Refondation intellectuelle.
Bonsoir à toutes et à tous.
En rangeant mes papiers et mes retards de lecture, je suis tombé sur un article de Jean Birnbaum consacré à Antonio Negri, dans le supplément littéraire du Monde daté du 13 juillet dernier. Je m'intéresse beaucoup à ce philosophe politique, qui passe pour altermondialiste mais dont la pensée peut parfaitement, selon moi, nourrir les réflexions de la social-démocratie. Je le qualifierai de marxiste moderne, sans rapport avec ce que peut produire dans le genre l'extrême gauche. Ses idées sont au bon sens du terme provocantes, c'est-à-dire qu'elles provoquent la pensée. Mes intuitions intellectuelles rejoignent plusieurs idées de Negri, je vous en donne quelques exemples:
Toni Negri ne croit pas (ou plus?) en l'idée de "rupture". Selon lui, la décision politique, "ce n'est pas couper, c'est construire". Non pas parce qu'il serait devenu conservateur ou médiocrement réformateur, mais au contraire parce qu'il va de l'avant et constate la chose suivante, à première vue paradoxale et à laquelle j'adhère très fort: "je suis convaincu que nous sommes déjà des hommes nouveaux; la rupture a été donnée, et elle date des années 1968". Oui, je crois moi aussi que 1968 est le début d'un nouveau monde, le point de départ d'une autre société. Certains progressistes classiques attendent ce qui est déjà là, en train de se former, de se développer, de vivre sous nos yeux aveuglés par l'avenir.
Qu'est-ce qui se passe ces années-là? "C'est important parce qu'alors le travail intellectuel est entré en scène. En réalité, je me demande si le capitalisme existe encore, aujourd'hui, et si la grande transformation que nous vivons n'est pas une transition extrêmement puissante vers une société plus libre, plus juste, plus démocratique". J'ai toujours pensé qu'une certaine gauche faisait du capitalisme un épouvantail de paille pour mieux le brûler ensuite. La vérité, du moins celle que propose Negri et que je partage, c'est que nous vivons une "transition", que le capitalisme n'est déjà plus le capitalisme. Philosopher, en politique, c'est analyser les transitions historiques, ce n'est pas décrire, dénoncer ou rêver de situations figées. Mais je me vois mal annoncer à mes camarades de section que le capitalisme n'existe plus, qu'ils sont de petits Don Quichotte face à un gros moulin à vent!
1968, c'est le début de la fin pour le parti de la classe ouvrière, le PCF. L'avant-garde est dans les universités, pas dans les usines. Et c'est une bonne nouvelle! Ecoutez Negri: "on n'a plus besoin du capital! La valorisation passe par la tête, voilà la grande transformation". La "vieille classe ouvrière" ne fait plus l'Histoire, mais le "nouveau prolétariat cognitif: il fait tous les métiers précaires, il travaille dans les call centers ou dans les centres de recherche scientifique, il aime mettre en commun son intelligence, ses langages, sa musique... C'est ça la nouvelle jeunesse! Il y a maintenant la possibilité d'une gestion démocratique absolue".
Méditez aussi ceci: "je crois que la révolution est déjà passée, et que la liberté vit dans la conscience des gens".
Et terminez par ce dernier extrait, peut-être le plus iconoclaste: "personne ne veut plus travailler en usine comme son père! Il n'y a que les communistes français qui ne voient pas ça, et aussi Sarkozy! Après tout, il a été élu sur quoi? Sur le nationalisme, qui a été construit par la gauche dans la bataille contre l'Europe. Et sur l'apologie du travail, élaborée par la gauche dans sa lutte contre le contrat premier emploi (CPE). Je rêve d'une autre gauche, qui reconnaîtrait que le capital n'est plus la force qui unifie le travail, que l'Etat n'est plus la force qui fait les Constitutions, et que l'individu n'est plus au centre de tout. En bref, une gauche d'égalité, de liberté, de démocratie absolue..."
Bref, la gauche aurait fait le lit de Sarkozy! Avec Tony Negri, la refondation du socialisme sera intellectuelle ou ne sera pas. La réforme des régimes spéciaux est peu de chose par rapport au dynamitage de tous nos concepts de base, nos "fondamentaux" comme on dit: travail, prolétariat, révolution, Etat, nation, individu, capital, voilà tout ce que Negri nous invite à repenser, en proposant de nouveaux concepts, travail immatériel, prolétariat cognitif, multitude, empire...
Bonne nuit, et faites de beaux rêves conceptuels.
