L'individualisme-roi.
C'est une banalité que de dire l'importance inédite de l'individualisme dans notre société. Mais souvent, on le dit mal, dans une perspective de dénonciation morale, en assimilant l'individualisme à l'égoïsme ou au narcissisme. C'est un tort. La nature humaine a toujours été égoïste et vaniteuse, ce comportement ne date pas d'aujourd'hui. Ce n'est pas l'approche psychologique qui est intéressante, c'est l'approche politique, qui consiste à démontrer que l'individualisme moderne est un produit non de l'homme mais de la société (qui, du coup, influence l'homme).
Je vais illustrer mon idée par un petit exemple comme je les aime, car ils valent de grandes analyses (il faut en fait les deux). Lors de ma dernière réunion de section, j'expliquais le point de vue que vous connaissez bien pour l'avoir plusieurs fois présenté, la candidature unanime et concertée en vue des municipales, unanime parce que concertée. La concertation a eu lieu en septembre, j'ai discuté avec plusieurs camarades mais je ne pouvais pas discuter avec chacun (nous ne sommes pas très nombreux mais tout de même suffisamment pour que je ne puisse pas contacter chacun). Eh bien, deux camarades m'ont reproché de ne pas les avoir contactés, de ne pas avoir demandé leur avis sur le principe de la candidature unanime et concertée. Que j'ai parlé à certains mais pas à chacun, et surtout pas à ... eux, cela a réveillé leur individualisme: pourquoi les autres, et moi, et moi, et moi (comme chantait Jacques Dutronc au début de la société individualiste, à la fin des années 60!)? Pourtant, ces deux camarades connaissaient mon point de vue, je l'évoquais depuis un an, je l'ai rappelé lors de la réunion de section de septembre. Mais je l'ai fait collectivement, en m'adressant à tous: l'individualiste moderne veut qu'on pense et qu'on s'adresse à lui en particulier, individuellement.
Après l'exemple (et je pourrais vous donner des dizaines d'autres comportements individualistes), je vous propose mon analyse, qui n'est pas psychologique mais sociologique (et là, je généralise bien entendu, je quitte mon exemple):
1- Avec le retrait historique des religions, l'individu n'a plus l'éternité pour escompter s'épanouir et accéder au bonheur. Par nécessité, il se replie sur sa "petite vie", sur sa courte vie, qui prend donc une importance, une valeur exceptionnelles. Face à Dieu, l'individu n'était pas grand chose, il se faisait tout "petit". Sans Dieu, l'individu occupe toute la place. Le déclin des religions a fait de chacun d'entre nous un petit Dieu.
2- La perte du sens collectif a elle aussi surdéveloppé, surdimensionné l'ego de chacun. Il y a un siècle, l'individu comptait peu au regard de la patrie (combien partaient à la guerre dans l'allègresse!) ou du prolétariat (la fierté d'être ouvrier, de participer à un mouvement historique, et pas, comme aujourd'hui, la fierté d'être soi-même!). De nos jours, plus personne n'accepterait de sacrifier sa "petite" personne à une cause collective (même participer à une réunion syndicale ou politique en soirée est devenue difficile à l'individualiste moderne).
3- La psychologie, science moderne, a convaincu chacun d'entre nous qu'il était un individu unique, original, digne d'intérêt, disposant d'une richesse intérieure considérable et incomparable. Bien sûr, ces présupposés sont très discutables. Quand on voit le nombre d'individus qui n'ont rien de personnel à dire, qui se contentent de répéter ce que disent les autres, dont la vie intérieure est d'une grande pauvreté, on reste plutôt perplexe . Toujours est-il qu'une société qui répète à chacun combien il est formidable et unique en son genre ne peut que favoriser un individualisme arrogant et dominant (regardez le comportement des enfants et ce qu'en fait, hélas, la société individualiste).
Avant de vous quitter, j'apporte une précision qui évitera un éventuel malentendu: l'individualisme a du bon, et je préfère une société qui met en son centre l'individu que, comme autrefois, Dieu, la Patrie ou le Roi. Mais en même temps, il faut reconnaitre que l'individualisme pose politiquement quelques problèmes, puisque la politique, jusqu'à nouvel ordre, c'est la gestion du collectif et pas de l'individuel.
Bon après-midi.
Je vais illustrer mon idée par un petit exemple comme je les aime, car ils valent de grandes analyses (il faut en fait les deux). Lors de ma dernière réunion de section, j'expliquais le point de vue que vous connaissez bien pour l'avoir plusieurs fois présenté, la candidature unanime et concertée en vue des municipales, unanime parce que concertée. La concertation a eu lieu en septembre, j'ai discuté avec plusieurs camarades mais je ne pouvais pas discuter avec chacun (nous ne sommes pas très nombreux mais tout de même suffisamment pour que je ne puisse pas contacter chacun). Eh bien, deux camarades m'ont reproché de ne pas les avoir contactés, de ne pas avoir demandé leur avis sur le principe de la candidature unanime et concertée. Que j'ai parlé à certains mais pas à chacun, et surtout pas à ... eux, cela a réveillé leur individualisme: pourquoi les autres, et moi, et moi, et moi (comme chantait Jacques Dutronc au début de la société individualiste, à la fin des années 60!)? Pourtant, ces deux camarades connaissaient mon point de vue, je l'évoquais depuis un an, je l'ai rappelé lors de la réunion de section de septembre. Mais je l'ai fait collectivement, en m'adressant à tous: l'individualiste moderne veut qu'on pense et qu'on s'adresse à lui en particulier, individuellement.
