Le sens de la laïcité.
Bonjour à toutes et à tous.
BHL, à nouveau, nous fait un très bel article dans la page "Rebonds" de Libération, où il explique que "ces nouveaux fascistes que sont les jihadistes" ont assassiné hier Benazir Bhutto aussi parce qu'elle était "une femme belle", qui avait fait de son visage découvert le symbole de la résistance à l'obscurantisme et au fanatisme islamistes. Ayons ce visage à l'esprit en cette fin d'année. Le philosophe fait une proposition, pour que cette mort ne soit pas vaine, pour que le dernier mot ne revienne pas aux barbares d'une "religion devenue folle": que les chefs d'Etat des pays de démocratie et de tolérance soient présents aux funérailles, qu'ils en fassent une manifestation solennelle pour la paix et la liberté. Nicolas Sarkazo, très prompt à accourir un peu partout, aurait là une noble raison de se précipiter, fût-il le seul à le faire. Sarkozy, que BHL tacle au passage pour son discours de Latran: "l'espérance des peuples est moins dans la foi que dans la démocratie et le droit."
Ce discours de Latran, justement, n'en finit pas de faire des vagues. Après Bayrou avant hier, Le Figaro donne aujourd'hui la parole à Jean-Pierre Raffarin, qui est visiblement en service commandé, l'Elysée ayant mal supporté la sévère critique du leader du MoDem. Un centriste, ancien Premier ministre, qui répond à un autre centriste, on sent la tactique de Sarkozy derrière tout ça, qu'on imagine donnant ses ordres au portable entre deux visites de tombeaux égyptiens et un baiser à Carla Bruni. Donc, Raffarin bon soldat vole au secours du chef de la droite, et il en rajoute, comme il se doit, en y mettant tout de même sa touche personnelle. "Laïcité positive"? Il parle de "laïcité partagée", l'adjectif étant à la mode, pourquoi s'en priver? Ca ne veut pas dire grand chose, puisque la laïcité, principe de la République, est nécessairement "partagée" par tous. A moins qu'il ne faille y déceler un lapsus, "partagée" comme saint Martin a partagé à Amiens son manteau avec un pauvre, c'est-à-dire que la laïcité est dépecée ...
Pas de lapsus possible mais une très grande clarté dans les propos de Raffarin qui suivent: "les religions sont, en amont, des sources pour les normes de la morale publique." C'est la négation philosophique de la laïcité, car celle-ci soustrait la "morale publique" à toute influence religieuse, laissant la morale personnelle se ressourcer où chacun le souhaite, y compris dans une religion, mais pas nécessairement. Emmanuel Kant et plusieurs philosophes des Lumières, tout en respectant la religion, démontrent que la morale peut trouver ses sources ailleurs, dans la conscience humaine. Je n'ai pas besoin d'adhérer à une religion pour adopter un comportement moral. Et j'ajouterai que la grandeur de la religion ne réside pas dans sa dimension morale, plutôt banale, mais dans ses mystères métaphysiques.
Raffarin demande à la laïcité de "sortir du carcan historique dans lequel elle est enfermée." Quel "carcan historique"? Je connais, quant à moi, le cadre historique dans lequel la laïcité est née et s'est développée: la République. Je ne peux pas croire que c'est ce qui gêne Raffarin. Etrange et contradictoire aussi que demander à la morale de se ressourcer dans la religion et de reprocher à la laïcité de se référer à son histoire, qui est considérée comme un "carcan". Mais non, si la laïcité veut garder tout son sens, elle doit s'inspirer de ses origines.
Et pour finir, le pompon, si j'ose dire. Le journaliste pose à Raffarin la question qui tue: "est-ce le rôle du politique de se mêler de questions spirituelles?" N'importe quel citoyen d'une République laïque répondrait sans hésiter: "évidemment non." Que répond l'ancien Premier ministre? "Bien sûr." Et il a beau soutenir qu'il ne voit "pas utile de remettre en cause les fondements de la loi de 1905" (encore heureux!), ses déclarations au Figaro prouvent la déliquescence intellectuelle de la droite à l'égard du concept de laïcité.
Je ne souhaite vraiment pas que Sarkozy, tout à son objectif d'américaniser les moeurs de notre pays, ne veuille aussi le faire dans les rapports entre les autorités publiques et les religions. Quand je vois ce qui se passe en ce moment aux Etats-Unis, où la bataille pour les prochaines présidentielles bat son plein, je suis très inquiet. Ce n'est pas la situation économique ou la guerre en Irak qui sont au coeur des débats, mais les questions religieuses! Il faut dire que parmi les candidats républicains, il y a un mormon et un évangéliste, qui s'affrontent sur la résurrection du Christ. L'Amérique est un grand pays, mais ne l'imitons pas en toute chose.
