L'Aisne avec DSK

02 octobre 2007

Travail, famille, connerie.

Je vais encore vous parler de l'école, parce que c'est l'actualité qui nous pousse à nouveau vers ce sujet. Un sondage de la PEEP (parents d'élèves, classée à droite) nous apprend que 9 parents sur 10 souhaitent le retour des devoirs à la maison à l'école primaire. Ils avaient été interdits en 1957. Quand j'entends cela, j'ai envie de bondir, un peu comme VAL ces derniers jours, mais je vais essayer de garder mon sang-froid et d'argumenter mon point de vue:

1- Il est surprenant et en même temps révélateur qu'en l'espace de quelques jours, l'opinion ait exprimé deux réactions qui sont contradictoires l'une avec l'autre: supprimer les cours le samedi d'un côté et réintroduire de l'autre les devoirs après une journée de travail. Il faut savoir ce que l'on veut pour nos enfants: travailler moins (fin du samedi matin) ou travailler plus (les devoirs à la maison)?

2- La contradiction apparente n'est peut-être qu'une forme d'hypocrisie sociale: on souhaite travailler moins pour libérer le fameux week-end et on compense en réclamant le retour des devoirs à la maison. Sauf que la compensation est impossible: les devoirs à la maison sont d'une autre nature pédagogique que le travail en classe. L'un ne peut pas remplacer l'autre, échec de l'hypocrisie.

3- Cette demande repose sur un gros mensonge, laissant supposer que les enseignants empêcheraient les enfants de travailler chez eux. C'est faux, bien sûr. Ce qui est interdit, ce sont les devoirs écrits, qui ne commencent qu'au collège. Quand j'étais enfant, j'apprenais des récitations et les tables de calcul à la maison.

4- Pourquoi interdire les devoirs écrits (et je suis favorable à ce que l'interdiction demeure)? Parce qu'un enfant doit rester un enfant, qu'on ne doit pas le considérer comme un petit adulte. Une journée de travail en classe, c'est déjà beaucoup. Il ne faut pas en rajouter avec du travail en fin d'après-midi ou le soir. Un enfant est fait aussi pour jouer, s'amuser, rire, parfois faire des bêtises, mais pas travailler comme un forcené (laissons cette folie à nos ministres sarkoziens).

5- Un enfant doit voir son travail guidé et contrôlé par son maître. Il n'a pas l'autonomie nécessaire pour faire tout seul un travail à la maison. Celui-ci aurait donc pédagogiquement des conséquences néfastes sur le développement de l'enfant.

6- Si l'enfant, ce qui arrivera inévitablement, fait appel à ses parents pour l'aider, ce sera là encore nuisible. Il n'est pas bon de suivre deux enseignements, celui des parents et celui des professeurs (car à l'école primaire, où sont dispensées des connaissances "élémentaires", les parents ne pourront s'empêcher de jouer au professeur). Des contradictions s'en suivront et perturberont l'élève (de même qu'il n'est pas recommandé d'aller consulter deux médecins généralistes ou de pratiquer l'automédication).

7- Les devoirs à la maison accentueront les inégalités sociales, les parents instruits pouvant aider leurs enfants, pas les autres parents.

Pourquoi alors un tel engouement pour les devoirs à la maison? Outre l'hypocrisie sociale que j'ai dénoncée plus haut, il y a deux autres raisons:

- L'idéologie de la "valeur travail" continue de faire des ravages dans les têtes. Après "la France qui se lève tôt", voilà les enfants qui se couchent tard! Je répèterais pourtant, autant de fois qu'il le faudra, que le travail n'est pas une "valeur" sociale mais strictement personnelle, à laquelle on adhère ou pas, mais sans obligation. La vie est faite pour aimer, lire, s'instruire, se cultiver, se divertir, en dehors de tout travail. Croire que l'intelligence s'obtient par le travail obligatoire est une grave erreur. N'abrutissons pas nos enfants par le travail, laissons les aussi développer leur pensée, leur imagination, leur sensibilité autrement que par le travail.

