L'Aisne avec DSK

24 août 2007

Les enfants de Marx.

Bonsoir à toutes et à tous.

Dans l'ouvrage de Jacques Attali sur Karl Marx, un point retient mon attention: l'attitude de Marx à l'égard du travail des enfants. Pages 337 et 338, Attali se réfère à un congrès de l'Association internationale des travailleurs, du 3 au 8 septembre 1866, à Genève. Alors que le travail des enfants est combattu par les syndicats, voilà ce que l'AIT, avec l'approbation de Marx, adopte:

"L'industrie moderne nécessite le travail productif des enfants, limité à deux heures par jour à partir de neuf ans, quatre heures à partir de treize ans, et six heures à partir de seize ans [...]. Nous considérons la tendance de l'industrie moderne à faire coopérer les enfants et les adolescents des deux sexes dans le grand mouvement de la production sociale comme un progrès et une tendance légitime et raisonnable, quoique le règne du capital en ait fait une abomination." (c'est moi qui souligne les deux termes)

Plus loin, Attali revient sur la question (pages 415 et 416), en citant un texte de Marx rédigé en 1874, connu sous le titre de "Critique du programme de Gotha":

"Une interdiction générale du travail des enfants est incompatible avec l'existence de la grande industrie et est donc un souhait pieux et vide" (idem). Cependant, Marx défend l'éducation gratuite du peuple: "le fait de combiner de bonne heure le travail productif avec l'instruction est un des plus puissants moyens de transformation de la société actuelle."

Quelques réflexions à propos de ces extraits:

- Je regrette à nouveau l'absence de renvois précis aux oeuvres originales. Il faudrait, si on veut faire un travail sérieux, vérifier la traduction et surtout le contexte. Les phrases dégagées du corps du texte peuvent occasionner des contresens. Ceci dit, partons de ce que nous donne imparfaitement Attali.

- Vous êtes sans doute, comme moi, surpris de voir, sous la plume d'une organisation révolutionnaire influencée par Marx, la non condamnation du travail des enfants. On se demande classiquement d'où vient la tragédie du communisme, s'il faut en exonérer Marx et accabler son plus proche compagnon, Engels (certains attendent Staline pour repérer une dérive mortelle). Avec cette position sur le travail des enfants, le ver est dans le fruit, si j'ose dire. Récusant toute réforme, soutenant tout processus révolutionnaire, y compris et surtout celui du capitalisme productiviste, Marx en vient à défendre le travail des enfants dans les usines.

- Sans renier mon propos précédent, il faut le nuancer (Marx voudrait l'émancipation de l'humanité mais pas des enfants?!). Au XIXème, le travail des enfants est considéré par beaucoup comme normal. Les paysans, pendant longtemps (encore aujourd'hui?), se feront aider par leurs enfants dans le travail des champs. Notez bien que Marx encadre ce travail, limite sa durée, et précise, c'est toute l'ambiguïté du texte et, au-delà, peut-être du marxisme entier, que ce travail des enfants est "abominable" en l'économie capitaliste. On pourrait penser que cet adjectif vaut condamnation, mais non. Il laisse supposer qu'en économie communiste, ce travail couplé à l'éducation aura du bon.

La vérité du marxisme sortant non de la bouche mais du travail des enfants? A réfléchir...


Bonne soirée.