Les particules réactionnaires.
Je reprends la lecture des Particules élémentaires, avec un nouvel extrait que je soumets à votre réflexion et qui porte sur la "libération sexuelle", considérée par Michel Houellebecq comme la marque de fabrique de Mai 1968 (il n'a pas entièrement tort mais le mouvement ne s'arrête tout de même pas là ni ne commence):
"Il est piquant de constater que cette "libération sexuelle" a parfois été présentée sous la forme d'un rêve communautaire, alors qu'il s'agissait en réalité d'un nouveau palier dans la montée historique de l'individualisme. Comme l'indique le beau mot de "ménage", le couple et la famille représentaient le dernier îlot de communisme primitif au sein de la société libérale. La libération sexuelle eut pour effet la destruction de ces communautés intermédiaires, les dernières à séparer l'individu du marché. Ce processus de destruction se poursuit de nos jours." (page 144)
Cet extrait est précédé d'une date, le 14 décembre 1967, qui pour Houellebecq est l'acte de naissance de la "libération sexuelle", qui auparavant existait, mais minoritairement, chez les cadres supérieurs, professions libérales, artistes et certains patrons de PME (dixit l'auteur, toujours page 144).
Autant vous dire d'emblée que je suis en profond désaccord sur cette interprétation de la "libération sexuelle":
- Laisser croire qu'elle serait de nature bourgeoise (si j'en crois les catégories sociales évoquées), c'est confondre l'orgie et la libération sexuelle, l'adultère et l'union libre, la prostituée et la femme libérée. La partouze, qui a toujours existé, en tout milieu (et pas seulement bourgeois, contrairement au fantasme ordinaire), n'a rien de soixante-huitarde.
- Présenter la famille comme le lieu du "communisme primitif" est évidemment excessif, pour ne pas dire erroné. La famille n'a rien de "communiste", pas même "primitif". Elle a été longtemps, elle est un peu moins depuis 1968 un cercle fermé, hiérarchisé, autoritaire, aliéné par le travail, soumis à la morale et souvent à la religion, que beaucoup rêvaient de fuir. Ce n'est pas un hasard si la famille est une valeur-clé de toutes les propagandes réactionnaires.
- Le mouvement des années 60 ne détruit pas les "communautés intermédiaires", il n'est absolument pas individualiste au sens où l'entend Houellebecq. Au contraire, il est profondément communautaire, il réinvente la communauté sur des bases progressistes, égalitaires, libres. Voyez le mouvement hippie, voyez le militantisme gauchiste.
- Michel Houellebecq oppose l'individualisme (qu'il juge toujours négativement et qu'il replie sans cesse sur le libéralisme économique) et le "rêve communautaire". Mais le mouvement progressiste, dans ce qu'il a de plus profond et dont Mai 68 est l'une des expressions, consiste précisément à bâtir une société nouvelle dans laquelle l'homme sera libre. Il n'oppose donc pas l'individu et la société, il réclame un individu émancipé dans une société libérée. Karl Marx le dit à sa façon, à la fin du chapitre II du "Manifeste du Parti communiste":
"A la place de l'ancienne société bourgeoise, avec ses classes et ses antagonismes de classe, surgit une association où le libre développement de chacun est la condition du libre développement de tous." (page 54, éditions Nathan)
Relisez et méditez le sens de ces derniers mots. Le progrès est du côté de l'individu moderne et de la société libérée, un progrès par définition en construction, non exempt de défauts mais tirant l'humanité dans le bon sens, et pas du côté de ce que suggère Houellebecq, un illusoire "communisme primitif" qui est en réalité un authentique rêve réactionnaire.
Bonne fin d'après-midi.
"Il est piquant de constater que cette "libération sexuelle" a parfois été présentée sous la forme d'un rêve communautaire, alors qu'il s'agissait en réalité d'un nouveau palier dans la montée historique de l'individualisme. Comme l'indique le beau mot de "ménage", le couple et la famille représentaient le dernier îlot de communisme primitif au sein de la société libérale. La libération sexuelle eut pour effet la destruction de ces communautés intermédiaires, les dernières à séparer l'individu du marché. Ce processus de destruction se poursuit de nos jours." (page 144)
Cet extrait est précédé d'une date, le 14 décembre 1967, qui pour Houellebecq est l'acte de naissance de la "libération sexuelle", qui auparavant existait, mais minoritairement, chez les cadres supérieurs, professions libérales, artistes et certains patrons de PME (dixit l'auteur, toujours page 144).
