Un socialisme bourgeois.
Je poursuis ma réflexion sur les rapports entre socialisme et bourgeoisie, et j'essaie d'esquisser une histoire de ce que j'appelle le socialisme bourgeois:
1789 et 1830 sont des révolutions bourgeoises et républicaines. Ce n'est qu'à partir de 1848 que la contestation devient ouvrière et socialiste, se continuant en 1871 et en 1917 en Russie. 1936 est à la fois un mouvement bourgeois, républicain et ouvrier, socialiste. La gauche et la bourgeoisie ne sont donc pas étrangères l'une à l'autre.
La SFIO, à sa création en 1905, est un parti fortement ouvrier. Il ne le sera plus que partiellement après le congrès de Tour en 1920. Alors, le seul parti vraiment ouvrier sera le PCF (j'appelle "parti ouvrier" une organisation dont les électeurs sont essentiellement des ouvriers et dont les militants et dirigeants sont très majoritairement issus de la classe ouvrière). La SFIO sera ouvrière dans ses fédérations du Nord-Pas-de-Calais et Bouches-du-Rhône. Pour le reste, elle attire les employés, les instituteurs et la petite bourgeoisie.
En 1971, le parti socialiste issu d'Epinay n'est toujours pas un parti ouvrier. Sa base sociale, c'est la petite bourgeoisie d'Etat (les fonctionnaires et singulièrement les enseignants, qu'on ne peut pas ranger parmi les ouvriers et les employés) et la bourgeoisie intellectuelle (artistes, jeunesse estudiantine soixante-huitarde, etc). Cette nature bourgeoise du PS ne posait aucun problème tant que celui-ci était allié à l'authentique parti ouvrier, le PC, qui lui apportait une caution prolétarienne.
En 1984, le PCF rompt avec le PS, quitte le gouvernement, au moment où se met en place, sous la direction de Laurent Fabius et à la suite de l'adoption d'une politique de "rigueur" en 1983, le premier gouvernement ouvertement socialiste bourgeois. Le slogan adopté, en ces années Tapie, est "la France qui gagne" (non plus la France qui lutte) et le Premier ministre réhabilite l'entreprise. La campagne de Mitterrand en 1988 confirme cette tendance, qui ne fait que renvoyer le PS à sa vraie essence, le socialisme bourgeois.
En 2001, cette tendance se renforce, le PS perd les municipales mais remporte deux métropoles qui sont les fiefs de la bourgeoisie, Paris et Lyon. En 2002, Lionel Jospin est cruellement désavoué par la classe ouvrière, dont une partie non négligeable soutient l'extrême droite. Ensuite, tout s'accélère: le phénomène "bobo" met en évidence l'existence d'une catégorie sociale constituée de professions libérales qui optent cependant pour la gauche, le PS est transformé en 2006 par des dizaines de milliers de nouveaux adhérents issus des couches bourgeoises moyennes et supérieurs qui vont massivement soutenir Ségolène Royal, elle-même venue de la bourgeoisie et incarnant celle-ci parfois jusqu'à la caricature.
En 2007, l'incroyable score de Bayrou à la présidentielle, rendu possible par un apport important de voix socialistes, est la dernière preuve de l'existence de ce socialisme bourgeois qui se cherche et qui ne s'assume pas toujours. Aux prochaines municipales, en 2008, c'est lui qui pourrait créer la surprise, comme il l'a fait au second tour des législatives, en faisant basculer à gauche de nouvelles métropoles bourgeoises, en premier lieu Bordeaux, alors que les anciennes villes ouvrières et communistes du Nord (Saint-Quentin, Valenciennes) vont probablement demeurer ancrées à droite.
Telle est l'histoire de ce socialisme bourgeois que j'ai brossée à grands traits, qui reste à construire intellectuellement et surtout, politiquement, à assumer.
Bon après-midi (je vais manifester à 14h30 contre la loi sur le service minimum).
1789 et 1830 sont des révolutions bourgeoises et républicaines. Ce n'est qu'à partir de 1848 que la contestation devient ouvrière et socialiste, se continuant en 1871 et en 1917 en Russie. 1936 est à la fois un mouvement bourgeois, républicain et ouvrier, socialiste. La gauche et la bourgeoisie ne sont donc pas étrangères l'une à l'autre.
