Lumières dans la nuit.
Bonjour à toutes et à tous.
Il a beaucoup été question de la nation pendant la campagne présidentielle, Ségolène célébrant le drapeau et Sarkozy proposant un ministère de l'identité nationale. S'il y a des valeurs qu'il faut repenser dans le cadre de la refondation du socialisme, il y en a d'autres qu'il faut "déconstruire", au premier chef la nation. Celle-ci a pu avoir une dimension progressiste quand il a fallu défendre l'indépendance des peuples, mais elle a généralement été porteuse de violence, d'exclusion et de guerre. Un socialiste digne de ce nom ne peut pas se réclamer de la nation, qui renvoie à la contestable et détestable "identité nationale".
Ce qui ne signifie pas que l'amour de la France soit stupide. Comme toujours en amour, tout dépend ce qu'on met derrière ce sentiment. Pour ma part, j'ai une patrie, la langue française. Je n'en tire ni fierté, ni supériorité. C'est ainsi, je me sens bien dans cette langue qui se trouve être ma langue natale, et je suis nullissime dans les autres langues. A part ça, je ne sais pas ce que la nation veut dire et pour quelles bonnes raisons je devrais être solidaire de ce concept largement exploité par l'extrême droite.
Le seul combat qui vaille aujourd'hui, ce n'est la nation mais l'Europe, l'invention d'une civilisation continentale qui dépasse les cadres nationaux. "Tout ce qui est national est nôtre", écrivait Charles Maurras en tête de son journal L'Action Française. "Tout ce qui est européen est nôtre", voilà ce que des socialistes doivent proclamer. Et je laisserai le dernier mot à Philippe Val:
"On se rend compte à quel point l'Europe s'est faite, dès le départ, contre les nations. Ou plutôt comment, dès le XVIIème siècle, les nations ont lutté de toutes leurs forces, à coup de procès, d'autodafés, de torture, de peine de mort, de relégations, d'arrestations et de crimes, contre le mouvement européen. Le pouvoir religieux et le pouvoir politique ont allié leur force pour persécuter les inventeurs de la démocratie européenne. Car les Lumières ne sont aucunement un mouvement français. C'était une vague énorme qui roulait à travers toute l'Europe, de l'Ecosse à la Sicile, de Londres à Moscou." (Les traîtres et les crétins, page 200)
Oui, la nation est une anti-valeur, le nationalisme est un anti-humanisme. A quand les nouvelles Lumières dans cette nuit que traverse l'Europe?
Bon après-midi.
PS: Val nous recommande une lecture, Les Lumières radicales. La philosophie, Spinoza et la naissance de la modernité 1650-1750, de Jonathan I. Israel, Editions Amsterdam, 2005
Il a beaucoup été question de la nation pendant la campagne présidentielle, Ségolène célébrant le drapeau et Sarkozy proposant un ministère de l'identité nationale. S'il y a des valeurs qu'il faut repenser dans le cadre de la refondation du socialisme, il y en a d'autres qu'il faut "déconstruire", au premier chef la nation. Celle-ci a pu avoir une dimension progressiste quand il a fallu défendre l'indépendance des peuples, mais elle a généralement été porteuse de violence, d'exclusion et de guerre. Un socialiste digne de ce nom ne peut pas se réclamer de la nation, qui renvoie à la contestable et détestable "identité nationale".
Ce qui ne signifie pas que l'amour de la France soit stupide. Comme toujours en amour, tout dépend ce qu'on met derrière ce sentiment. Pour ma part, j'ai une patrie, la langue française. Je n'en tire ni fierté, ni supériorité. C'est ainsi, je me sens bien dans cette langue qui se trouve être ma langue natale, et je suis nullissime dans les autres langues. A part ça, je ne sais pas ce que la nation veut dire et pour quelles bonnes raisons je devrais être solidaire de ce concept largement exploité par l'extrême droite.
Le seul combat qui vaille aujourd'hui, ce n'est la nation mais l'Europe, l'invention d'une civilisation continentale qui dépasse les cadres nationaux. "Tout ce qui est national est nôtre", écrivait Charles Maurras en tête de son journal L'Action Française. "Tout ce qui est européen est nôtre", voilà ce que des socialistes doivent proclamer. Et je laisserai le dernier mot à Philippe Val:
"On se rend compte à quel point l'Europe s'est faite, dès le départ, contre les nations. Ou plutôt comment, dès le XVIIème siècle, les nations ont lutté de toutes leurs forces, à coup de procès, d'autodafés, de torture, de peine de mort, de relégations, d'arrestations et de crimes, contre le mouvement européen. Le pouvoir religieux et le pouvoir politique ont allié leur force pour persécuter les inventeurs de la démocratie européenne. Car les Lumières ne sont aucunement un mouvement français. C'était une vague énorme qui roulait à travers toute l'Europe, de l'Ecosse à la Sicile, de Londres à Moscou." (Les traîtres et les crétins, page 200)
Oui, la nation est une anti-valeur, le nationalisme est un anti-humanisme. A quand les nouvelles Lumières dans cette nuit que traverse l'Europe?
