Salauds de pauvres!
Je n'ai pas eu le temps de vous parler, la semaine dernière, de l'éditorial de Philippe Val dans Charlie-Hebdo, je me rattrape aujourd'hui, avec grand plaisir, car citer la prose et la pensée de Val m'est toujours un délice. Son "papier" analyse le sarkozysme avec une lucidité, une pertinence et un entrain que je ne trouve sous aucune autre plume. Voilà quelques extraits pour vos méditations de l'après-midi:
"Quel est le refrain qu'on entend partout? Sarkozy va les remettre au boulot, les feignasses. Ceux qui touchent des RMI et du chômage sans jamais rien foutre. Ceux qui profitent du système et qui gagnent plus en restant couchés que nous en allant bosser."
Vous vous souvenez de Mitterrand, dans les années 80, dénonçant ceux qui gagnaient de l'argent en dormant. Il visait les riches, les rentiers, les spéculateurs, les propriétaires. Le même reproche est aujourd'hui à l'oeuvre, mais la cible a changé: ce sont les chômeurs, les rmistes, les allocataires de toute sorte.
"C'est quand même un sacré tour de force d'avoir transformé les 5 à 10 millions de personnes touchées par le chômage et la précarité en "profiteurs". La France a voté contre le RMI! L'immigré qui touche des indemnités de chômage, voilà l'ennemi public numéro 1."
Avant, le salaud, le profiteur, l'exploiteur, c'était le bourgeois, maintenant, c'est le prolo et le clodo, contre lesquels peste et crache le peuple de droite, car le peuple a cessé d'être à gauche.
"Le sarkozysme, c'est ce qu'il y a de pire dans une cour de récré: c'est le malheur au vaincu, c'est la faute ajoutée au dénuement, c'est la honte ajoutée à la faiblesse, c'est la culpabilité ajoutée à la douleur, c'est le ridicule ajouté à la fragilité."
C'est beau et fort comme du Bernanos ou du Céline, vous ne trouvez pas? Après la description vient l'explication:
"Tout le progrès social est venu d'un regard porté du bas de la société vers le haut et d'une constatation des écarts astronomiques entre le maharaja et le mendiant, écarts qui, à terme, ne servent personne. Le mendiant parce qu'il en crève, et le maharaja parce qu'il est condamné à la jouissance paranoïaque de ses biens, dans une solitude peuplée de poignards."
La dialectique du haut et du bas, je trouve que c'est bien vu. Avec le sarkozysme, que se passe-t-il?
"Le regard s'est inversé: il circule désormais de haut en bas. Ce n'est plus à la puissance qu'on demande des comptes, c'est à la faiblesse. Ce n'est plus à celui qui jouit de la profusion qu'on demande justice, mais à celui qui n'a rien, ou très peu. Le coupable, celui dont le châtiment propitiatoire conjurera les malheurs de la société, ce n'est plus Thénardier, c'est Cosette."
Quelle est la philosophie à peine cachée du sarkozysme? Le darwinisme:
"Toute la civilisation n'est qu'une manière d'aller contre les lois que Darwin a observées dans la nature: l'élimination des faibles au profit des individus les mieux pourvus. La pire des doctrine que l'homme puisse s'approprier, c'est le darwinisme social: transposer à la société les lois de la sélection naturelle. Le darwinisme social pourrait se résumer ainsi: pour éliminer la pauvreté, il faut éliminer les pauvres."
Je pourrais continuer, j'arrête, vous avez suffisamment de quoi penser.
Bon après-midi.
"Quel est le refrain qu'on entend partout? Sarkozy va les remettre au boulot, les feignasses. Ceux qui touchent des RMI et du chômage sans jamais rien foutre. Ceux qui profitent du système et qui gagnent plus en restant couchés que nous en allant bosser."
