Marché contre marché.
Je ne sais pas si vous êtes comme moi, j'ai besoin d'avoir un sujet de réflexion en tête au moment de m'endormir. J'ai lu quelque part, il y a longtemps, que les moines ont une technique pour prier jusque dans leur sommeil (j'ai oublié laquelle!). Je ne vais pas jusque là mais il y a un peu de ça. Mitterrand parlait de "ceux qui gagnent de l'argent en dormant". Et pourquoi pas penser en dormant? Bon, je rêve, c'est le cas de le dire... Tout cela pour vous proposer un extrait à méditer de Monique Canto-Sperber:
"Un réel pluralisme des activités doit empêcher que la valeur marchande ne pénètre partout et n'aboutisse à la création de barrières d'accès aux droits fondamentaux pour les plus démunis. Des biens comme l'éducation, la santé, voire la diversité culturelle, sont autant de conditions qui permettent aux individus de participer au marché. Lorsque des personnes sont dépourvues de ces biens au départ, il est inévitable que le marché exerce à leur endroit une effroyable domination. Il est donc essentiel que de tels biens échappent au secteur marchand." (Faut-il sauver le libéralisme? pages 65 et 66)
Il y a dans ce texte confirmation de l'idée que le libéralisme n'est pas ce qu'on croit qu'il est, une marchandisation de l'existence, en même temps qu'il y a dans ce texte une confirmation de ce qu'on craint qu'engendre le libéralisme, une "effroyable domination". Les partisans du libéralisme se réjouiront à cette lecture, mais ses adversaires aussi. Qui a tort, qui a raison? Contrairement à Canto-Sperber, qui se définit comme une libérale réaliste, je serai plutôt un libéral idéaliste (je parle d'économie, pas de politique ou de culture, où je redeviens foncièrement réaliste). Le marché est une pure idée, sa pratique est un désordre que les pouvoirs publics doivent sans cesse remettre en ordre par des mesures politiques et juridiques. Le libéralisme, c'est l'idéal d'une collectivité d'hommes instruits, rationnels et libres, dont l'activité individuelle entraîne le bonheur collectif.
Sarkozy en rêve: quand les riches, les patrons, les actionnaires , seront encore plus riches, encore meilleurs patrons, encore plus actionnaires, la société dans son ensemble y gagnera, la croissance augmentera, le pouvoir d'achat progressera. Dans la réalité, il en va autrement: les riches spéculent contre les intérêts nationaux, les patrons font des choix stratégiques malheureux qui conduisent à des faillites, les actionnaires pensent à la rentabilité à court terme et pas nécessairement à l'investissement. Bref, le libéralisme n'est rationnel que dans les têtes. Qui est suffisamment formé ou tout simplement fort pour participer au marché, à égalité avec les autres participants? Non, c'est une fiction. "L'effroyable domination" n'est-elle pas la réalité ordinaire du marché (enlevez "effroyable" si l'adjectif vous semble excessif), que n'atténuent pas d'autres dominations plus terribles encore (politique, religieuse, militaire).
Bref, le rôle d'un socialiste, j'ai presque envie de dire sa tactique et sa ruse, consisterait à combattre ou à critiquer la réalité du marché au nom de l'idée même de marché. Le libéralisme idéal doit être le miroir et la mauvaise conscience du libéralisme réel. La solution du libéralisme, c'est le socialisme, qui seul peut préparer les individus à entrer dans le marché et à s'y affronter. De ce point de vue, une nationalisation est concevable à partir du moment où elle est temporaire, où son objectif est de remettre sur le marché l'entreprise un temps aidé par la puissance publique (c'est ainsi que DSK a conçu ses "nationalisations temporaires" évoquées pendant la campagne interne du PS).
Les implications idéologiques d'une telle position sont immenses et exigeraient de plus amples clarifications. N'avons-nous pas la nuit pour y réfléchir?
Bonne nuit.
