L'Aisne avec DSK

24 août 2007

Maoïsme.

Bonjour à toutes et à tous.

Comme je vous l'ai dit à mon retour de Paris, je vais vous parler de quelques lectures qui ont retenu mon attention et suscité parfois ma passion. Je commencerai par le livre de Christophe Bourseiller, Les maoïstes, la folle histoire des gardes rouges français, paru en 1996, chez Plon. Bourseiller est un journaliste de qualité, remarquable spécialiste de l'extrême gauche française. Ce n'est pas un historien mais ses travaux ont des qualités universitaires. Je ne sais pas s'il est l'inventeur du concept de "micro-histoire" mais il utilise ce terme, qui désigne l'intérêt historique qu'on peut avoir pour des groupuscules, des noms, des dates, des lieux, des épiphénomènes que ne retient pas la grande histoire et qui pourtant l'influencent partiellement. C'est le cas du maoïsme français, oublié aujourd'hui de tous, le seul courant d'extrême gauche qui a totalement disparu, dont l'histoire mérite cependant rappel et réflexion. Je vous en résume les traits les plus saillants et les plus originaux:



1- Le maoïsme est un socialisme total (et bien sûr totalitaire) qui trace une continuité idéologique entre Marx, Engels, Lénine, Staline (mais oui!) et évidemment Mao.



2- Il est accompagné en 1966-1967 par une mode vestimentaire et culturelle (col Mao, film de Godard, chanson de Dutronc, etc). Le Grand Timonier exalte les militants et les midinettes!



3- Il se divise en prochinois orthodoxes et "maos" très intellos, ces derniers réunis dans la mythique "Gauche prolétarienne" qui recrute essentiellement... rue d'Ulm, à Normal Sup!



4- Les prochinois, par anti-impérialisme, appellent à voter de Gaulle en 1965 et soutiennent, par antisoviétisme, Giscard à la fin des années 70. Bourseiller évoque même, en annexe, une tentative de l'extrême droite de créer un "nazi-maoïsme".

5- Le maoïsme français est l'inventeur d'un populisme d'extrême gauche, en soutenant par exemple le néo-poujadiste Gérard Nicoud, défenseur des petits commerçants et en menant une campagne passablement délirante, à Bruay-en-Artois, contre le juge Pascal.

6- Le pire du maoïsme, c'est sa postérité terroriste dans les années 70, qui n'a cependant pas atteint le degré de violence des Brigades Rouges ou de la bande à Baader.

7- Le meilleur, et le plus surprenant, c'est l'inspiration des divers mouvements de libération (femmes, prisonniers, homosexuels, immigrés, etc), c'est l'évolution des moeurs, que l'on doit notamment au groupe de Roland Castro, "Vive la Révolution", et son journal "Tout".

L'an prochain, nous fêterons les 40 ans de Mai 68. N'oublions pas l'apport paradoxal du maoïsme à un événement fondateur de la société et des mentalités contemporaines.


Bonne journée.

4 Comments:

  • Le maoïsme n'a rien à voir avec mai 68 et la libération des moeurs, ils sont montés dans le train dans les années 72 en tirant la couverture à eux. Ensuite il ont été voir Lacan pour survivre. Ils se sont ensuite embourgeoisé le plus classiquement du monde. Vous pouvez voir le beau-fils de Lacan qui gère benoîtement l'héritage de ce dernier régulièrement à la TV. Le coté m'as-tu vu n'a pas disparu d'ailleurs, c'était le réel fond de commerce du maoïsme.

    By Blogger jpbb, at 2:30 PM  

  • Voilà un jugement bien sévère de notre ami jpb sur le maoïsme français, qui certes ne mérite pas notre indulgence, mais je crois, pour me répéter, qu'une tendance de ce courant, VLR (Vive la Révolution) est à l'origine de la libération des moeurs. Je ne dis pas que c'est l'unique ferment. Sont venus ensuite le magazine Actuel, le mouvement hippy. Mais rendons à César ce qui est à César, et à Mao ce qui est en réalité à Castro (l'architecte, pas le dictateur cubain). Le maoïsme français avait peu de rapport avec la réalité chinoise. Pas étonnant que certains se soient dirigés très tôt vers Lacan. Pour guérir de leurs fantasmes rouges?

    By Blogger Emmanuel Mousset, at 3:16 PM  

  • C'est la faute à Jean Paul Sartre. Vers la fin de sa vie, il allait vendre la « Cause du Peuple » à la sortie des usines Renault de Billancourt. Du coup faire le zouave pour se faire remarquer et atteindre une forme de notoriété est devenu très mode. Mao représentait une alternative à l'URSS que l'on savait plombée par le stalinisme via Yves Montant qui avait viré sa cuti. Devenir maoïste était très mode, avec le costume strict genre Jack Lang. On supposait que c'était le réveil de ce vieux pays, avec ses jeunes filles en fleurs et ses rizières qui allait envahir le reste du monde. Bien se positionner dans le camp du vainqueur en quelque sorte. Ensuite les Américains ont été jouer du ping-pong avec les Chinois, et tout est rentré dans l'ordre. Pour les petits français qui se retrouvaient dans l'impasse et qui n'envisageait pas de tomber dans l'extrémiste de la bande à Baader, cela s'est soldé par un retour en arrière sur le pourquoi et comment, avec pour les plus cinglés de la bande qui n'ont pas pu le faire l'assassinat de Georges Besses. Cela a permis la naissance de « Libération », qui lançait une nouvelle mode, jeune branchés contre vieux ringards. Ensuite, même les bourgeois ont acheté "Libé". Ce sont les souvenirs d'une époque révolue... ;-)
    En sous main il y avait également une nébuleuse situationniste, les baba-cool, les fromages de chèvre et les communautés en Ardèche, puis « Charlie Hebdo » et la « Gueule Ouverte », avec Reiser qui était d'un contact très facile. C'était très destructuré, on ne roulait qu'en 2cv et en 4L. Mitterrand était considéré comme un dinosaure de la fin de la deuxième guerre mondial, c'est dire le décalage avec notre époque. Personne ne l'aurait donné comme présidentiable, et surtout qu'on puisse en parler sur le Net. Ah, époque insouciante et innocente, 40 ans, déjà ?

    By Blogger jpbb, at 5:55 PM  

  • Je sens que le dernier commentaire de jpb trahit, sans le vouloir, une certaine nostalgie de cette époque. Qu'on l'aime ou qu'on la déteste (et cette époque avait aussi ses aspects détestables), nous sommes tous des enfants de cette époque (des années 60 et 70, de Mai). Même Sarkozy, d'une certaine façon, lorsqu'il se positionne contre.

    By Blogger Emmanuel Mousset, at 9:00 PM  

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