8 septembre 1871.
Bonjour à toutes et à tous.
A propos de la social-démocratie, une question se pose souvent: quelle est sa date de création? Les socialistes français évoquent régulièrement le congrès de Bad Godesberg, en 1959, où le SPD allemand abandonne ses références marxistes. Certains souhaitent un "bad godesberg" à la française. Ce n'est pas la bonne date et ce n'est pas pour nous un rappel éclairant. En 1959, la social-démocratie allemande ne se constitue pas, elle existe depuis fort longtemps, politiquement et idéologiquement. Bad Godesberg est une formalité qui nous apporte peu.
Plus généralement, nous savons que la social-démocratie est une réalité et un courant ancien en Europe du nord, et nous situons confusément son origine au début du siècle dernier, certains voyant l'acte de naissance dans la séparation et la confrontation avec le communisme soviétique. En vérité non, la social-démocratie est plus ancienne, le mot autant que la chose. Jacques Attali propose une date très précise: le 8 septembre 1871. Ce jour-là, Karl Marx réunit l'Internationale communiste à Londres. Les discussions vont porter sur la Commune de Paris et sur son échec. C'est par rapport à cet événement (que la mémoire de la gauche française retient moins que 1789 ou 1936, hélas) que la social-démocratie va se constituer. 1871 est l'aboutissement de plusieurs décennies d'agitation révolutionnaire en Europe, qui n'ont pas vu la victoire du socialisme. Pour Marx, il faut en finir avec les barricades, sur lesquelles on meurt mais qui ne font pas vivre une société nouvelle:
"Cette confirmation de son légalisme et de son refus de la révolution violente en démocratie est acceptée par les dirigeants de l'Internationale. La social-démocratie est née. Cette réunion de Londres restera dans l'Histoire comme le moment où, à l'initiative de Marx et contre l'air du temps, le mouvement socialiste choisit clairement la voie parlementaire, même s'il ne dit pas encore aussi clairement que le pouvoir acquis par les urnes peut être aussi perdu par les urnes" (page 383).
Karl Marx est donc le premier social-démocrate, à une époque où le mouvement communard va réactiver dans les années qui suivront l'anarchisme. En 1883, Marx meurt et c'est Engels, le meilleur ami, qui poursuit son oeuvre philosophique et politique, dans un sens sans doute moins favorable à la social-démocratie (Engels reste attaché au rôle de la violence dans l'Histoire). En 1895, Engels meurt et son exécuteur testamentaire est Edouard Berstein, admirateur et critique de Marx, dont il va "réviser" la pensée, c'est-à-dire l'adapter au nouvelles circonstances de son époque. C'est là, autour de 1900, que se constitue véritablement, conceptuellement, la social-démocratie (qu'on appellera et qui s'appellera elle même "révisionnisme").
Pour me résumer: Marx est le premier social-démocrate et Berstein est le fondateur de la social-démocratie. Lénine et Trotsky, bien que se référant à Marx, inventent autre chose, donnent une nouvelle version, qui est plus du léninisme que du marxisme. Les différences entre les deux seraient très faciles à établir. Dans sa pratique politique, Lénine ne cessera de se référer à la Révolution française de 1789 et aux jacobins, qui trouvent peu leur place chez Marx, pour qui 1789 est un mouvement bourgeois. Quant à Trotsky, c'est une variante du léninisme qu'il va théoriser, lui qui a une origine... anarchiste. Bref, le léninisme, qui est le fond et la tragédie du communisme, est une interprétation imparfaite, impure, du marxisme, un mélange incongru de marxisme, d'anarchisme et de jacobinisme.
A ce propos, il est intéressant de noter que l'ultra gauche, qui émergera après et en réaction à 1917, prétendra renouer avec le marxisme authentique en critiquant le léninisme, alors que l'extrême gauche (trotskyste puis maoïste) assumera totalement le léninisme, les maoïstes allant encore plus loin et englobant le stalinisme (mais ne sont-ils pas d'une rigoureuse cohérence intellectuelle et historique?). Je vous reparlerai un peu plus tard de cette ultra gauche, puisque Christophe Bourseiller lui a consacré un ouvrage.
Pour conclure en ce dimanche matin décidemment très conceptuel, je vous dirais que le marxisme, de part sa philosophie de l'Histoire, est condamné à être interprété, révisé constamment, à la différence des pensées de Platon ou de Spinoza, qui sont fixes, définitives. Il ne peut pas y avoir d'orthodoxie marxiste puisque cette doctrine s'inscrit dans le cours de l'Histoire, qu'elle est appelée à le suivre et à s'adapter. Il reste cependant les concepts fondamentaux que Marx a élaborés, qui demeurent valides pour autant qu'on les adapte à leur temps, sinon ce ne sont que des pièces de musée, des curiosités historiques et non pas des idées vivantes.