Autant vous dire d'emblée que je suis en profond désaccord sur cette interprétation de la "libération sexuelle":
- Laisser croire qu'elle serait de nature bourgeoise (si j'en crois les catégories sociales évoquées), c'est confondre l'orgie et la libération sexuelle, l'adultère et l'union libre, la prostituée et la femme libérée. La partouze, qui a toujours existé, en tout milieu (et pas seulement bourgeois, contrairement au fantasme ordinaire), n'a rien de soixante-huitarde.
- Présenter la famille comme le lieu du "communisme primitif" est évidemment excessif, pour ne pas dire erroné. La famille n'a rien de "communiste", pas même "primitif". Elle a été longtemps, elle est un peu moins depuis 1968 un cercle fermé, hiérarchisé, autoritaire, aliéné par le travail, soumis à la morale et souvent à la religion, que beaucoup rêvaient de fuir. Ce n'est pas un hasard si la famille est une valeur-clé de toutes les propagandes réactionnaires.
- Le mouvement des années 60 ne détruit pas les "communautés intermédiaires", il n'est absolument pas individualiste au sens où l'entend Houellebecq. Au contraire, il est profondément communautaire, il réinvente la communauté sur des bases progressistes, égalitaires, libres. Voyez le mouvement hippie, voyez le militantisme gauchiste.
- Michel Houellebecq oppose l'individualisme (qu'il juge toujours négativement et qu'il replie sans cesse sur le libéralisme économique) et le "rêve communautaire". Mais le mouvement progressiste, dans ce qu'il a de plus profond et dont Mai 68 est l'une des expressions, consiste précisément à bâtir une société nouvelle dans laquelle l'homme sera libre. Il n'oppose donc pas l'individu et la société, il réclame un individu émancipé dans une société libérée. Karl Marx le dit à sa façon, à la fin du chapitre II du "Manifeste du Parti communiste":
"A la place de l'ancienne société bourgeoise, avec ses classes et ses antagonismes de classe, surgit une association où le libre développement de chacun est la condition du libre développement de tous." (page 54, éditions Nathan)
Relisez et méditez le sens de ces derniers mots. Le progrès est du côté de l'individu moderne et de la société libérée, un progrès par définition en construction, non exempt de défauts mais tirant l'humanité dans le bon sens, et pas du côté de ce que suggère Houellebecq, un illusoire "communisme primitif" qui est en réalité un authentique rêve réactionnaire.
Bonne fin d'après-midi.
3 Comments:
Emmanuel,
Rien à voir avec ton article, mais on me parle d'une pétition interne au PS lancée par le courant DSK et demandant un conseil national extraordinaire. Es tu au courant et si oui, peux tu m'indiquer où trouver cette pétition?
Sylvain
By Anonyme, at 10:25 AM
houellebecq pousse le trait mais il n'a pas tort :
la libération sexuelle est purement bourgeoise. seuls les oisifs, les bovaristes, les intellectuels, les frustrés par l'éducation revendiquent cette libération . dans le milieu populaire , elle a toujours existé cf zola, mark twain.
la famille est du communisme primaire, 1 kolkoz. une pensée unique, hermétique, mise en commun des moyens mais surtout obligation de moyen et de résultat pour les membres de la famille.
1968 a fédéré l'égoïté, certes notion confidentielle, mais représentative de l'individu post 68ard et post hippie.
nous vivons dans 1 société de "réac" décadents.
et houellebecq se déculpabilise grâce à ses textes. VAL
By Anonyme, at 10:52 AM
Non Sylvain, je n'ai pas entendu parler de cette pétition. Je pense que je le saurais si elle existait.
Info: je serai demain dimanche à Château, en tant que président de la FOL, à 16h30, pour le spectacle "Allons Enfants", au Palais des Rencontres.
By Emmanuel Mousset, at 10:04 PM
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