Vous vous souvenez de Mitterrand, dans les années 80, dénonçant ceux qui gagnaient de l'argent en dormant. Il visait les riches, les rentiers, les spéculateurs, les propriétaires. Le même reproche est aujourd'hui à l'oeuvre, mais la cible a changé: ce sont les chômeurs, les rmistes, les allocataires de toute sorte.
"C'est quand même un sacré tour de force d'avoir transformé les 5 à 10 millions de personnes touchées par le chômage et la précarité en "profiteurs". La France a voté contre le RMI! L'immigré qui touche des indemnités de chômage, voilà l'ennemi public numéro 1."
Avant, le salaud, le profiteur, l'exploiteur, c'était le bourgeois, maintenant, c'est le prolo et le clodo, contre lesquels peste et crache le peuple de droite, car le peuple a cessé d'être à gauche.
"Le sarkozysme, c'est ce qu'il y a de pire dans une cour de récré: c'est le malheur au vaincu, c'est la faute ajoutée au dénuement, c'est la honte ajoutée à la faiblesse, c'est la culpabilité ajoutée à la douleur, c'est le ridicule ajouté à la fragilité."
C'est beau et fort comme du Bernanos ou du Céline, vous ne trouvez pas? Après la description vient l'explication:
"Tout le progrès social est venu d'un regard porté du bas de la société vers le haut et d'une constatation des écarts astronomiques entre le maharaja et le mendiant, écarts qui, à terme, ne servent personne. Le mendiant parce qu'il en crève, et le maharaja parce qu'il est condamné à la jouissance paranoïaque de ses biens, dans une solitude peuplée de poignards."
La dialectique du haut et du bas, je trouve que c'est bien vu. Avec le sarkozysme, que se passe-t-il?
"Le regard s'est inversé: il circule désormais de haut en bas. Ce n'est plus à la puissance qu'on demande des comptes, c'est à la faiblesse. Ce n'est plus à celui qui jouit de la profusion qu'on demande justice, mais à celui qui n'a rien, ou très peu. Le coupable, celui dont le châtiment propitiatoire conjurera les malheurs de la société, ce n'est plus Thénardier, c'est Cosette."
Quelle est la philosophie à peine cachée du sarkozysme? Le darwinisme:
"Toute la civilisation n'est qu'une manière d'aller contre les lois que Darwin a observées dans la nature: l'élimination des faibles au profit des individus les mieux pourvus. La pire des doctrine que l'homme puisse s'approprier, c'est le darwinisme social: transposer à la société les lois de la sélection naturelle. Le darwinisme social pourrait se résumer ainsi: pour éliminer la pauvreté, il faut éliminer les pauvres."
Je pourrais continuer, j'arrête, vous avez suffisamment de quoi penser.
Bon après-midi.
8 Comments:
Pour remettre les gens au boulot, il suffit de leur offrir des emplois bien payés. Parce qu’avec le RMI on survit difficilement. C’est peut-être pour cela que les gens ont voté à droite, pour la création d’emplois. Pas la pleine de stigmatiser quiconque, ce n’est pas opératoire, pas plus à gauche qu’à droite. Et comme Ségolène n’a pas indiqué comment faire, diaboliser son concurrent n’a pas suffit pour l’emporter.
DSK reprend actuellement la nécessité d’inclure les entrepreneurs dans le corpus renouvelé du PS. Pour entreprendre, il faut des fonds. Et même un RMIste ou un chômeur peut créer des emplois s’il dispose d’un marché. Évidement cela le fait passer du statut de prolo à bourgeois. Le traître...
