L'Aisne avec DSK

04 novembre 2007

Culture social-démocrate.

Bonsoir à toutes et à tous.

A la suite de ma réflexion précédente sur l'existence d'une "culture" social-démocrate, je poursuis dans cette direction. L'idéologie social-démocrate est bien connue car très repérable. C'est un système d'idées, un ensemble de référence, une histoire, des ouvrages, des penseurs parfaitement identifiables. En revanche, une culture, c'est une réalité beaucoup plus fluide, souple, plastique, indéfinissable, une série de phénomènes et de micro-phénomènes ténus, imperceptibles, inconscients, vivants, naturels, évidents. L'idéologie est globale, totale, cohérente, articulée. La culture renferme des éléments multiples, disparates, parfois contradictoires. Elle est un humus, un terreau complexe. Ce préambule était nécessaire pour vous dire à quel point il n'est pas facile de cerner une culture social-démocrate, mais je vais tenter de le faire, ou plutôt continuer, puisque les deux films de Denys Arcand ont été en quelque sorte une introduction.

Chez Arcand, l'esprit social-démocrate est le fait de la classe moyenne intellectuelle composée d'universitaires. Historiquement, la social-démocratie, surtout dans sa dimension politique et économique, s'est développée parmi les classes ouvrières européennes. Même en France, mais cette fois dans une dimension plus culturelle. Mais oui! Si la social-démocratie ne s'est pas politiquement implantée dans notre pays, c'est qu'elle n'a pas trouvé le parti, l'organisation politique qui auraient porté ses idées. La présence puissante et massive du PCF, son hégémonie sur la classe ouvrière, ont rendu impossible cet avènement. Ce qui n'empêche pas la social-démocratie d'exister chez nous, contrairement à ce qu'affirment de nombreux observateurs, parce qu'ils en restent à la dimension politique et délaissent la dimension culturelle et sociale. Je vois deux formes françaises de la social-démocratie:

1- Le monde de la Fonction publique et assimilés, cheminots, électriciens, gaziers et enseignants, ceux que Sarkozy veut mettre à genou en ce moment. Deux caractéristiques en font un univers social-démocrate: d'abord la présence de syndicats puissants tels qu'il n'en existe hélas pas ou moins dans le secteur privé, ensuite des statuts très protecteurs, qui garantissent la sécurité de l'emploi et, pour les enseignants, la liberté du métier. A l'époque glorieuse de la FEN, "forteresse enseignante" entourée de nombreux organismes partenaires (mutuelle, organisme de crédit, centrale d'achat, agence de voyage, maison d'édition, etc), une véritable structure social-démocrate était en place, même si son idéologie était laïque et républicaine.

2- Plus surprenant, le monde des municipalités communistes a installé un réseau local qu'on peut qualifier de social-démocrate, même si, là encore, son idéologie évidemment ne l'était pas (et même s'y opposait!): bibliothèques, tourisme social, éducation populaire, associations de loisirs, soutien aux vieux, aux pauvres, aux femmes, cette organisation était de nature, de culture social-démocrate. A quoi il faut ajouter cette vertu typique de la social-démocratie, le sens du compromis, que les élus communistes ont su avoir, alors que leurs dirigeants, députés ou apparatchiks tenaient des discours intransigeants et révolutionnaires.

Autre exemple, le mouvement de Mai 68, à bien des égards inclassables, mais qu'on situe généralement comme une expression d'extrême gauche. Erreur! En 1968, les lambertistes et les maoïstes se sont méfiés de l'insurrection étudiante, à leurs yeux trop "petite-bourgeoise". Evidemment, après, ils se sont rattrapés, en bon récupérateurs de ce qui d'abord leur a échappée. Toujours est-il que Mai 68 est un mouvement profondément hostile au communisme, un mouvement que BHL qualifierait d'anti-totalitaire, foncièrement libertaire, dont la postérité s'est retrouvé dans la social-démocratie, libérale, tolérante, ouverte, beaucoup plus que dans le communisme autoritaire. L'évolution du leader de Mai 68, Daniel Cohn-Bendit, devenu aujourd'hui un social-démocrate de tendance écologiste et toujours farouchement anticommuniste, est à cet égard révélatrice.

Voilà pour ce soir. Je continuerai demain mon voyage dans la culture social-démocrate française.


Bonne soirée.

2 Comments:

  • Il manquait effectivement un rassemblement de la collection culturelle désignant la sociale démocratie. Ce n'est pas façile à cerner, car elle est fluide, du fait qu'elle s'appuie sur le réformise, elle ne se fige pas dans un aspect structurel fermé, et se définie plus par ce qu'elle ne veut pas que par une identité nette. Elle laisse ouverte la porte vers tous les possibles qui peuvent enrichir l'homme, tant intellectuellement que financièrement.

    Elle rejette le communisme, pensée barbare qui consiste à tuer pour s'emparer des richesses existantes afin d'en faire une nouvelle distribution, la grosse part pour les apparatchicks, les miettes pour les autres. Par communisme, on rassemble tous ceux qui utilisent le prétexte marxiste pour spolier l'usage du pouvoir, maoïsme, guevaisme, castrisme, trotskisme...

    Evidement, qu'aux yeux de ces crétins elle passe pour une traitrise envers la « belle, pure, unique et sanglante révolutionne ».

    Si on se sert d'une référence freudienne, la sociale démocratie est une pulsion de vie, Eros, car la vie avance dans un but que nous ne pouvons pas définir à l'avance, alors que le communisme est une pulsion de mort, Thanatos, car il se borne à faire « la révolutionne », instant clos sur lui-même, débauche criminelle sadienne exutoire qui relache d'un bloc les frustrations emmagasinées avant de finir en déliquescence.

    Mai 68 a eu cet effet dévastateur pour le communisme, car il a détourné l'objectif qu'il affichait, la plage était plus tentante que le pouvoir et ensuite démerdez -vous... ;-)

    Comme vous le savez, je suis venu à la politique, au PS et à la Sociale Démocratie par le biais de DSK. Je n'ai pas trouvé de faille dans son discours. Il a ensuite fait l'Euro. Les emplois de proximité étaient un bon départ, et il reconnaît que le placage des 35 heures, s'il était un progrès pour les travailleurs ne devaient pas se faire par la loi mais par la négociation. Savoir reconnaître ses erreurs permet de les surpasser.

    Au poste de directeur du FMI, il peut organiser le développement mondial de la richesse, préalable nécéssaire à une redistribution sociale envers ceux qui en ont besoin, et mise en place de services publics de qualité ouverts à tous. Nous avons donc toutes les cartes en main.

    By Blogger jpbb, at 10:49 AM  

  • Social-démocratie/communisme = eros/thanatos, c'est intéressant ... Je vous donne rendez-vous dans quelques heures où je réfléchirai à la "sexualité social-démocrate" (mais oui, c'est sérieux!) en relisant "Les Particules élémentaires" de Michel Houellebecq.

    By Blogger Emmanuel Mousset, at 12:55 PM  

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