Monique Canto-Sperber.
Bonsoir à toutes et à tous.
Dans les prochains jours, je vais régulièrement vous entretenir d'un ouvrage de Monique Canto-Sperber et Nicolas Tenzer, intitulé: Faut-il sauver le libéralisme? paru chez Grasset en 2006. Ce sont deux intellectuels de gauche et la réponse à leur propre question est sans ambiguïté: oui. C'est donc une réflexion très stimulante pour qui veut refonder la gauche dans une orientation social-démocrate. Autant vous dire que j'adhère aux thèses principales des auteurs, mais il n'y a pas de communion de pensée sans préalable critique. J'ai trois points de différence-divergence avec Canto-Sperber:
1- Son approche du libéralisme est originale en ce qu'elle est morale. Contrairement à l'opinion commune, elle défend l'idée d'un libéralisme dispensateur de normes et de régles, et non pas foncièrement dérégulateur. Le libéralisme n'a pas tant besoin d'être régulé en quelque sorte de l'extérieur par quelque chose qui s'appellerait le socialisme, mais c'est le libéralisme lui-même qui est créateur de régles. J'y reviendrai en citant l'auteur, qui est spécialiste des morales antiques. Mon approche personnelle est plus économique et marxiste. Canto-Sperber, elle, fait peu de cas de Karl Marx, dont l'analyse du libéralisme mérite pourtant une redécouverte car elle n'est pas, contrairement à ce que laisse entendre la vulgate, une pure et simple condamnation..
2- Sa distinction entre libéralisme et ultralibéralisme n'est pas entièrement convaincante, même si elle est séduisante. Je la cite (pages 14 et 15): "C'est du libéralisme que sont issues les formes pathologiques de l'ultralibéralisme d'aujourd'hui. Mais c'est du libéralisme aussi que viennent les meilleurs outils pour les combattre. Les idées libérales sont donc à la fois l'une des sources du problème et sa solution." Le raisonnement me fait penser à ces communistes qui dénoncent le stalinisme comme une perversion alors qu'on peut se demander s'il n'est pas, sous tout régime se réclamant du communisme, son accomplissement.
3- Canto-Sperber n'utilise pas le mot de capitalisme, et c'est fort dommage car sa pensée en serait clarifiée. Selon elle, libéralisme et capitalisme sont-ils synonymes (au point qu'en parlant du premier, il serait inutile d'évoquer le second)? A moins que l'ultralibéralisme qu'elle dénonce ne soit ce qu'on appelle habituellement capitalisme (il n'y a pas d'ultracapitalisme)? Bref, il y a une distinction de concepts à faire. Pour ma part, le libéralisme est une idéologie et le capitalisme un mode de production. L'un est une vue de l'esprit, l'autre est une réalité économique. Là ou tout s'embrouille conceptuellement entre Monique et moi, c'est que pour elle le libéralisme est avant tout une pratique, un pragmatisme, et l'ultralibéralisme un dogme.
A mes yeux, le libéralisme est l'idéologie du capitalisme, son produit et sa légitimation. Il est donc logique, de ce point de vue, que la gauche soit historiquement antilibérale. Sauf que l'idéologie étant toujours en décalage avec le réel, la distance grandissante au fil du temps finit par devenir trahison et contradiction. Ce que la gauche contemporaine devrait comprendre, c'est que le capitalisme est entré en contradiction avec le libéralisme. Cette contradiction était bien sûr en germe dès l'origine, puisqu'une idée n'est jamais en adéquation complète avec le réel qu'elle exprime. Les doctrinaires du libéralisme économique pensent que le capitalisme va rejoindre son idée et son idéal, alors que je pense qu'il s'en éloigne (ce que pensait Marx en montrant que le capitalisme conduit à son contraire, le monopole). Bref, le capitalisme trahit le libéralisme comme le communisme trahit le marxisme. Mais c'est le destin tragique d'une idée que d'être finalement trahie ou pervertie par la réalité. Pour le meilleur ou pour le pire.
Bonne soirée conceptuelle.