La SFIO, à sa création en 1905, est un parti fortement ouvrier. Il ne le sera plus que partiellement après le congrès de Tour en 1920. Alors, le seul parti vraiment ouvrier sera le PCF (j'appelle "parti ouvrier" une organisation dont les électeurs sont essentiellement des ouvriers et dont les militants et dirigeants sont très majoritairement issus de la classe ouvrière). La SFIO sera ouvrière dans ses fédérations du Nord-Pas-de-Calais et Bouches-du-Rhône. Pour le reste, elle attire les employés, les instituteurs et la petite bourgeoisie.
En 1971, le parti socialiste issu d'Epinay n'est toujours pas un parti ouvrier. Sa base sociale, c'est la petite bourgeoisie d'Etat (les fonctionnaires et singulièrement les enseignants, qu'on ne peut pas ranger parmi les ouvriers et les employés) et la bourgeoisie intellectuelle (artistes, jeunesse estudiantine soixante-huitarde, etc). Cette nature bourgeoise du PS ne posait aucun problème tant que celui-ci était allié à l'authentique parti ouvrier, le PC, qui lui apportait une caution prolétarienne.
En 1984, le PCF rompt avec le PS, quitte le gouvernement, au moment où se met en place, sous la direction de Laurent Fabius et à la suite de l'adoption d'une politique de "rigueur" en 1983, le premier gouvernement ouvertement socialiste bourgeois. Le slogan adopté, en ces années Tapie, est "la France qui gagne" (non plus la France qui lutte) et le Premier ministre réhabilite l'entreprise. La campagne de Mitterrand en 1988 confirme cette tendance, qui ne fait que renvoyer le PS à sa vraie essence, le socialisme bourgeois.
En 2001, cette tendance se renforce, le PS perd les municipales mais remporte deux métropoles qui sont les fiefs de la bourgeoisie, Paris et Lyon. En 2002, Lionel Jospin est cruellement désavoué par la classe ouvrière, dont une partie non négligeable soutient l'extrême droite. Ensuite, tout s'accélère: le phénomène "bobo" met en évidence l'existence d'une catégorie sociale constituée de professions libérales qui optent cependant pour la gauche, le PS est transformé en 2006 par des dizaines de milliers de nouveaux adhérents issus des couches bourgeoises moyennes et supérieurs qui vont massivement soutenir Ségolène Royal, elle-même venue de la bourgeoisie et incarnant celle-ci parfois jusqu'à la caricature.
En 2007, l'incroyable score de Bayrou à la présidentielle, rendu possible par un apport important de voix socialistes, est la dernière preuve de l'existence de ce socialisme bourgeois qui se cherche et qui ne s'assume pas toujours. Aux prochaines municipales, en 2008, c'est lui qui pourrait créer la surprise, comme il l'a fait au second tour des législatives, en faisant basculer à gauche de nouvelles métropoles bourgeoises, en premier lieu Bordeaux, alors que les anciennes villes ouvrières et communistes du Nord (Saint-Quentin, Valenciennes) vont probablement demeurer ancrées à droite.
Telle est l'histoire de ce socialisme bourgeois que j'ai brossée à grands traits, qui reste à construire intellectuellement et surtout, politiquement, à assumer.
Bon après-midi (je vais manifester à 14h30 contre la loi sur le service minimum).
2 Comments:
Concernant Ségolène Royal et son fan club, je parlerai plus des petits enfants de la génération mai 68, dopés à la TV et au coca-cola qui ont vu briller un lampadaire dans la nuit socialiste et l'ont pris pour une étoile pour finalement s'y brûler les ailes. Le recours à la technique marketing utilisée confirme mon dire. L'art d'appâter les niais au final, car le troisième âge l'a rejeté.
Concernant il risque fort de récupérer la place laissée vacante par le PS s'il ce dernier se rénove pas dramatiquement. C'est au final un problème de vases communicants, moins il y a de prolétaires, et plus il y a de bourgeois, et ces derniers votant de préférence vers la droite.
By jpbb, at 3:24 PM
C'est Bayrou le mot qui manque...
By jpbb, at 10:12 AM
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