L'Aisne avec DSK

26 décembre 2007

Un drame financier.

Bonsoir à toutes et à tous.

Je vais vous parler de quelque chose qui devait mobiliser la réflexion de tous les socialistes ces derniers mois: la crise dite des "subprimes", c'est-à-dire une crise financière, dont l'origine est immobilière, qui a frappé durement certaines banques américaines en juillet dernier, et qui progressivement, depuis, se répand à travers tout le système financier mondial. Nous socialistes, qui prétendons avec raison jeter un regard critique sur le capitalisme dans un monde qui n'a d'yeux que pour ce système économique, voilà une occasion d'exercer notre réflexion critique et de mettre, par comparaison, en relief une approche socialiste du monde de l'économie.

Que se passe-t-il de si menaçant depuis cet été dans les réseaux financiers mondiaux? C'est un peu complexe parce que ce système, qui devrait être aussi clair que peut et doit l'être une comptabilité, est extrêmement opaque. Au départ, il y a de banales crédits immobiliers accordés à des familles américaines dont les garanties de solvabilité n'ont pas été strictement vérifiées. C'est l'acte 1 de ce drame financier. Les riches, pour s'enrichir encore plus, ne s'adressent plus aux riches mais aux pauvres à qui on promet monts et merveilles grâce au crédit. Celui-ci a un taux variable (une "subprime") qui augmente brusquement et dangereusement, les mensualités ne peuvent plus alors être honorées, il faut revendre la maison, le prix de l'immobilier chute. J'ai moi-même acheté une maison il y a un an (mais en France!) avec un taux de crédit variable selon les cours du marché de l'immobilier, mais ce crédit est encadré, je suis solvable, donc pas de mauvaise surprise (sauf deux ou trois ans de mensualités supplémentaires à régler au bout de mes 25 ans de crédit si les évolutions du marché me sont défavorables). Il n'y a donc pas de comparaison possible avec le système américain.

Donc, les particuliers américains sont floués et l'immobilier s'effondre. C'est là qu'intervient l'acte 2 du drame financier. Les banques, non contentes d'accorder des crédits hypothécaires à risques par le biais de leurs organismes de crédit, ont émis des titres obligataires indexés sur ces crédits, promis à des rémunérations élevées, selon une procédure financière nouvelle, la "titrisation" (le monde de la finance emploie des concepts aussi abstraits et obscurs que celui de la philosophie, c'est pourquoi leur pratique intellectuelle porte un même nom: la spéculation). Ces titres sont dispersés à travers le système bancaire, ils se mêlent à d'autres crédits, personne ne sait plus très bien qui a acheté quoi, la finance est prise dans le vertige d'un monde qui tourne sur lui-même et qui se détache de la réalité.

Mais chassez le réel, il revient au galop, et l'origine de tout ça se rappelle à vos bons souvenirs: ces titres adossés à des crédits immobiliers qui s'effondrent ne trouvent plus d'acheteurs, ne valent plus grand chose, et les banques en pâtissent, ne pouvant plus s'en débarrasser. En cette fin d'année civile où l'on fait ses comptes, certaines banques françaises, pourtant beaucoup mieux protégées du laxisme financier que les banques américaines ou anglaises, comprennent leur douleur. Le Crédit Agricole perd 1,6 milliard d'euros, presque autant que la Banque Populaire et la Caisse d'Epargne. Ma banque, la BNP, est relativement épargnée (301 millions d'euros), ainsi que la Société Générale (401 millions d'euros).

Lever de rideau sur l'acte 3: les banques ont besoin de liquidités, sinon le drame tournera à la tragédie. Les banques centrales viennent à leur aide, dont la BCE traditionnellement décriée par la gauche, qui injecte en quinze jours pas moins de 348 milliards d'euros dans les circuits financiers! Et l'opération sauvetage ne s'arrête pas là: des "fonds souverains", c'est-à-dire des organismes d'investissement appartenant à des Etats étrangers, Abu Dhabi, Singapour, Koweit, offrent leurs services, qui ne sont pas grâcieux, particulièrement opaques et souvent non réciproques. Mais ils ont énormément d'actifs, 3000 milliards de dollars dit-on, et 10000 à l'horizon 2012. Le vertige continue.

Que sera l'acte 4 de ce drame financier? Nul ne le sait, mais ces spéculations vertigineuses finissent toujours par avoir des retombées dans la réalité, en matière de croissance et d'emploi. Un socialiste doit en tirer à son profit, si j'ose dire, quelques bonnes leçons:

1- Le marché financier livré à lui même, sans règle ni contrôle suffisant, est extrêmement dangereux et interdit d'être un libéral pur et dur.

2- Le marché financier ne peut pas se contenter de sa propre rationalité. Le crédit ne doit pas être une simple opération financière, il doit s'accompagner du sentiment de confiance que produit une entière transparence, et ce n'est pas un hasard si un même mot, crédit, désigne un mécanisme et un état d'esprit.

3- Le marché financier est menacé par sa virtualité progressive, son irréalité croissante qui le font basculer dans l'irrationnel. Ce n'est pas tant le crédit qui est fautif, car lui au moins renvoie à des réalités (la propriété d'une maison, une rémunération issue d'un travail), mais ces titres financiers qui renvoient à des crédits évaporés c'est-à-dire à rien, des titres qui eux-mêmes s'évaporent dans le système financier mondial, qui le contaminent et le menacent de mort. Ce marché financier est d'autant plus vulnérable qu'il est interdépendant, ce qui favorise la transmission du virus.

4- Des solutions à court et à moyen terme: sortir les produits financiers douteux des bilans bancaires, les repérer, les isoler; revoir le rôle des trois agences de notation de crédit (qui toutes les trois sont américaines!).

Voilà pour le moment à propos de cette crise financière dont les implications économiques, politiques et même philosophiques sont gigantesques, et sur laquelle je reviendrai durant les vacances.


Bonne soirée.

1 Comments:

  • Nous devons à l'évidence contrôler l'ensemble du monde financier afin qu'il ne nous entraine pas dans sa chute suite à ses errances. Nous devons l'encadrer et donc saquer le néo-libéralisme, et passer du libéralisme au sur-libéralisme. L'argent est au service de l'humain, et non l'inverse.

    By Blogger jpbb, at 9:27 PM  

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