Elites et élitisme.
Un peu de Philippe Val pour commencer intelligemment l'après-midi:
"La notion d'élite-repoussoir est formidable pour tous ceux qui souffrent d'un complexe d'infériorité. Peut faire partie de l'élite n'importe qui ayant à coeur d'être bon dans un domaine, que ce soit l'agriculture, la menuiserie ou la philosophie... Atteindre l'excellence est une sacrée belle aventure pour n'importe quel individu qui veut donner du sens à sa vie. C'est à la portée de tout le monde, mais tout le monde ne s'en donne pas les moyens. Le poujadisme consiste non pas à encourager les timides à s'y mettre, mais à légitimer la médiocrité en lui trouvant systématiquement des causes extérieures afin de déresponsabiliser l'individu de tous ses ratages. Le poujadisme est une machine à transformer la haine de soi en haine de l'autre." (Les traitres et les crétins, pages 24 et 25)
Oui, oui et oui. L'anti-élitisme m'a toujours semblé suspect. Il se prétend de gauche (les élites, ce sont les "gros", alors vivent les "petits"!), il s'affirme radical, il n'est en réalité que poujadiste, c'est à dire réactionnaire. L'anti-élitisme pointe le bout de son nez en 2002, aux présidentielles, lorsque Chevènement s'en prend aux "élites mondialisées". Ca fait fait bien, ça fait altermondialiste, ça donne plus de 5% et ça fait perdre Jospin. Le grand cru de l'anti-élitisme, c'est bien sûr 2005, le référendum européen et la dénonciation acharnée des "élites pro-européennes". Le non, c'est le vote anti-élite. Le résultat, on l'a aujourd'hui; le plan B, ce n'était pas une chimère, c'est la feuille de papier que vient de nous sortir Sarkozy, "son" petit traité "modificatif". Belle conclusion!
Nicolas Sarkozy, justement, pourfend lui aussi, lui d'abord, les élites et la "pensée unique" (les deux sont généralement associées et détestées par des pensées très multiples, de l'extrême gauche à l'extrême droite). En 2007, il a dans ce registre une rivale, Ségolène Royal, qui n'est pas en reste dans la ritournelle "c'est la faute aux élites". Remarquez bien que ceux qui font partie des élites ne se gênent pas pour les dénoncer. Bizarre, non? Que celui qui soutient les élites lève le doigt! Val, moi, vous peut-être et quelques autres, j'espère...
Je ne sais plus qui disait, Péguy peut-être: "l'antisémitisme, c'est le socialisme du pauvre." De nos jours, c'est l'anti-élitisme, dont Philippe Val décrit très bien les ressorts psychologiques. On se demande parfois si les français sont libéraux (le vote présidentiel de 2007 le laisse penser) ou anti-libéraux (le vote référendaire de 2005 incline en ce sens). En vérité, ils ne sont ni l'un ni l'autre, sinon ils seraient deux choses contraires quasi en même temps. Notre fond idéologique, "l'idéologie française" dirait BHL, c'est le poujadisme.
Je précise qu'il m'arrive, à moi aussi, de dénoncer l'élitisme, mais ce n'est pas la même chose que de dénoncer les élites. Je critique une procédure appliquée à un cas très précis, non des groupes sociaux indéterminés. Je veux parler de l'élitisme scolaire lorsqu'il est synonyme d'exclusion, lorsqu'il assigne à l'Ecole non pas de former le peuple mais de sélectionner une élite dirigeante. Et encore, je suis extrêmement nuancé: l'élitisme des grandes écoles est normal. Quand j'étais étudiant et que je préparais le concours pour devenir prof de philo, j'étais dans une logique élitiste, que je m'imposais d'ailleurs à moi-même (j'étais en fac, pas en prépa), pour mon plus grand plaisir. Mais dans les écoles, collèges et lycées, non, l'élitisme n'a pas sa place: il faut, et c'est une grande et belle ambition, former des citoyens éclairés, aptes à trouver plus tard un honnête travail conforme à leurs goûts et capacités.
Membres de l'élite ou pas, je vous souhaite un bon après-midi.
