Badiou, oui et non.
Je vous recommande la lecture d'un entretien avec le philosophe Alain Badiou, dans Le Parisien d'aujourd'hui (page 9). Badiou, je l'ai un peu connu quand j'étais étudiant à Vincennes, pendant l'année universitaire 1979-1980. Ma mémoire n'est pas très puissante mais je me souviens avoir assisté avec lui à la projection d'un film (Badiou s'intéressait au cinéma) dans le XVIème arrondissement de Paris (c'était incongru parce que Badiou était révolutionnaire), film dont je me rappelle seulement quelques images, des mouvements de grues jugés "esthétiques" pour un film je suppose prolétarien. Mais laissons le passé où il est.
Alain Badiou vient de sortir un ouvrage, "De quoi Sarkozy est-il le nom", aux éditions Ligne, qui se vend plutôt bien (15000 exemplaires écoulés en quelques semaines, pas mal). Autant le dire tout de suite: Badiou, ce n'est pas ma tasse de thé. Il a été reçu premier à l'agrégation de philosophie l'année de ma naissance, ok. Mais pour le reste, merci: maoiste sectaire dans les années 70, ne renonçant pas à ses positions radicales encore aujourd'hui, antisocialiste comme il se doit ... Pourtant, j'aime bien ce qu'il nous dit de Sarkozy dans la première partie de son entretien (que voulez-vous, j'ai toujours un faible pour l'intelligence et de la réticence pour la bêtise!).
Badiou voit juste quand il dit qu'avec Sarkozy, il y a "un changement d'époque", qu'il est réellement "l'homme de la rupture". Mais de quelle rupture s'agit-il, là est toute la question, à laquelle Badiou répond fort pertinemment: Sarkozy rompt avec "la période de l'histoire de France issue de la Résistance", sur trois points:
1- Il réunifie la droite et l'extrême droite que de Gaulle avait historiquement opposées.
2- Il consacre "la fin du gaullisme", le dernier gaulliste ayant quitté l'UMP s'appellant Dupont-Aignan.
3- Il met un terme à l'exception française, en remettant en cause les acquis sociaux et en s'alignant sur les américains.
Mais ce tournant politique n'est pas idéologiquement défini. C'est pourquoi, toujours selon Badiou, "nous sommes dans un mouvement d'incertitude politique et Sarkozy est l'homme de cette incertitude." Bien vu. Le ressort de ce tournant, et là encore je suis d'accord avec Badiou, c'est "une tendance lourde du pays qui est la peur de l'avenir." Ce que j'aimais chez DSK et aime encore en lui, c'est la confiance, l'espoir en l'avenir.
A partir de là, je m'éloigne d'Alain Badiou. Le diagnostic oui, le remède non, car il penche nettement vers l'extrême gauche, pas celle de Laguiller et Besancenot, mais des activistes radicaux: "il se reconstitue des minorités de jeunes gens dont la conviction critique est très forte et qui ont une volonté activiste. Ces minorités portent notre avenir." C'est en apparence nébuleux, mais ne faisons pas l'injure à Badiou de ne pas être clair. Je crois qu'il est resté ce qu'il n'a jamais cessé d'être, un maoïste. Je respecte ce choix, je préfère une extrême gauche qui s'assume courageusement que des socialistes qui jouent aux petits révolutionnaires alors que leur seule préoccupation est de savoir combien de places il vont obtenir dans les conseils municipaux. C'est pourquoi je suis aussi finalement d'accord avec cette dernière analyse de Badiou:
"Les socialistes doivent désormais assumer clairement leur choix du libéralisme. Le PS va se rapprocher des sociaux-démocrates européens et des démocrates américains. Ce sera une chance pour une extrême gauche rénovée qui devra, elle aussi, trouver une thématique nouvelle et ne pas être une imitation de feu le Parti communiste."
Très bien Badiou, mais une petite question: depuis quand l'extrême gauche se réclame-t-elle du programme du Conseil national de la Résistance? Ca me fait sourire parce que j'ai l'impresion que c'est plutôt récent, non? Avant, c'est du côté de Trotsky et de Mao qu'elle allait chercher ses références, et pas chez Jean Moulin ...
