Théorie et pratique.
L'une des questions sous-jacentes dans le billet précédent, c'est le rapport entre l'idéal et le réel, la théorie et la pratique, leur écart, leur distance, jusqu'à leur contradiction. Nicolas Sarkozy a trouvé une solution pour dépasser le problème. Chez lui, l'action est le trait d'union entre la théorie et la pratique, l'action les inclut, les dissout. Le président est un pur agir qui ne s'encombre pas d'idées, d'analyses, c'est-à-dire de recul et de patience. Il n'est pas hyperactif, comme disent les mauvaises langues, il n'est qu'action, résultat, efficacité, performance.
Pourquoi pas? Oui mais la vérité est peut-être tout autre. Loin de dépasser le clivage entre le réel et l'idéologie par la suprématie de l'action, qui ne dit pas que Sarkozy adopte en fait une nouvelle idéologie, celle de l'action? Car à bien y regarder, Sarkozy met plus en scène l'action qu'il n'agit réellement. L'action chez lui est plutôt une image, un reflet avantageux de lui-même, un discours, un motif politique.
D'ailleurs, on ne peut pas entièrement lui reprocher. Qui peut croire qu'on puisse se passer complètement des idéologies. Le thème récent d'une "fin des idéologies" (communisme, christianisme, etc) est lui-même fortement idéologique. J'irai au contraire dans le sens inverse. Le monde moderne est beaucoup plus cérébral, intellectualisant, idéologisé que le monde d'autrefois, frustre, très matériel, très prosaïque.
Et le socialisme dans tout ça? Il cherche, comme Marx, à réconcilier la théorie et la pratique, dont la dissociation est une forme d'aliénation. Cette réconciliation, cette adéquation entre la théorie et la pratique surgissent du dépassement du capitalisme, dans ce que le philosophe appelle, sans la décrire vraiment, la "société sans classes". Qu'en est-il vraiment? Le communisme officiel n'a pas supprimé l'écart entre l'idéologie et la réalité, au contraire il l'a creusé, proclamant la liberté et pratiquant la dictature.
En social-démocratie, je me demande si la théorie n'a pas été absorbée par la pratique, comme l'eau disparaît dans le buvard. Prenez les 35 heures, mesure on ne peut plus réformiste. Il est de bon ton, en théorie, de les critiquer, d'en dire pis que pendre. Et lorsqu'on menace de les supprimer, la réaction est négative, les RTT tout le monde y tient en réalité. C'est que le problème du socialisme entré dans la pratique est le suivant: devenu évident comme l'air qu'on respire, on n'y fait plus attention, sauf quand il est en péril. Depuis la Libération, la France s'est social-démocratisée, y compris sous des gouvernements de droite, par la pression des syndicats et des forces sociales progressistes. Prenez la Sécurité sociale, joyau de la social-démocratie à la française. Nous avons perdu l'idée, la conscience de ce progrès social, une fois celui-ci réalisé. Le socialisme est devenu inconscient de lui-même, de ses réalisations.
La différence philosophique entre Sarkozy et le socialisme, c'est que l'un réduit la pratique à une théorie, celle de l'action, tandis que l'autre réduit la théorie à une pratique, celle de la social-démocratie.
Bonne nuit.
Pourquoi pas? Oui mais la vérité est peut-être tout autre. Loin de dépasser le clivage entre le réel et l'idéologie par la suprématie de l'action, qui ne dit pas que Sarkozy adopte en fait une nouvelle idéologie, celle de l'action? Car à bien y regarder, Sarkozy met plus en scène l'action qu'il n'agit réellement. L'action chez lui est plutôt une image, un reflet avantageux de lui-même, un discours, un motif politique.
D'ailleurs, on ne peut pas entièrement lui reprocher. Qui peut croire qu'on puisse se passer complètement des idéologies. Le thème récent d'une "fin des idéologies" (communisme, christianisme, etc) est lui-même fortement idéologique. J'irai au contraire dans le sens inverse. Le monde moderne est beaucoup plus cérébral, intellectualisant, idéologisé que le monde d'autrefois, frustre, très matériel, très prosaïque.
Et le socialisme dans tout ça? Il cherche, comme Marx, à réconcilier la théorie et la pratique, dont la dissociation est une forme d'aliénation. Cette réconciliation, cette adéquation entre la théorie et la pratique surgissent du dépassement du capitalisme, dans ce que le philosophe appelle, sans la décrire vraiment, la "société sans classes". Qu'en est-il vraiment? Le communisme officiel n'a pas supprimé l'écart entre l'idéologie et la réalité, au contraire il l'a creusé, proclamant la liberté et pratiquant la dictature.
En social-démocratie, je me demande si la théorie n'a pas été absorbée par la pratique, comme l'eau disparaît dans le buvard. Prenez les 35 heures, mesure on ne peut plus réformiste. Il est de bon ton, en théorie, de les critiquer, d'en dire pis que pendre. Et lorsqu'on menace de les supprimer, la réaction est négative, les RTT tout le monde y tient en réalité. C'est que le problème du socialisme entré dans la pratique est le suivant: devenu évident comme l'air qu'on respire, on n'y fait plus attention, sauf quand il est en péril. Depuis la Libération, la France s'est social-démocratisée, y compris sous des gouvernements de droite, par la pression des syndicats et des forces sociales progressistes. Prenez la Sécurité sociale, joyau de la social-démocratie à la française. Nous avons perdu l'idée, la conscience de ce progrès social, une fois celui-ci réalisé. Le socialisme est devenu inconscient de lui-même, de ses réalisations.
La différence philosophique entre Sarkozy et le socialisme, c'est que l'un réduit la pratique à une théorie, celle de l'action, tandis que l'autre réduit la théorie à une pratique, celle de la social-démocratie.
Bonne nuit.
2 Comments:
Peut-on envisager le socialisme avec des vues neuves et une méthodologie innovante, ou est-ce du fait de la mort cérébrale des neurones chez la personne humaine une structure de pensée figée ? L’ordonnance du 4 octobre 1945 crée l’organisation de la Sécurité sociale, n'est donc pas à mettre en compte du socialisme mais du gaullisme... Si Sarkozy est un social démocrate confirmé, vous adhérez à l'UMP ?
By jpb, at 11:36 AM
La Sécurité sociale est issue du programme du Conseil national de la Résistance, où la gauche, communiste et réformiste, était dominante. De Gaulle n'a fait que suivre le cours des événements, dans un climat social où le PCF était très puissant. De Gaulle est un grand homme qui mérite notre admiration et notre respect, mais sa pensée sociale est conservatrice, comme il a été prouvé à son retour au pouvoir après 1958. Quant à la "participation", la seule "gloire" sociale du Général, c'est de la bouillie pour les chats.
Sarkozy pas plus que De Gaulle ne sont des sociaux-démocrates. Nous avons déjà du mal à trouver la social-démocratie à gauche, n'allons pas la chercher là où elle n'est pas, à droite.
By Emmanuel Mousset, at 3:45 PM
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