"La notion d'élite-repoussoir est formidable pour tous ceux qui souffrent d'un complexe d'infériorité. Peut faire partie de l'élite n'importe qui ayant à coeur d'être bon dans un domaine, que ce soit l'agriculture, la menuiserie ou la philosophie... Atteindre l'excellence est une sacrée belle aventure pour n'importe quel individu qui veut donner du sens à sa vie. C'est à la portée de tout le monde, mais tout le monde ne s'en donne pas les moyens. Le poujadisme consiste non pas à encourager les timides à s'y mettre, mais à légitimer la médiocrité en lui trouvant systématiquement des causes extérieures afin de déresponsabiliser l'individu de tous ses ratages. Le poujadisme est une machine à transformer la haine de soi en haine de l'autre." (Les traitres et les crétins, pages 24 et 25)
Oui, oui et oui. L'anti-élitisme m'a toujours semblé suspect. Il se prétend de gauche (les élites, ce sont les "gros", alors vivent les "petits"!), il s'affirme radical, il n'est en réalité que poujadiste, c'est à dire réactionnaire. L'anti-élitisme pointe le bout de son nez en 2002, aux présidentielles, lorsque Chevènement s'en prend aux "élites mondialisées". Ca fait fait bien, ça fait altermondialiste, ça donne plus de 5% et ça fait perdre Jospin. Le grand cru de l'anti-élitisme, c'est bien sûr 2005, le référendum européen et la dénonciation acharnée des "élites pro-européennes". Le non, c'est le vote anti-élite. Le résultat, on l'a aujourd'hui; le plan B, ce n'était pas une chimère, c'est la feuille de papier que vient de nous sortir Sarkozy, "son" petit traité "modificatif". Belle conclusion!
Nicolas Sarkozy, justement, pourfend lui aussi, lui d'abord, les élites et la "pensée unique" (les deux sont généralement associées et détestées par des pensées très multiples, de l'extrême gauche à l'extrême droite). En 2007, il a dans ce registre une rivale, Ségolène Royal, qui n'est pas en reste dans la ritournelle "c'est la faute aux élites". Remarquez bien que ceux qui font partie des élites ne se gênent pas pour les dénoncer. Bizarre, non? Que celui qui soutient les élites lève le doigt! Val, moi, vous peut-être et quelques autres, j'espère...
Je ne sais plus qui disait, Péguy peut-être: "l'antisémitisme, c'est le socialisme du pauvre." De nos jours, c'est l'anti-élitisme, dont Philippe Val décrit très bien les ressorts psychologiques. On se demande parfois si les français sont libéraux (le vote présidentiel de 2007 le laisse penser) ou anti-libéraux (le vote référendaire de 2005 incline en ce sens). En vérité, ils ne sont ni l'un ni l'autre, sinon ils seraient deux choses contraires quasi en même temps. Notre fond idéologique, "l'idéologie française" dirait BHL, c'est le poujadisme.
Je précise qu'il m'arrive, à moi aussi, de dénoncer l'élitisme, mais ce n'est pas la même chose que de dénoncer les élites. Je critique une procédure appliquée à un cas très précis, non des groupes sociaux indéterminés. Je veux parler de l'élitisme scolaire lorsqu'il est synonyme d'exclusion, lorsqu'il assigne à l'Ecole non pas de former le peuple mais de sélectionner une élite dirigeante. Et encore, je suis extrêmement nuancé: l'élitisme des grandes écoles est normal. Quand j'étais étudiant et que je préparais le concours pour devenir prof de philo, j'étais dans une logique élitiste, que je m'imposais d'ailleurs à moi-même (j'étais en fac, pas en prépa), pour mon plus grand plaisir. Mais dans les écoles, collèges et lycées, non, l'élitisme n'a pas sa place: il faut, et c'est une grande et belle ambition, former des citoyens éclairés, aptes à trouver plus tard un honnête travail conforme à leurs goûts et capacités.
Membres de l'élite ou pas, je vous souhaite un bon après-midi.
1 Comments:
Et JEan Vilar avec la grande aventure du théâtre populaire parlait d' "d'élitisme pour tous"
orlandoderudder.canalblog.com
By Anonyme, at 1:08 PM
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