Travail, famille, etc.
Bonjour à toutes et à tous.
Un petit extrait du pamphlet de Corinne Maier pour commencer ce dimanche matin: "On a souvent présenté l'évolution des derniers siècles comme le triomphe de la liberté sur les contraintes sociales, parmi lesquelles on comptait la famille. Où voit-on de l'individualisme quand toute l'énergie du couple est orientée vers la promotion des enfants? L'évolution de nos moeurs contemporaines montre au contraire la prodigieuse excroissance du sentiment familial. C'est la famille qui a gagné, au détriment des relations sociales, amis, voisins,... " (No Kid, page 111).
Je me souviens des années 70. Au collège, on étudiait Vipère au poing et dans la cour, on répétait ce que disaient les grands d'alors, qui sortaient tout juste de Mai 68: la famille est un enfer, une misérable cellule petite-bourgeoise, avec le mariage pour prison. Le couple était ridiculisé au profit de l'amour libre. L'enfant était invité à se révolter contre ses parents. Regardez aujourd'hui, la télévision, les magazines, les comportements: la famille est la valeur la plus stable, la plus appréciée. Le bonheur n'est pas dans le pré mais dans le foyer. Il ne viendrait à personne de s'écrier avec Gide: familles, je vous hais! Ou bien, ce serait prendre le risque de passer pour fou, névrosé, marginal.
Pourtant, les valeurs de l'autonomie et de l'individualisme, qui s'opposent aux valeurs familiales, sont largement prônées. C'est une intéressante contradiction de notre société. Or, nous savons depuis Marx que ce sont les contradictions sociales qui engendrent le progrès, qui forcent le mouvement des sociétés. Tout aujourd'hui est "individualisé", la personnalisation est présentée comme la solution au problème de l'emploi, de l'éducation, de la consommation, etc. Mais combien de jeunes réussiraient scolairement si les parents n'étaient pas là pour les aider? Combien de chômeurs s'en sortiraient si leurs familles ne les soutenaient pas moralement, matériellement et financièrement? Combien d'hommes pourraient mener une vie sociale normale en dehors du cadre et des attaches du mariage et de la vie de couple? Combien de femmes pourraient supporter ne pas avoir d'enfants?
Il y a donc décalage, parfois gouffre, entre l'idéologie officiel - l'individu-roi - et la réalité sociale - la famille-reine. Notre avenir dépendra de l'intensification et du dépassement de cette contradiction (c'est ainsi que Marx, à partir de Hegel, conçoit la marche de l'Histoire). Des pistes déjà se dessinent. Jamais la famille n'a été aussi forte, aussi aimée (avant, elle était subie, maintenant, elle est choisie), jamais les divorces n'ont été aussi nombreux (avant, le mariage était sacré et quasiment indissoluble). Contradictoire? Non, la famille change, se "recompose", comme on dit. Décomposition, recomposition, c'est aussi la marche de l'Histoire.
Les mesures fiscales adoptées cette semaine au Parlement par la droite vont dans le sens du renforcement de la famille, principalement en matière d'héritage. Or, cette majorité est philosophiquement libérale, et même très libérale. Sarkozy a mis en avant dans sa campagne la "valeur travail", pas la valeur héritage! Le libéralisme repose sur l'individu créateur de richesses, l'entrepreneur, la gauche s'appuie aussi sur l'individu créateur de richesses, mais plutôt le travailleur. La défense de la famille appartient à la droite réactionnaire et à l'extrême droite.
Le rôle de la gauche devra d'abord consister à se débarrasser de toute tentation "familialiste" et donc rétrograde. Ségolène Royal, de ce point de vue, en se présentant comme une candidate "mère de famille", n'a pas indiqué la bonne direction. Surtout, il faudra que la gauche fasse éclater la contradiction qui mine le sarkozysme: est-il libéral ou réactionnaire? Bref, soutenir tout ce qui encourage le travail, sa création, son adaptation, sa revalorisation, et délaisser tout ce qui revient à la famille et qui relève seulement de la sphère des choix privés (dont l'Etat doit uniquement assurer la liberté, sans aucun a priori).
Bonne matinée.
PS: lorsque Sarkozy a assisté hier au concert de Polnareff, il était libéral. Lorsqu'il a voulu faire "table rase" de Mai 68 pendant sa campagne, il était réactionnaire. Les deux attitudes sont incompatibles.