Bonne matinée.
A propos de la social-démocratie, une question se pose souvent: quelle est sa date de création? Les socialistes français évoquent régulièrement le congrès de Bad Godesberg, en 1959, où le SPD allemand abandonne ses références marxistes. Certains souhaitent un "bad godesberg" à la française. Ce n'est pas la bonne date et ce n'est pas pour nous un rappel éclairant. En 1959, la social-démocratie allemande ne se constitue pas, elle existe depuis fort longtemps, politiquement et idéologiquement. Bad Godesberg est une formalité qui nous apporte peu.
Plus généralement, nous savons que la social-démocratie est une réalité et un courant ancien en Europe du nord, et nous situons confusément son origine au début du siècle dernier, certains voyant l'acte de naissance dans la séparation et la confrontation avec le communisme soviétique. En vérité non, la social-démocratie est plus ancienne, le mot autant que la chose. Jacques Attali propose une date très précise: le 8 septembre 1871. Ce jour-là, Karl Marx réunit l'Internationale communiste à Londres. Les discussions vont porter sur la Commune de Paris et sur son échec. C'est par rapport à cet événement (que la mémoire de la gauche française retient moins que 1789 ou 1936, hélas) que la social-démocratie va se constituer. 1871 est l'aboutissement de plusieurs décennies d'agitation révolutionnaire en Europe, qui n'ont pas vu la victoire du socialisme. Pour Marx, il faut en finir avec les barricades, sur lesquelles on meurt mais qui ne font pas vivre une société nouvelle:
"Cette confirmation de son légalisme et de son refus de la révolution violente en démocratie est acceptée par les dirigeants de l'Internationale. La social-démocratie est née. Cette réunion de Londres restera dans l'Histoire comme le moment où, à l'initiative de Marx et contre l'air du temps, le mouvement socialiste choisit clairement la voie parlementaire, même s'il ne dit pas encore aussi clairement que le pouvoir acquis par les urnes peut être aussi perdu par les urnes" (page 383).
Karl Marx est donc le premier social-démocrate, à une époque où le mouvement communard va réactiver dans les années qui suivront l'anarchisme. En 1883, Marx meurt et c'est Engels, le meilleur ami, qui poursuit son oeuvre philosophique et politique, dans un sens sans doute moins favorable à la social-démocratie (Engels reste attaché au rôle de la violence dans l'Histoire). En 1895, Engels meurt et son exécuteur testamentaire est Edouard Berstein, admirateur et critique de Marx, dont il va "réviser" la pensée, c'est-à-dire l'adapter au nouvelles circonstances de son époque. C'est là, autour de 1900, que se constitue véritablement, conceptuellement, la social-démocratie (qu'on appellera et qui s'appellera elle même "révisionnisme").
Pour me résumer: Marx est le premier social-démocrate et Berstein est le fondateur de la social-démocratie. Lénine et Trotsky, bien que se référant à Marx, inventent autre chose, donnent une nouvelle version, qui est plus du léninisme que du marxisme. Les différences entre les deux seraient très faciles à établir. Dans sa pratique politique, Lénine ne cessera de se référer à la Révolution française de 1789 et aux jacobins, qui trouvent peu leur place chez Marx, pour qui 1789 est un mouvement bourgeois. Quant à Trotsky, c'est une variante du léninisme qu'il va théoriser, lui qui a une origine... anarchiste. Bref, le léninisme, qui est le fond et la tragédie du communisme, est une interprétation imparfaite, impure, du marxisme, un mélange incongru de marxisme, d'anarchisme et de jacobinisme.
A ce propos, il est intéressant de noter que l'ultra gauche, qui émergera après et en réaction à 1917, prétendra renouer avec le marxisme authentique en critiquant le léninisme, alors que l'extrême gauche (trotskyste puis maoïste) assumera totalement le léninisme, les maoïstes allant encore plus loin et englobant le stalinisme (mais ne sont-ils pas d'une rigoureuse cohérence intellectuelle et historique?). Je vous reparlerai un peu plus tard de cette ultra gauche, puisque Christophe Bourseiller lui a consacré un ouvrage.
Pour conclure en ce dimanche matin décidemment très conceptuel, je vous dirais que le marxisme, de part sa philosophie de l'Histoire, est condamné à être interprété, révisé constamment, à la différence des pensées de Platon ou de Spinoza, qui sont fixes, définitives. Il ne peut pas y avoir d'orthodoxie marxiste puisque cette doctrine s'inscrit dans le cours de l'Histoire, qu'elle est appelée à le suivre et à s'adapter. Il reste cependant les concepts fondamentaux que Marx a élaborés, qui demeurent valides pour autant qu'on les adapte à leur temps, sinon ce ne sont que des pièces de musée, des curiosités historiques et non pas des idées vivantes.
Bonne matinée.
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