En rangeant mes papiers et mes retards de lecture, je suis tombé sur un article de Jean Birnbaum consacré à Antonio Negri, dans le supplément littéraire du Monde daté du 13 juillet dernier. Je m'intéresse beaucoup à ce philosophe politique, qui passe pour altermondialiste mais dont la pensée peut parfaitement, selon moi, nourrir les réflexions de la social-démocratie. Je le qualifierai de marxiste moderne, sans rapport avec ce que peut produire dans le genre l'extrême gauche. Ses idées sont au bon sens du terme provocantes, c'est-à-dire qu'elles provoquent la pensée. Mes intuitions intellectuelles rejoignent plusieurs idées de Negri, je vous en donne quelques exemples:
Toni Negri ne croit pas (ou plus?) en l'idée de "rupture". Selon lui, la décision politique, "ce n'est pas couper, c'est construire". Non pas parce qu'il serait devenu conservateur ou médiocrement réformateur, mais au contraire parce qu'il va de l'avant et constate la chose suivante, à première vue paradoxale et à laquelle j'adhère très fort: "je suis convaincu que nous sommes déjà des hommes nouveaux; la rupture a été donnée, et elle date des années 1968". Oui, je crois moi aussi que 1968 est le début d'un nouveau monde, le point de départ d'une autre société. Certains progressistes classiques attendent ce qui est déjà là, en train de se former, de se développer, de vivre sous nos yeux aveuglés par l'avenir.
Qu'est-ce qui se passe ces années-là? "C'est important parce qu'alors le travail intellectuel est entré en scène. En réalité, je me demande si le capitalisme existe encore, aujourd'hui, et si la grande transformation que nous vivons n'est pas une transition extrêmement puissante vers une société plus libre, plus juste, plus démocratique". J'ai toujours pensé qu'une certaine gauche faisait du capitalisme un épouvantail de paille pour mieux le brûler ensuite. La vérité, du moins celle que propose Negri et que je partage, c'est que nous vivons une "transition", que le capitalisme n'est déjà plus le capitalisme. Philosopher, en politique, c'est analyser les transitions historiques, ce n'est pas décrire, dénoncer ou rêver de situations figées. Mais je me vois mal annoncer à mes camarades de section que le capitalisme n'existe plus, qu'ils sont de petits Don Quichotte face à un gros moulin à vent!
1968, c'est le début de la fin pour le parti de la classe ouvrière, le PCF. L'avant-garde est dans les universités, pas dans les usines. Et c'est une bonne nouvelle! Ecoutez Negri: "on n'a plus besoin du capital! La valorisation passe par la tête, voilà la grande transformation". La "vieille classe ouvrière" ne fait plus l'Histoire, mais le "nouveau prolétariat cognitif: il fait tous les métiers précaires, il travaille dans les call centers ou dans les centres de recherche scientifique, il aime mettre en commun son intelligence, ses langages, sa musique... C'est ça la nouvelle jeunesse! Il y a maintenant la possibilité d'une gestion démocratique absolue".
Méditez aussi ceci: "je crois que la révolution est déjà passée, et que la liberté vit dans la conscience des gens".
Et terminez par ce dernier extrait, peut-être le plus iconoclaste: "personne ne veut plus travailler en usine comme son père! Il n'y a que les communistes français qui ne voient pas ça, et aussi Sarkozy! Après tout, il a été élu sur quoi? Sur le nationalisme, qui a été construit par la gauche dans la bataille contre l'Europe. Et sur l'apologie du travail, élaborée par la gauche dans sa lutte contre le contrat premier emploi (CPE). Je rêve d'une autre gauche, qui reconnaîtrait que le capital n'est plus la force qui unifie le travail, que l'Etat n'est plus la force qui fait les Constitutions, et que l'individu n'est plus au centre de tout. En bref, une gauche d'égalité, de liberté, de démocratie absolue..."
Bref, la gauche aurait fait le lit de Sarkozy! Avec Tony Negri, la refondation du socialisme sera intellectuelle ou ne sera pas. La réforme des régimes spéciaux est peu de chose par rapport au dynamitage de tous nos concepts de base, nos "fondamentaux" comme on dit: travail, prolétariat, révolution, Etat, nation, individu, capital, voilà tout ce que Negri nous invite à repenser, en proposant de nouveaux concepts, travail immatériel, prolétariat cognitif, multitude, empire...
Bonne nuit, et faites de beaux rêves conceptuels.
1 Comments:
Un marxiste moderne est un mouton à cinq pattes. En 1968, c'est la parole qui s'est autorisé d'elle même, l'humanité est restée la même car homme est resté le même, il a pris en compte sa parole et la parole de l'autre et s'est questionné sur ce qu'elle pouvait réellement dire au-delà des apparences. C'est Freud qui a gagné la manche, avec « Laissez-les parler... ». On n'est pas loin du débat participatif ou la parole de chaque personne humaine est prise en compte. Dans le match Freud Marx, c'est Marx qui est mis au tapis par un bon mot.
By jpbb, at 10:18 AM
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