Un petit extrait du pamphlet de Corinne Maier pour commencer ce dimanche matin: "On a souvent présenté l'évolution des derniers siècles comme le triomphe de la liberté sur les contraintes sociales, parmi lesquelles on comptait la famille. Où voit-on de l'individualisme quand toute l'énergie du couple est orientée vers la promotion des enfants? L'évolution de nos moeurs contemporaines montre au contraire la prodigieuse excroissance du sentiment familial. C'est la famille qui a gagné, au détriment des relations sociales, amis, voisins,... " (No Kid, page 111).
Je me souviens des années 70. Au collège, on étudiait Vipère au poing et dans la cour, on répétait ce que disaient les grands d'alors, qui sortaient tout juste de Mai 68: la famille est un enfer, une misérable cellule petite-bourgeoise, avec le mariage pour prison. Le couple était ridiculisé au profit de l'amour libre. L'enfant était invité à se révolter contre ses parents. Regardez aujourd'hui, la télévision, les magazines, les comportements: la famille est la valeur la plus stable, la plus appréciée. Le bonheur n'est pas dans le pré mais dans le foyer. Il ne viendrait à personne de s'écrier avec Gide: familles, je vous hais! Ou bien, ce serait prendre le risque de passer pour fou, névrosé, marginal.
Pourtant, les valeurs de l'autonomie et de l'individualisme, qui s'opposent aux valeurs familiales, sont largement prônées. C'est une intéressante contradiction de notre société. Or, nous savons depuis Marx que ce sont les contradictions sociales qui engendrent le progrès, qui forcent le mouvement des sociétés. Tout aujourd'hui est "individualisé", la personnalisation est présentée comme la solution au problème de l'emploi, de l'éducation, de la consommation, etc. Mais combien de jeunes réussiraient scolairement si les parents n'étaient pas là pour les aider? Combien de chômeurs s'en sortiraient si leurs familles ne les soutenaient pas moralement, matériellement et financièrement? Combien d'hommes pourraient mener une vie sociale normale en dehors du cadre et des attaches du mariage et de la vie de couple? Combien de femmes pourraient supporter ne pas avoir d'enfants?
Il y a donc décalage, parfois gouffre, entre l'idéologie officiel - l'individu-roi - et la réalité sociale - la famille-reine. Notre avenir dépendra de l'intensification et du dépassement de cette contradiction (c'est ainsi que Marx, à partir de Hegel, conçoit la marche de l'Histoire). Des pistes déjà se dessinent. Jamais la famille n'a été aussi forte, aussi aimée (avant, elle était subie, maintenant, elle est choisie), jamais les divorces n'ont été aussi nombreux (avant, le mariage était sacré et quasiment indissoluble). Contradictoire? Non, la famille change, se "recompose", comme on dit. Décomposition, recomposition, c'est aussi la marche de l'Histoire.
Les mesures fiscales adoptées cette semaine au Parlement par la droite vont dans le sens du renforcement de la famille, principalement en matière d'héritage. Or, cette majorité est philosophiquement libérale, et même très libérale. Sarkozy a mis en avant dans sa campagne la "valeur travail", pas la valeur héritage! Le libéralisme repose sur l'individu créateur de richesses, l'entrepreneur, la gauche s'appuie aussi sur l'individu créateur de richesses, mais plutôt le travailleur. La défense de la famille appartient à la droite réactionnaire et à l'extrême droite.
Le rôle de la gauche devra d'abord consister à se débarrasser de toute tentation "familialiste" et donc rétrograde. Ségolène Royal, de ce point de vue, en se présentant comme une candidate "mère de famille", n'a pas indiqué la bonne direction. Surtout, il faudra que la gauche fasse éclater la contradiction qui mine le sarkozysme: est-il libéral ou réactionnaire? Bref, soutenir tout ce qui encourage le travail, sa création, son adaptation, sa revalorisation, et délaisser tout ce qui revient à la famille et qui relève seulement de la sphère des choix privés (dont l'Etat doit uniquement assurer la liberté, sans aucun a priori).
Bonne matinée.
PS: lorsque Sarkozy a assisté hier au concert de Polnareff, il était libéral. Lorsqu'il a voulu faire "table rase" de Mai 68 pendant sa campagne, il était réactionnaire. Les deux attitudes sont incompatibles.