Bonne journée.
BHL, à nouveau, nous fait un très bel article dans la page "Rebonds" de Libération, où il explique que "ces nouveaux fascistes que sont les jihadistes" ont assassiné hier Benazir Bhutto aussi parce qu'elle était "une femme belle", qui avait fait de son visage découvert le symbole de la résistance à l'obscurantisme et au fanatisme islamistes. Ayons ce visage à l'esprit en cette fin d'année. Le philosophe fait une proposition, pour que cette mort ne soit pas vaine, pour que le dernier mot ne revienne pas aux barbares d'une "religion devenue folle": que les chefs d'Etat des pays de démocratie et de tolérance soient présents aux funérailles, qu'ils en fassent une manifestation solennelle pour la paix et la liberté. Nicolas Sarkazo, très prompt à accourir un peu partout, aurait là une noble raison de se précipiter, fût-il le seul à le faire. Sarkozy, que BHL tacle au passage pour son discours de Latran: "l'espérance des peuples est moins dans la foi que dans la démocratie et le droit."
Ce discours de Latran, justement, n'en finit pas de faire des vagues. Après Bayrou avant hier, Le Figaro donne aujourd'hui la parole à Jean-Pierre Raffarin, qui est visiblement en service commandé, l'Elysée ayant mal supporté la sévère critique du leader du MoDem. Un centriste, ancien Premier ministre, qui répond à un autre centriste, on sent la tactique de Sarkozy derrière tout ça, qu'on imagine donnant ses ordres au portable entre deux visites de tombeaux égyptiens et un baiser à Carla Bruni. Donc, Raffarin bon soldat vole au secours du chef de la droite, et il en rajoute, comme il se doit, en y mettant tout de même sa touche personnelle. "Laïcité positive"? Il parle de "laïcité partagée", l'adjectif étant à la mode, pourquoi s'en priver? Ca ne veut pas dire grand chose, puisque la laïcité, principe de la République, est nécessairement "partagée" par tous. A moins qu'il ne faille y déceler un lapsus, "partagée" comme saint Martin a partagé à Amiens son manteau avec un pauvre, c'est-à-dire que la laïcité est dépecée ...
Pas de lapsus possible mais une très grande clarté dans les propos de Raffarin qui suivent: "les religions sont, en amont, des sources pour les normes de la morale publique." C'est la négation philosophique de la laïcité, car celle-ci soustrait la "morale publique" à toute influence religieuse, laissant la morale personnelle se ressourcer où chacun le souhaite, y compris dans une religion, mais pas nécessairement. Emmanuel Kant et plusieurs philosophes des Lumières, tout en respectant la religion, démontrent que la morale peut trouver ses sources ailleurs, dans la conscience humaine. Je n'ai pas besoin d'adhérer à une religion pour adopter un comportement moral. Et j'ajouterai que la grandeur de la religion ne réside pas dans sa dimension morale, plutôt banale, mais dans ses mystères métaphysiques.
Raffarin demande à la laïcité de "sortir du carcan historique dans lequel elle est enfermée." Quel "carcan historique"? Je connais, quant à moi, le cadre historique dans lequel la laïcité est née et s'est développée: la République. Je ne peux pas croire que c'est ce qui gêne Raffarin. Etrange et contradictoire aussi que demander à la morale de se ressourcer dans la religion et de reprocher à la laïcité de se référer à son histoire, qui est considérée comme un "carcan". Mais non, si la laïcité veut garder tout son sens, elle doit s'inspirer de ses origines.
Et pour finir, le pompon, si j'ose dire. Le journaliste pose à Raffarin la question qui tue: "est-ce le rôle du politique de se mêler de questions spirituelles?" N'importe quel citoyen d'une République laïque répondrait sans hésiter: "évidemment non." Que répond l'ancien Premier ministre? "Bien sûr." Et il a beau soutenir qu'il ne voit "pas utile de remettre en cause les fondements de la loi de 1905" (encore heureux!), ses déclarations au Figaro prouvent la déliquescence intellectuelle de la droite à l'égard du concept de laïcité.
Je ne souhaite vraiment pas que Sarkozy, tout à son objectif d'américaniser les moeurs de notre pays, ne veuille aussi le faire dans les rapports entre les autorités publiques et les religions. Quand je vois ce qui se passe en ce moment aux Etats-Unis, où la bataille pour les prochaines présidentielles bat son plein, je suis très inquiet. Ce n'est pas la situation économique ou la guerre en Irak qui sont au coeur des débats, mais les questions religieuses! Il faut dire que parmi les candidats républicains, il y a un mormon et un évangéliste, qui s'affrontent sur la résurrection du Christ. L'Amérique est un grand pays, mais ne l'imitons pas en toute chose.
Bonne journée.
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