Mai, maudit ou joli?
Autant je suis d'accord avec la description que fait Michel Houellebecq de la "sexualité social-démocrate" (voir mon billet d'hier), autant je ne partage pas l'idée qu'il se fait de Mai 1968 et de la révolution des mentalités qu'il a engendrée. De ce point de vue, on peut dire, sans esprit polémique, objectivement, que l'écrivain est moralement un réactionnaire. La nostalgie et le passéisme pointent à de nombreux endroits du roman, par exemple pages 115 et 116, où il fait l'éloge de l' "esprit de dévouement et d'amour" des femmes d'autrefois.
Sur Mai 68 et la "libération sexuelle", Houellebecq réduit le mouvement à un défoulement des instincts, une désinhibition des pulsions qui ne peut que produire la sauvagerie et même la barbarie. Finalement, il nous dit de façon un peu plus sophistiquée ce qu'on entend parfois autour de soi: la perte des repères, la faillite de l'autorité, la banalisation de la pornographie, la découverte horrifiée de la pédophilie, c'est la faute à 68, tout vient de ce maudit mois de Mai. Houellebecq va jusqu'à établir une filiation logique et naturelle entre les hippies des années 60 et les serial killers des années 90 (!):
"Actionnistes viennois, beatniks, hippies et tueurs en série se rejoignaient en ce qu'ils étaient des libertaires intégraux, qu'ils prônait l'affirmation intégrale des droits de l'individu face à toutes les normes sociales, à toutes les hypocrisies que constituaient selon eux la morale, le sentiment, la justice et la pitié. En ce sens Charles Manson n'était nullement une déviation monstrueuse de l'expérience hippie, mais son aboutissement logique." (pp. 261-262)
Et savez-vous qui sont, pour Houellebecq, les pères de cette violence soixante-huitarde (par cet adjectif, j'entends l'esprit contestataire mondial des années 60 et 70, et pas les groupuscules marxistes-léninistes de la Sorbonne)? Sade et Napoléon, l'un et l'autre étant des modèles de domination, de toute-puissance, de libération de soi (pp. 259-260)! Je comprends le raisonnement, mais c'est un sophisme: dans cette logique un peu tordue, pourquoi ne pas établir un lien entre Hitler, qui ne s'interdisait pas d'être antisémite, et Cohn-Bendit, qui soutenait qu'il était "interdit d'interdire"! Trop facile, pas sérieux, et j'ai envie de dire: littéraire, pas philosophique, pas politique. Mais Houellebecq peut tout se permettre, c'est un artiste, un écrivain, ce n'est pas un penseur, même si des pensées (fausses, en tout cas très contestables) s'expriment dans ses fictions.
Le mouvement des années 60, et notamment ce qu'on a appelé la "libération sexuelle", ne mérite pas une telle condamnation. Il faut même s'en faire le défenseur. Nous lui devons beaucoup, et le contraire de ce que lui reproche Houellebecq: la sexualité "libérée" n'est pas violente mais au contraire consentante, elle va de pair avec une autre libération, celles des femmes. Je n'ai jamais lu ou entendu un soixante-huitard défendre le viol ou se réjouir des femmes battues! En revanche, avant les années 60, ces actes, de même que la pédophilie, rencontraient l'indulgence coupable et criminelle d'une bonne partie de l'opinion. Non, Houellebecq, les drames contemporains ne surgissent pas de "l'esprit de Mai", le "bon vieux temps" d'avant 68 n'était pas si bon que ça ...
Maudit mois de Mai? Non, joli mois de Mai.
Bon après-midi.
Sur Mai 68 et la "libération sexuelle", Houellebecq réduit le mouvement à un défoulement des instincts, une désinhibition des pulsions qui ne peut que produire la sauvagerie et même la barbarie. Finalement, il nous dit de façon un peu plus sophistiquée ce qu'on entend parfois autour de soi: la perte des repères, la faillite de l'autorité, la banalisation de la pornographie, la découverte horrifiée de la pédophilie, c'est la faute à 68, tout vient de ce maudit mois de Mai. Houellebecq va jusqu'à établir une filiation logique et naturelle entre les hippies des années 60 et les serial killers des années 90 (!):
"Actionnistes viennois, beatniks, hippies et tueurs en série se rejoignaient en ce qu'ils étaient des libertaires intégraux, qu'ils prônait l'affirmation intégrale des droits de l'individu face à toutes les normes sociales, à toutes les hypocrisies que constituaient selon eux la morale, le sentiment, la justice et la pitié. En ce sens Charles Manson n'était nullement une déviation monstrueuse de l'expérience hippie, mais son aboutissement logique." (pp. 261-262)
Et savez-vous qui sont, pour Houellebecq, les pères de cette violence soixante-huitarde (par cet adjectif, j'entends l'esprit contestataire mondial des années 60 et 70, et pas les groupuscules marxistes-léninistes de la Sorbonne)? Sade et Napoléon, l'un et l'autre étant des modèles de domination, de toute-puissance, de libération de soi (pp. 259-260)! Je comprends le raisonnement, mais c'est un sophisme: dans cette logique un peu tordue, pourquoi ne pas établir un lien entre Hitler, qui ne s'interdisait pas d'être antisémite, et Cohn-Bendit, qui soutenait qu'il était "interdit d'interdire"! Trop facile, pas sérieux, et j'ai envie de dire: littéraire, pas philosophique, pas politique. Mais Houellebecq peut tout se permettre, c'est un artiste, un écrivain, ce n'est pas un penseur, même si des pensées (fausses, en tout cas très contestables) s'expriment dans ses fictions.
Le mouvement des années 60, et notamment ce qu'on a appelé la "libération sexuelle", ne mérite pas une telle condamnation. Il faut même s'en faire le défenseur. Nous lui devons beaucoup, et le contraire de ce que lui reproche Houellebecq: la sexualité "libérée" n'est pas violente mais au contraire consentante, elle va de pair avec une autre libération, celles des femmes. Je n'ai jamais lu ou entendu un soixante-huitard défendre le viol ou se réjouir des femmes battues! En revanche, avant les années 60, ces actes, de même que la pédophilie, rencontraient l'indulgence coupable et criminelle d'une bonne partie de l'opinion. Non, Houellebecq, les drames contemporains ne surgissent pas de "l'esprit de Mai", le "bon vieux temps" d'avant 68 n'était pas si bon que ça ...
Maudit mois de Mai? Non, joli mois de Mai.
Bon après-midi.
2 Comments:
hoellebecq est 1 écrivain, 1 romancier. sa démarche est tout dans la provoc, il ne faut pas dans son cas trés précis aller chercher 1 pensée philosophique. ses bouquins sont de la littérature 1 point c'est tout. VAL
By Anonyme, at 3:19 PM
- De la provocation sans doute, mais au bon sens du terme, pas gratuite, pas bêbête.
- Il n'y a pas étanchéité absolue entre littérature et philosophie. Prends Victor Hugo, c'est de la littérature pleine de réflexions qu'on peut qualifier de philosophiques.
By Emmanuel Mousset, at 9:07 AM
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