Bonne nuit.
Alain Badiou vient de sortir un ouvrage, "De quoi Sarkozy est-il le nom", aux éditions Ligne, qui se vend plutôt bien (15000 exemplaires écoulés en quelques semaines, pas mal). Autant le dire tout de suite: Badiou, ce n'est pas ma tasse de thé. Il a été reçu premier à l'agrégation de philosophie l'année de ma naissance, ok. Mais pour le reste, merci: maoiste sectaire dans les années 70, ne renonçant pas à ses positions radicales encore aujourd'hui, antisocialiste comme il se doit ... Pourtant, j'aime bien ce qu'il nous dit de Sarkozy dans la première partie de son entretien (que voulez-vous, j'ai toujours un faible pour l'intelligence et de la réticence pour la bêtise!).
Badiou voit juste quand il dit qu'avec Sarkozy, il y a "un changement d'époque", qu'il est réellement "l'homme de la rupture". Mais de quelle rupture s'agit-il, là est toute la question, à laquelle Badiou répond fort pertinemment: Sarkozy rompt avec "la période de l'histoire de France issue de la Résistance", sur trois points:
1- Il réunifie la droite et l'extrême droite que de Gaulle avait historiquement opposées.
2- Il consacre "la fin du gaullisme", le dernier gaulliste ayant quitté l'UMP s'appellant Dupont-Aignan.
3- Il met un terme à l'exception française, en remettant en cause les acquis sociaux et en s'alignant sur les américains.
Mais ce tournant politique n'est pas idéologiquement défini. C'est pourquoi, toujours selon Badiou, "nous sommes dans un mouvement d'incertitude politique et Sarkozy est l'homme de cette incertitude." Bien vu. Le ressort de ce tournant, et là encore je suis d'accord avec Badiou, c'est "une tendance lourde du pays qui est la peur de l'avenir." Ce que j'aimais chez DSK et aime encore en lui, c'est la confiance, l'espoir en l'avenir.
A partir de là, je m'éloigne d'Alain Badiou. Le diagnostic oui, le remède non, car il penche nettement vers l'extrême gauche, pas celle de Laguiller et Besancenot, mais des activistes radicaux: "il se reconstitue des minorités de jeunes gens dont la conviction critique est très forte et qui ont une volonté activiste. Ces minorités portent notre avenir." C'est en apparence nébuleux, mais ne faisons pas l'injure à Badiou de ne pas être clair. Je crois qu'il est resté ce qu'il n'a jamais cessé d'être, un maoïste. Je respecte ce choix, je préfère une extrême gauche qui s'assume courageusement que des socialistes qui jouent aux petits révolutionnaires alors que leur seule préoccupation est de savoir combien de places il vont obtenir dans les conseils municipaux. C'est pourquoi je suis aussi finalement d'accord avec cette dernière analyse de Badiou:
"Les socialistes doivent désormais assumer clairement leur choix du libéralisme. Le PS va se rapprocher des sociaux-démocrates européens et des démocrates américains. Ce sera une chance pour une extrême gauche rénovée qui devra, elle aussi, trouver une thématique nouvelle et ne pas être une imitation de feu le Parti communiste."
Très bien Badiou, mais une petite question: depuis quand l'extrême gauche se réclame-t-elle du programme du Conseil national de la Résistance? Ca me fait sourire parce que j'ai l'impresion que c'est plutôt récent, non? Avant, c'est du côté de Trotsky et de Mao qu'elle allait chercher ses références, et pas chez Jean Moulin ...
Bonne nuit.
2 Comments:
j'adore badiou!
By Anonyme, at 9:31 PM
La france résistante ET la théorie de la contradiction de MAO ont toujours été des références fortes chez Badiou...
Badiou n'est pas comptable des emblèmes de l'extreme gauche, il n'en est pas le porte parole.
Du reste son "antisocialisme" est largement justifié quand on voit ce qu'est le ps!
By Anonyme, at 9:35 PM
Enregistrer un commentaire
<< Home