- Le culte contemporain de la famille incite les parents à vouloir que leur enfant soit un surdoué, un enfant précoce, très intelligent, hélas bridé par ce foutu système scolaire qui ne reconnait pas sa supériorité. D'où ce forcing sur les devoirs à la maison, censés découvrir les petits génies que seraient nos chères têtes blondes. Tout cela n'est qu'illusion, vanité des parents qui sacrificient ainsi leurs enfants à leur propre désir de réussite ou de revanche sociale.

Travailler plus, non, travaillez mieux, autrement, intensément, pour un autre objectif que de travailler, alors oui.


A plus tard, je vais travailler un peu.

7 Comments:

  • Juste un détail, ne confondons pas Alexei Stakhanovitch avec Nicolas Sarkozy. L'un aimait les communistes, l'autre pas (bien qu'il semble travailler comme un forcené, mais là c'est juste pour vous faire plaisir...).

    By Blogger jpbb, at 4:17 PM  

  • que dire sinon que votre analyse est juste et cohérente ; en effet le temps libre laissé aux enfants doivent leur permettre d'être rêveur, joyeux, insouciant afin de se construire seul dans son imaginaire débridé
    les devoirs écrits NON les leçons OUI cela permet de contrôler si l'enfant a assimilé l'enseignement de la journée

    By Blogger inconnu, at 7:07 PM  

  • La distinction de MJH entre devoirs écrits et leçons orales est très éclairante.

    By Blogger Emmanuel Mousset, at 9:05 PM  

  • Les adultes sont parfois incohérents!
    Ils se battent pour travailler moins et gagner plus! Et pourtant ils veulent imposer plus de travail aux enfants (une semaine de classe en primaire vaut 26 heures et ,en collège, selon le niveau et les options, de 28 à 32 heures ce qui, si on ajoute le travail écrit à la maison, les activités périscolaires (UNSS, conservatoire, foot en club...) et les temps de transports, dépasse largement les 35 heures.(départ à 8 heures de la maison, retour puis travail fini vers 18h/19h sur 4 jours (tout cela ne doit pas être fait quand les parents ne travaillent pas! C'est tellement difficile d'élever un enfant, on n'a plus de temps à soi!)ça fait pas loin de 40 heures. Du temps libre pour les parents et le turbin aux enfants c'est vraiment le monde à l'envers!!
    MD

    By Blogger md, at 9:12 PM  

  • en tant qu'ex parent d'éléve de la PEEP ( eh ouais!!) je tiens à mettre un bémol sur la fiabilité du sondage. il serait trés intéressant de connaître le panel des sondés.par expérience, répondent à ce type de questionnaire, les parents d'enfants sans pb scolaires, de bons élèves qui reçoivent comme prix de fin d'année tous le cahiers de vacances possibles et imaginables achetés dés le 15 juin, qui sont inscrits pour les 8 1ers jours de vacances et pour les 15 derniers chez atout math (cours privés chic à st q) et bien sur, bénéficient toute l'année de cours privés de soutien....
    perso , n'ayant pas procréé d'élèves franchement motivés par l'école, les quelques devoirs maison ( en général faits avec l'aide de potes meilleurs qu'eux) m'ont permis de comprendre ce que le prof attendait lors des devoirs en classe , comment apprendre intelligemment les leçons et pas l'apprentissage par coeur et surtout de révéler certaines lacunes propres à mes enfants , voire parfois des ruptures de communication entre mes enfants et leur enseignant.VAL

    By Anonymous Anonyme, at 8:37 AM  

  • Les parents des "bons" élèves me réclament des devoirs. Je leur réponds que leur enfant n'a pas besoin de refaire à la maison ce qu'il sait déjà faire en classe.
    Les parents des élèves "faibles" me réclament des devoirs. Je leur réponds qu'il ne saura pas faire seul, ce qu'il ne sait pas faire en ma présence ; ou alors que s'il travaillait en classe, il n'aurait pas besoin de travailler à la maison.
    On marche sur la tête...

    Thierry, prof de lycée.

    By Anonymous Anonyme, at 1:22 PM  

  • Les paroles de Thierry sont très sages...

    By Blogger Emmanuel Mousset, at 9:13 PM  

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