Dans les prochains jours, je vais régulièrement vous entretenir d'un ouvrage de Monique Canto-Sperber et Nicolas Tenzer, intitulé: Faut-il sauver le libéralisme? paru chez Grasset en 2006. Ce sont deux intellectuels de gauche et la réponse à leur propre question est sans ambiguïté: oui. C'est donc une réflexion très stimulante pour qui veut refonder la gauche dans une orientation social-démocrate. Autant vous dire que j'adhère aux thèses principales des auteurs, mais il n'y a pas de communion de pensée sans préalable critique. J'ai trois points de différence-divergence avec Canto-Sperber:
1- Son approche du libéralisme est originale en ce qu'elle est morale. Contrairement à l'opinion commune, elle défend l'idée d'un libéralisme dispensateur de normes et de régles, et non pas foncièrement dérégulateur. Le libéralisme n'a pas tant besoin d'être régulé en quelque sorte de l'extérieur par quelque chose qui s'appellerait le socialisme, mais c'est le libéralisme lui-même qui est créateur de régles. J'y reviendrai en citant l'auteur, qui est spécialiste des morales antiques. Mon approche personnelle est plus économique et marxiste. Canto-Sperber, elle, fait peu de cas de Karl Marx, dont l'analyse du libéralisme mérite pourtant une redécouverte car elle n'est pas, contrairement à ce que laisse entendre la vulgate, une pure et simple condamnation..
2- Sa distinction entre libéralisme et ultralibéralisme n'est pas entièrement convaincante, même si elle est séduisante. Je la cite (pages 14 et 15): "C'est du libéralisme que sont issues les formes pathologiques de l'ultralibéralisme d'aujourd'hui. Mais c'est du libéralisme aussi que viennent les meilleurs outils pour les combattre. Les idées libérales sont donc à la fois l'une des sources du problème et sa solution." Le raisonnement me fait penser à ces communistes qui dénoncent le stalinisme comme une perversion alors qu'on peut se demander s'il n'est pas, sous tout régime se réclamant du communisme, son accomplissement.
3- Canto-Sperber n'utilise pas le mot de capitalisme, et c'est fort dommage car sa pensée en serait clarifiée. Selon elle, libéralisme et capitalisme sont-ils synonymes (au point qu'en parlant du premier, il serait inutile d'évoquer le second)? A moins que l'ultralibéralisme qu'elle dénonce ne soit ce qu'on appelle habituellement capitalisme (il n'y a pas d'ultracapitalisme)? Bref, il y a une distinction de concepts à faire. Pour ma part, le libéralisme est une idéologie et le capitalisme un mode de production. L'un est une vue de l'esprit, l'autre est une réalité économique. Là ou tout s'embrouille conceptuellement entre Monique et moi, c'est que pour elle le libéralisme est avant tout une pratique, un pragmatisme, et l'ultralibéralisme un dogme.
A mes yeux, le libéralisme est l'idéologie du capitalisme, son produit et sa légitimation. Il est donc logique, de ce point de vue, que la gauche soit historiquement antilibérale. Sauf que l'idéologie étant toujours en décalage avec le réel, la distance grandissante au fil du temps finit par devenir trahison et contradiction. Ce que la gauche contemporaine devrait comprendre, c'est que le capitalisme est entré en contradiction avec le libéralisme. Cette contradiction était bien sûr en germe dès l'origine, puisqu'une idée n'est jamais en adéquation complète avec le réel qu'elle exprime. Les doctrinaires du libéralisme économique pensent que le capitalisme va rejoindre son idée et son idéal, alors que je pense qu'il s'en éloigne (ce que pensait Marx en montrant que le capitalisme conduit à son contraire, le monopole). Bref, le capitalisme trahit le libéralisme comme le communisme trahit le marxisme. Mais c'est le destin tragique d'une idée que d'être finalement trahie ou pervertie par la réalité. Pour le meilleur ou pour le pire.
Bonne soirée conceptuelle.
2 Comments:
Le libéralisme peut se greffer sur le capitalisme, mais ce n'est pas une obligation. Il faut alors au contraire restreindre le champ d'application par des règles liées à une éthique respectant la vie plus que le profit et non l'inverse. Quand au communisme, il a fait la preuve que le marxisme était une utopie sans consistance. La manipulation des concepts n'est pas le décalque du réel et le beau rêve s'éloigne. Le réel est insaisissable, on ne peux que l'accompagner.
By jpbb, at 8:52 PM
Je ne sais pas si la gauche est réformable. Les crétins vont se réunir place du Colonel Fabien en ronchonnant contre les traîtres qui vont s'acoquiner avec Bayrou pour fonder une opposition au pouvoir actuel. Il n'y a pas d'autre solution possible, un divorce est en vue.
By jpbb, at 8:57 PM
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