5 Comments:
Ah, le petit catéchisme marxiste... nous savons depuis Marx que ce Marx même a théorisé un délire banal, croire que l'on peut déterminer l'essence de l'existence et de proposer un mythe nouveau: on finira tous prolos. Or les robots mécaniques asservis par un système informatique tendent à remplacer les prolos pour de simples raisons d'efficacité. Dans une usine sidérurgique par exemple, on utilise plus d'informatique que dans une navette spatiale:
http://www.arcelormediterranee.com/decouverte/fabrication/default.htm
Le progrès peut apparaître de différentes façons, quand l'inconscient collectif s' accapare d'un concept nouveau, et que ce qui semblait bizarre auparavant devient désirable pour la majorité. Le simple jeu des idées et du dialogue y suffit. Mais si on supprime Marx ringard et vermoulu, quel point d'appui reste-t'il à la gauche ? Difficile de scier la branche sur laquelle on s'appuie désespérément...
L'entrepreneur est un travailleur, un peu plus efficace que les autres tout simplement, sans disposer d'une essence particulière qui permette de l'opposer au prolo de base en voie de disparition. Il va d'abord falloir que la gauche fasse le deuil de toute sa mythologie avant que de pouvoir se représenter le réel actuel et de trouver un nouveau positionnement qui soit plus attractif que ce que propose Nicolas Sarkozy pour espérer revenir un jour au pouvoir. Parce que le vote des électeurs ne lui est pas acquis d'avance, surtout avec le spectacle de la dernière candidature.
Et dans la course à la place de l'opposition, il y a un troisième larron, le Bayrou prêt à pomper tout ceux qui sautent de l'arbre pendant le travail de bucheronnage de Nicolas Sarkozy.
By jpbb, at 1:35 PM
- Après le "tous prolos", le "tout robot"?
- Oui, un entrepreneur est un travailleur (du moins ceux qui entreprennent, pas ceux qui vivent de la rente). Mais la droite a le défaut de présenter ce travailleur comme indépendant des autres et supérieur à eux, ce que je ne crois pas. Valéry ou Alain, je ne sais plus, disait: "Un chef, c'est quelqu'un qui a besoin des autres". Je l'applique aussi au chef d'entreprise, contre la mythologie du patron de droit divin, souverain en son usine. Et même avec beaucoup de robots, le patron aura toujours besoin de quelques prolos et cadres pour faire tourner avec lui la boutique, et surtout beaucoup de clients pour acheter ses produits ou ses prestations. Le patron n'est pas l'ingénieur du système, il en est le produit (et donc, parfois, la victime, quand il y a faillite, échec commercial, concurrence déloyale).
By Emmanuel Mousset, at 2:30 PM
Le marché boursier en tant que tel me semble être la négation du capitalisme, car son but est le seul enrichissement du rentier au détriment de toute création de richesse. Il stérilise l'argent dans des circuits improductifs. Je rajouterai donc une règle: on ne peut revendre une action qu'au bout d'un an après l'avoir achetée. Cela éviterait toute cette bulle spéculative qui draine des intelligences à se détourner du monde de l'entreprise en tant que lieu de création de richesse, de lien social, d'identité partagée et d'intégration sociale.
By jpbb, at 3:14 PM
La financiarisation du marché n'est-elle pas sa fatalité, son impasse, sa contradiction, sa négation et donc ... sa fin? En attendant l'apparition d'un nouveau mode de production, le socialisme.
By Emmanuel Mousset, at 4:25 PM
Dans un premier temps le capital est injecté dans l'entreprise, secondairement il ne sert qu'à spéculer à la bourse. C'est la perversion du système capitaliste qui est alors détourné de toute finalité sociale, sauf à concentrer l'argent systématiquement alors qu'il doit être répartis harmonieusement. Il faut donc pour mettre fin à cette dérive associer l'état au capitalisme privé, afin qu'actionnaire à moitié des nouvelles entreprises il puisse imposer comme condition à la revente des actions une clause qui rende impossible toute idée de spéculation mécanique. Un actionnaire doit s'intéresser à l'entreprise qu'il finance, et faire travailler son esprit pour que soit efficace la gestion du personnel et la finalité de la production. Dans un cadre sous contrôle de l'état et des lois sociales, une confrontation des points de vue des différents acteurs peut alors avoir lieu afin d'harmoniser l'entreprise pour le bien de tous. Il faut assainir le capitalisme et rendre plus efficace dans ses retombées sociales.
By jpbb, at 6:21 PM
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