By Anonyme, at 7:26 PM
Je viens d'entendre quelque chose d'interessant à méditer. Il y a eu au cours du premier trimestre 2007 pas mal de créations d'emplois ( tout compensées par les fermetures et les licenciements ça nous le savions déjà) mais avec 43% d'interim! Quand on sait que l'intérim coûte cher aux patrons et qu'il y aura bientôt les heures supplémentaires exonérées, que croyez vous que les patrons vont faire : augmenter les heures sup et ne plus créer d'emplois même intérimaires? d'où une augmentation prévisible du chômage!! et donc un peu plus de nantis qui vont gagner de l'argent en dormant:))))
By md, at 9:12 PM
La première entreprise que j’ai monté, sur un marché concurrentiel difficile, après avoir payé les charges, les frais, les investissements et tout ce qui coûte, au bout de six mois, cela m’a permis de dégager un bénéfice de 50 francs, soit en actualisant 10 euros. Et pourtant j’avais bossé, du soir au matin en cherchant de nouveaux clients, en faisant le travail, bien évidement, j’étais le seul employé. Un revenu de 10 euros donc, très loin du smig... :-(
Je suis donc toujours ravi de lire des avis sur ces salauds de patrons qui sucent le sang des braves prolétaires. Le rêve des patrons, c’est d’avoir des usines automatisées qui tournent sans personnel, de façon à réellement gagner de l’argent en restant au lit, non ?
By Anonyme, at 10:04 PM
- Il y a un patronat éclairé, productif avec lequel le PS doit conclure une "alliance de classe" (pardonnez mon jargon marxiste mais je le crois explicite). Ce sont ce que DSK appelle les "entrepreneurs", créateurs de richesses et d'emplois. Tout le patronat n'est pas sur cette ligne là.
- La politique de Sarkozy ne va pas favoriser la croissance et l'emploi. Elle est très banalement une "politique de classe", tout pour les patrons, tout pour les possédants, en allégeant le coût du travail, en privilégiant les revenus du capital. J'ai beau chercher, je ne vois rien d'autre.
By Emmanuel Mousset, at 10:38 AM
l n’y a pas de désaccords avec le désir de DSK, la plupart des entrepreneurs veulent assurer le bien-être pour tous, et on plus cet objectif en tête qu’une spéculation financière. Mais je suis bien obligé de constater que toute la stratégie de conquête du pouvoir par la gauche a été fondée sur la diabolisation de ceux qui disposaient de l’appareil de production, et donc à fortiori sur ceux qui tentaient l’aventure de création de nouveaux outils de production. Tout l’inconscient collectif du PS en est imprégné. DSK voit juste, mais il ne peux pas imposer sa vision au sein du PS, il rame à contre courant pratiquement seul. Jaurès lui-même voyait juste il y a plus d’un siècle:
http://www.dailymotion.com/video/x29ekx_hayange
La gauche s’enlise dans la répétition de l’échec, et ce n’est pas en critiquant la droite qui ne s’est pas fondée sur une mythologie particulière qu’elle peut sortir de l’ornière. Une opposition ne pourra se construire qu’en repartant de zéro, sur le constat de la mondialisation, de l’innovation, de la place de la France dans l’Europe, et du bien-être partagé pour tous. Et au final nous aurons deux équipes qui s’affronteront pratiquement sur la même idéologie, celle fondée sur un pragmatisme au réel, l’une prête à remplacer l’autre en fonction de l’usure du pouvoir.
By Anonyme, at 11:45 AM
La démocratie peut-elle fonctionner à travers une alternative si peu enthousiamante, l'usure du pouvoir devenant le seul moteur du changement de pouvoir? Il faut tout de même une opposition des projets, sinon à quoi bon aller voter...
By Emmanuel Mousset, at 2:26 PM
Le seul projet qui vaille, c’est le bonheur de l’humanité. Tout le monde est d’accord sur le but, les avis divergent sur le chemin à prendre pour y parvenir, alors on vote... ;-)
By Anonyme, at 11:48 PM
Jaime bien le con qui dit que Thénardier c'est le nabab de Cosette, comme chaque socialure le sait, Thénardier était le professeur d'économie de tous les nantis de l'époque, façon Victor Hugo.
C'est beau comme de l'antique ségolo.
By Anonyme, at 10:21 PM
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