Mélenchon, c'est fini!
Il faut absolument que vous lisiez, comme je viens de le faire, le dernier livre de Jean-Luc Mélenchon, "En quête de gauche" (il y a vaguement un jeu de mots dans ce titre), paru chez Balland. Après, vous serez entièrement guéri de toute tentation de rejoindre l'aile gauche du PS, dont Jean-Luc est sans doute l'un des représentants les plus talentueux.
Le premier chapitre a le mérite de la clarté: "La social-démocratie, c'est fini". Mélenchon ne fait pas dans la dentelle: c'est un "désastre social" (p. 21) et une "corruption morale" (p. 73). Mais que reproche-t-il donc à la social-démocratie pour qu'elle s'attire de telles critiques? "Depuis une dizaine d'années, les sociaux-démocrates de toute l'Europe démantèlent méthodiquement l'Etat social qu'ils avaient contribué à bâtir en un siècle de compromis et de rapports de forces" (p. 21).
Voilà l'étrange théorie de Mélenchon: il trouve que la social-démocratie s'est très bien comportée pendant un siècle (ce n'est pas rien, tout de même), mais qu'elle a failli à sa mission à la fin des années 90, lorsqu'une grande majorité des pays d'Europe se sont donnés des gouvernements sociaux-démocrates. Alors, Mélenchon leur reproche en vrac: la libéralisation de l'économie, l'avancée du départ à la retraite, la suppression de l'impôt sur la fortune (au Danemark), la fiscalité qui prend aux pauvres pour donner aux riches (en Angleterre, Robin des Bois à l'envers) et, tenez-vous bien, le chèque éducation en Suède qu'on ne retrouve en France que chez De Villiers et Le Pen (p. 30). Bref, social-démocratie, droite et extrême droite, c'est "du pareil au même", comme Chevènement disait de Jospin en 2002.
Et s'il n'y avait que l'Europe! La social-démocratie répand aussi ses méfaits, selon Mélenchon, en Amérique latine, où elle va jusqu'à faire tirer sur la foule (au Vénézuela et en Bolivie). Mais qu'est-ce qui convient à Jean-Luc en matière de socialisme? Chavez, qu'il défend en une seule phrase (pp. 63 et 64): "La politique de Chavez a permis 7 points de croissance annuelle et 10 points de pauvreté en moins". Et c'est tout! Alors que 90 pages sont consacrées à démolir la social-démocratie, à la manière d'un procureur, sans jamais tenter un bilan objectif et exhaustif. On pourrait penser aussi que Mélenchon s'intéresse à Lula et au Brésil. Non, pas un mot, pas une analyse. Comme si la politique brésilienne, qu'on peut qualifier de social-démocrate, le gênait. Bref, ce chapitre est partiel et partial.
Il y a pourtant, parfois, rarement, de bonnes choses dans ce livre: "Ma thèse est que la stratégie traditionnelle de la social-démocratie est historiquement mise hors jeu par la mutation du capitalisme de notre temps. Dès lors, après avoir tenté de résister, les sociaux-démocrates ont accompagné le mouvement. Maintenant, ils le précèdent" (p. 74).
Je passe sur l'exagération finale. Il est vrai que la social-démocratie est en crise, qu'elle doit évoluer et qu'elle n'y parviendra que si elle s'extrait du cadre national qui a présidé à son apparition. Mélenchon rappelle que le premier drame de la social-démocratie a été son ralliement au bellicisme en 1914, mais il oublie de préciser que ce ralliement a été le fait d'à peu près toute la gauche, y compris des anarchistes et des socialistes révolutionnaires (relisez mon billet "La Mémoire des vaincus").
Bref, quelques réflexions pertinentes en fin de chapitre, mais que de caricature et d'injustice à l'égard de la social-démocratie! A tel point qu'on sort de cette lecture encore plus social-démocrate qu'on y était entré. Merci Jean-Luc.
Bon après-midi.