"Un réel pluralisme des activités doit empêcher que la valeur marchande ne pénètre partout et n'aboutisse à la création de barrières d'accès aux droits fondamentaux pour les plus démunis. Des biens comme l'éducation, la santé, voire la diversité culturelle, sont autant de conditions qui permettent aux individus de participer au marché. Lorsque des personnes sont dépourvues de ces biens au départ, il est inévitable que le marché exerce à leur endroit une effroyable domination. Il est donc essentiel que de tels biens échappent au secteur marchand." (Faut-il sauver le libéralisme? pages 65 et 66)
Il y a dans ce texte confirmation de l'idée que le libéralisme n'est pas ce qu'on croit qu'il est, une marchandisation de l'existence, en même temps qu'il y a dans ce texte une confirmation de ce qu'on craint qu'engendre le libéralisme, une "effroyable domination". Les partisans du libéralisme se réjouiront à cette lecture, mais ses adversaires aussi. Qui a tort, qui a raison? Contrairement à Canto-Sperber, qui se définit comme une libérale réaliste, je serai plutôt un libéral idéaliste (je parle d'économie, pas de politique ou de culture, où je redeviens foncièrement réaliste). Le marché est une pure idée, sa pratique est un désordre que les pouvoirs publics doivent sans cesse remettre en ordre par des mesures politiques et juridiques. Le libéralisme, c'est l'idéal d'une collectivité d'hommes instruits, rationnels et libres, dont l'activité individuelle entraîne le bonheur collectif.
Sarkozy en rêve: quand les riches, les patrons, les actionnaires , seront encore plus riches, encore meilleurs patrons, encore plus actionnaires, la société dans son ensemble y gagnera, la croissance augmentera, le pouvoir d'achat progressera. Dans la réalité, il en va autrement: les riches spéculent contre les intérêts nationaux, les patrons font des choix stratégiques malheureux qui conduisent à des faillites, les actionnaires pensent à la rentabilité à court terme et pas nécessairement à l'investissement. Bref, le libéralisme n'est rationnel que dans les têtes. Qui est suffisamment formé ou tout simplement fort pour participer au marché, à égalité avec les autres participants? Non, c'est une fiction. "L'effroyable domination" n'est-elle pas la réalité ordinaire du marché (enlevez "effroyable" si l'adjectif vous semble excessif), que n'atténuent pas d'autres dominations plus terribles encore (politique, religieuse, militaire).
Bref, le rôle d'un socialiste, j'ai presque envie de dire sa tactique et sa ruse, consisterait à combattre ou à critiquer la réalité du marché au nom de l'idée même de marché. Le libéralisme idéal doit être le miroir et la mauvaise conscience du libéralisme réel. La solution du libéralisme, c'est le socialisme, qui seul peut préparer les individus à entrer dans le marché et à s'y affronter. De ce point de vue, une nationalisation est concevable à partir du moment où elle est temporaire, où son objectif est de remettre sur le marché l'entreprise un temps aidé par la puissance publique (c'est ainsi que DSK a conçu ses "nationalisations temporaires" évoquées pendant la campagne interne du PS).
Les implications idéologiques d'une telle position sont immenses et exigeraient de plus amples clarifications. N'avons-nous pas la nuit pour y réfléchir?
Bonne nuit.
1 Comments:
C'est plus simple de partir du citoyen, et d'indiquer que ce dernier pour exercer ses droits soit éduqué, cultivé et en bonne santé pour aller voter. On n'est pas alors obligé d'avoir recours à une opposition pour indiquer que c'est de la charge de l'état que de transformer les individus en citoyens. Pourquoi affirmer qu'une catégorie de la population spécule contre les intérêts nationaux ? Qui veux noyer son chien l'accuse de la rage, les riches sont aussi bon citoyens que les pauvres. Le rôle d'un socialiste, c'est d'enrichir le pays et l'ensemble de ses habitants afin d'harmoniser la vie sociale, pas de se perdre dans les méandres des mots.
By jpbb, at 9:56 AM
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