TVA anti-sociale.

Il est beaucoup question ces dernières jours de la "TVA sociale", nouvelle idée dans l'arsenal idéologique de la droite. De quoi s'agit-il? Au premier abord, c'est purement technique. En vérité, c'est profondément politique. Cete mesure, comme toutes celles du gouvernement, s'inspire d'un principe quasi philosophique dont j'ai parlé sur ce blog dimanche, en commentant l'article de DSK dans le Nouvel Obs: il faut alléger le coût du travail pour faire repartir l'économie. J'ai dénoncé ce postulat, je n'y reviens pas. La TVA est l'une de ses nombreuses conséquences. Pour alléger le coût du travail, il faut alléger les cotisations sociales que paient les patrons. Mais comment combler le manque à gagner dans les caisses de l'Etat? Par un truc, une astuce: on augmente la TVA (de 5%, dit-on) et le supplément va permettre de régler les cotisations sociales. Cet impôt étant indolore pour les contribuables et avantageux pour l'Etat, le tour est joué.

Sauf que cet augmentation ne pourra que se répercuter sur les prix, ou je n'y comprends plus rien. Le consommateur sera lésé. Les plus pauvres et les plus riches seront taxés à égalité. Vous avez deviné quels seront les perdants. A l'injustice va se joindre l'inefficacité. Ce n'est pas parce que les cotisations patronales seront réduites que l'emploi va reprendre. Le chômage ne se réglera pas avec une astuce fiscale mais par une relance de la production par l'innovation. C'est la production qui crée l'emploi, pas des facilités fiscales (du moins pas fondamentalement).

Je prends l'exemple de ma ville, Saint-Quentin. Le sénateur-maire (UMP) fait ce qu'il peut pour attirer les entreprises dans un pays cruellement touché depuis 25 ans par la crise industrielle. Il a mis en place une "zone franche" qui favorise l'installation d'entreprises et la création d'emplois (avec aussi pas mal de transfert d'emplois). Mais fondamentalement, le taux de chômage reste toujours aussi fort et insupportablement fort. Ce qu'il nous faudrait (mais c'est plus facile à dire qu'à faire), c'est un grand projet industriel. A quelques uns, gauche et droite confondues, nous nous battons pour la création d'un aéroport international à Chaulnes, à 30 km de la ville. Bref, l'emploi s'invente, il ne se facilite pas.

Je reviens à la TVA sociale. Elle n'est pas sociale. D'ailleurs, le Premier ministre l'appelle depuis hier "TVA anti-délocalisation". Mais elle n'empêchera pas non plus les délocalisations. Je répète ce que j'ai écrit dimanche: face à l'Inde, à la Chine et autres pays émergents où le coût du travail est dérisoire, nous serons toujours perdants en matière de compétitivité du travail, et ce n'est pas l'allégement des cotisations sociales qui y changera grand chose.

Et pourtant, la gauche serait bien inspirée de ne pas rejeter complétement l'outil fiscal qu'est la TVA pour lutter contre les délocalisations (ce qu'elle fait traditionnellement, en défendant le seul impôt sur le revenu). DSK l'a rappelé hier sur Europe1, une utilisation judicieuse de la TVA est à envisager, en augmentant son taux sur certains produits d'importations, dont les recettes iront abonder un fonds en faveur de la réindustrialisation. Bref, les produits étrangers qui nous font perdre des emplois doivent contribuer à la reconstruction de ce qu'ils ont détruits.

Bon après-midi.