Le premier chapitre a le mérite de la clarté: "La social-démocratie, c'est fini". Mélenchon ne fait pas dans la dentelle: c'est un "désastre social" (p. 21) et une "corruption morale" (p. 73). Mais que reproche-t-il donc à la social-démocratie pour qu'elle s'attire de telles critiques? "Depuis une dizaine d'années, les sociaux-démocrates de toute l'Europe démantèlent méthodiquement l'Etat social qu'ils avaient contribué à bâtir en un siècle de compromis et de rapports de forces" (p. 21).
Voilà l'étrange théorie de Mélenchon: il trouve que la social-démocratie s'est très bien comportée pendant un siècle (ce n'est pas rien, tout de même), mais qu'elle a failli à sa mission à la fin des années 90, lorsqu'une grande majorité des pays d'Europe se sont donnés des gouvernements sociaux-démocrates. Alors, Mélenchon leur reproche en vrac: la libéralisation de l'économie, l'avancée du départ à la retraite, la suppression de l'impôt sur la fortune (au Danemark), la fiscalité qui prend aux pauvres pour donner aux riches (en Angleterre, Robin des Bois à l'envers) et, tenez-vous bien, le chèque éducation en Suède qu'on ne retrouve en France que chez De Villiers et Le Pen (p. 30). Bref, social-démocratie, droite et extrême droite, c'est "du pareil au même", comme Chevènement disait de Jospin en 2002.
Et s'il n'y avait que l'Europe! La social-démocratie répand aussi ses méfaits, selon Mélenchon, en Amérique latine, où elle va jusqu'à faire tirer sur la foule (au Vénézuela et en Bolivie). Mais qu'est-ce qui convient à Jean-Luc en matière de socialisme? Chavez, qu'il défend en une seule phrase (pp. 63 et 64): "La politique de Chavez a permis 7 points de croissance annuelle et 10 points de pauvreté en moins". Et c'est tout! Alors que 90 pages sont consacrées à démolir la social-démocratie, à la manière d'un procureur, sans jamais tenter un bilan objectif et exhaustif. On pourrait penser aussi que Mélenchon s'intéresse à Lula et au Brésil. Non, pas un mot, pas une analyse. Comme si la politique brésilienne, qu'on peut qualifier de social-démocrate, le gênait. Bref, ce chapitre est partiel et partial.
Il y a pourtant, parfois, rarement, de bonnes choses dans ce livre: "Ma thèse est que la stratégie traditionnelle de la social-démocratie est historiquement mise hors jeu par la mutation du capitalisme de notre temps. Dès lors, après avoir tenté de résister, les sociaux-démocrates ont accompagné le mouvement. Maintenant, ils le précèdent" (p. 74).
Je passe sur l'exagération finale. Il est vrai que la social-démocratie est en crise, qu'elle doit évoluer et qu'elle n'y parviendra que si elle s'extrait du cadre national qui a présidé à son apparition. Mélenchon rappelle que le premier drame de la social-démocratie a été son ralliement au bellicisme en 1914, mais il oublie de préciser que ce ralliement a été le fait d'à peu près toute la gauche, y compris des anarchistes et des socialistes révolutionnaires (relisez mon billet "La Mémoire des vaincus").
Bref, quelques réflexions pertinentes en fin de chapitre, mais que de caricature et d'injustice à l'égard de la social-démocratie! A tel point qu'on sort de cette lecture encore plus social-démocrate qu'on y était entré. Merci Jean-Luc.
Bon après-midi.
3 Comments:
C'est normal qu'il tente le tout pour le tout, il est complètement laminé au fond de l'impasse. Il existe des cas limites, même en politique, quand la passion l'emporte sur le raisonnement. C'est de l'ordre du folklore. :-)
By jpbb, at 7:16 PM
Un bon post de François Hollande sur le forum de la Rénovation du PS:
http://forumsdelarenovation.parti-socialiste.fr/read.php?11,1685,2666#msg-2666
Clair et net. ;-)
By jpbb, at 7:19 PM
Certes, mais j'ai une véritable estime morale pour Mélenchon. Ce n'est pas un poseur, un suiveur, un opportuniste. Il se trompe, mais avec sincérité, il va au bout de ses convictions (même si elles le mènent trop loin à mon goût).
By Emmanuel Mousset, at 8:13 PM
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