qui agissent ainsi devraient plutôt se demander pourquoi le peuple ne les suit pas et vote massivement à droite. Mais il n'est pas anodin que la violence se soit déclenchée après cette victoire électorale.

Bon après-midi.