Bon après-midi.
PS: Val nous recommande une lecture, Les Lumières radicales. La philosophie, Spinoza et la naissance de la modernité 1650-1750, de Jonathan I. Israel, Editions Amsterdam, 2005
4 Comments:
La nation représente une réalité, une communauté humaine, celle composant en ce qui nous concerne la France. Ce n'est ni une valeur ni un concept, difficile donc de la déconstruire.
Le réel s'accepte ou c'est la porte grande ouverte à la schizophrénie.
L'identité socialiste n'existe pas, ce n'est qu'un club à géométrie variable auquel on adhère plus ou moins. La nation est une construction historique, et elle englobe l'ensemble des Français vivants et ayant vécu, socialistes ou pas. L'Europe ne peut être qu'une stratifications de nations, pour l'exemple que vous citez en référence qu'il n'y a pas une langue commune européenne, le volapük.
La nation française n'est donc pas antagoniste avec l'idée d'une Europe constituée, forte de l'ensemble de ses membres, bien au contraire; c'est par le respect des différentes cultures, peuples et nations composant l'Europe que cette dernière peut constituer un modèle de paix pour les autres pays de la planète. Quand à la notion de démocratie européenne, cela me semble tiré par les cheveux. L'Europe est une création empirique et pragmatique qui a pour initiateurs Robert Schuman et Jean Monnet qui ont démarré par la CECA, le Marché Commun, l'euro et après l'échec de la constitution peine à poursuivre sa marche en avant. Il ne faut donc pas confondre la nation qui est l'ensemble du peuple du territoire culturel et naturel avec le nationalisme qui est la haine viscérale de celui qui n'appartient pas à la nation. Quand à éclairer l'Europe nous nous y employons modestement tous à notre échelle. Vous ne voyez rien briller ?
By jpbb, at 5:22 PM
Comme JPB je ne crois plas qu'il faille deconstruire la nation. contrairement à toi (c'est toi qui le dis) je me débrouille dans plusieurs langues européennes et même un peu en dioula. La langue française n'est pas ma patrie. Autant je peux me retrouver en communicant différemment, je ne me sens ni belge, ni luxembourgeois ou suisse (eux aussi ont la même langue que nous!) La langue n'est qu'un moyen parmi d'autres de se rapprocher des autres et même si elle est très riche comme la nôtre, elle ne donne pas les mêmes émotions les mêmes sensations que le fait d'être français. J'ai pas mal voyagé en France et à l'étranger. Etre français c'est vraiment quelque chose!
Cependant je suis d'accord pour que la construction européenne se poursuivre et s'enrichisse des meilleures valeurs de chaque nation qui la compose. L'extrême droite parle de nation pour exclure l'étranger car il est différent! Moi je parle de nation pour rassembler autour de valeurs communes, pour diffuser nos valeurs,...Un basque, un breton, un ch'ti, un picard... est français, il adhère à un ensemble de valeurs mais possède des particularités locales liées à l'histoire. De même un français est un Européen mais l'Europe politique, sociale, économique doit se construire et définir son identité.
MD
By md, at 9:04 PM
Bon, je crois que sur la nation, je vais être obligé de reculer, devant l'offensive involontairement concertée de Jean-Pierre et Michel! Quitte à réattaquer un peu plus tard (ça s'appelle de la stratégie!)
Le dioula, il faudrait expliquer ce que c'est à nos lecteurs. J'ai une proposition: un dialecte africain. Mais de quelle région?
By Emmanuel Mousset, at 10:46 PM
La nation est un concept gaullien essentiellement en politique, rien à voir avec l'extrême droite. C'est la résultante historique de la France actuelle. Il faut lire De Gaulle, d'abord parce qu'il écrit bien, et que cela a été un personnage historique majeur. Il a donné le droit de vote aux femmes, a créé la Sécu, et a permis l'émergence de mai 68. D'accord il ne l'a pas désiré, mais il a évité le bain de sang... si cela avait été les communistes au pouvoir, on y aurait eu droit.
By jpbb, at 11:29 AM
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