Après l'exemple (et je pourrais vous donner des dizaines d'autres comportements individualistes), je vous propose mon analyse, qui n'est pas psychologique mais sociologique (et là, je généralise bien entendu, je quitte mon exemple):
1- Avec le retrait historique des religions, l'individu n'a plus l'éternité pour escompter s'épanouir et accéder au bonheur. Par nécessité, il se replie sur sa "petite vie", sur sa courte vie, qui prend donc une importance, une valeur exceptionnelles. Face à Dieu, l'individu n'était pas grand chose, il se faisait tout "petit". Sans Dieu, l'individu occupe toute la place. Le déclin des religions a fait de chacun d'entre nous un petit Dieu.
2- La perte du sens collectif a elle aussi surdéveloppé, surdimensionné l'ego de chacun. Il y a un siècle, l'individu comptait peu au regard de la patrie (combien partaient à la guerre dans l'allègresse!) ou du prolétariat (la fierté d'être ouvrier, de participer à un mouvement historique, et pas, comme aujourd'hui, la fierté d'être soi-même!). De nos jours, plus personne n'accepterait de sacrifier sa "petite" personne à une cause collective (même participer à une réunion syndicale ou politique en soirée est devenue difficile à l'individualiste moderne).
3- La psychologie, science moderne, a convaincu chacun d'entre nous qu'il était un individu unique, original, digne d'intérêt, disposant d'une richesse intérieure considérable et incomparable. Bien sûr, ces présupposés sont très discutables. Quand on voit le nombre d'individus qui n'ont rien de personnel à dire, qui se contentent de répéter ce que disent les autres, dont la vie intérieure est d'une grande pauvreté, on reste plutôt perplexe . Toujours est-il qu'une société qui répète à chacun combien il est formidable et unique en son genre ne peut que favoriser un individualisme arrogant et dominant (regardez le comportement des enfants et ce qu'en fait, hélas, la société individualiste).
Avant de vous quitter, j'apporte une précision qui évitera un éventuel malentendu: l'individualisme a du bon, et je préfère une société qui met en son centre l'individu que, comme autrefois, Dieu, la Patrie ou le Roi. Mais en même temps, il faut reconnaitre que l'individualisme pose politiquement quelques problèmes, puisque la politique, jusqu'à nouvel ordre, c'est la gestion du collectif et pas de l'individuel.
Bon après-midi.
4 Comments:
je ne dirai pas que l'homme est égoïste c'est pire il est égoïque.
VAL
By Anonyme, at 1:42 PM
Egoïque? Ce mot figure-t-il dans le dictionnaire? Je connais égocentrique... VAL aime peut-être les néologismes...
By Emmanuel Mousset, at 5:48 PM
eh oui ce mot existe
cf ce qui suit
Le développement de la conscience
En 1980, Ken Wilber, un théoricien incontournable en psychologie transpersonnelle, décrit avec précision un nouveau modèle d'évolution de la conscience humaine dans un article audacieux intitulé: "The Pre-Trans Fallacy". Dans cet essai, il compare quelques modèles de développement de la conscience dont ceux de Freud et Jung . Wilber propose un modèle différent qui sert de fondement à la psychologie transpersonnelle. Il ne rejette pas les conceptions freudienne et jungienne de la conscience humaine, il les intègre plutôt en reconnaissant l'apport particulier de chacune. Il définit un continuum évolutif plus complet qui nous permet d'établir des ponts entre la psychologie contemporaine tel que nous la connaissons et les traditions mystiques orientales.
Dans son article, Wilber nous met en garde particulièrement sur la possibilité de confondre une régression au stade prépersonnel et une progression vers le stade transpersonnel ou à un niveau de conscience élargi. Le stade prépersonnel que les freudiens ont décrit avec acuité se situe avant le stade égoïque. Il correspond à l'expérience symbiotique du nouveau né qui ne différencie pas sa propre identité de ce qui l'entoure. Les expériences transpersonnelles ne sont pas une régression à ce stade mais plutôt une ouverture sur une plus grande unification avec l'univers à travers la conscience de sa propre identité. Cette progression entraîne des perturbations chez la personne qui peuvent être injustement qualifiées de pathologiques. Dans une approche transpersonnelle, ces perturbations sont plutôt associées à une crise développementale qui se nomme: "crise d'émergence spirituelle".
Les stades égoïque et transpersonnel
L'approche transpersonnelle ne rejette pas l'importance d'une saine identification égoïque et considère même que c'est à partir d'un ego stable et solide que l'être humain peut s'élancer vers les royaumes transpersonnels. Dans la théorie jungienne, le soi transpersonnel existe chez l'être humain dès l'enfance à un niveau inconscient. L'ego est perçu davantage comme une structure dont il faut se libérer pour accéder à la dimension transpersonnelle.
Ken Wilber croit plutôt qu'au point de départ l'être humain possède une conscience indifférenciée et primitive qui correspond au stade prépersonnel freudien. Cette conscience se développe graduellement, passe par le stade de l'identification égoïque et s'élargit ensuite à l'ensemble de la création. La conscience devient collective, universelle, tel que décrite par Jung dans ses ouvrages. Il s'agit du stade de développement ultime de la conscience qui s'apparente à la grâce, l'éveil ou l'illumination dont parlent certaines traditions mystiques.
ce n'est pas de moi mais une copie d'un aricle sur le net
VAL a beaucoup de lettres
MD
By md, at 10:09 PM
Conclusion: on en apprend chaque jour... grâce à VAL et à MD.
By Emmanuel Mousset, at 1:11 PM
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