L'Aisne avec DSK

27 janvier 2008

Au loup!

Bonsoir à toutes et à tous.

Cette fin de semaine, dans l'Aisne, nous avons tremblé: les loups sont de retour, ils ont envahi nos campagnes. On les a aperçus près de Noyales jeudi soir, puis vendredi en fin de matinée aux alentours de Bernot, deux petits villages non loin de Guise, à moins de 40 km de Saint-Quentin. J'ai tout de suite pensé à la belle et terrible chanson de Serge Reggiani: "Les loups sont entrés dans Paris." Là, c'est le nord de l'Aisne, mais c'est tout aussi impressionnant. On imagine des hordes, des crocs, des griffes, du sang ... C'est très inquiétant.

Et c'est du sérieux, pas de la légende, puisque les monstres ont été photographiés à Bernot. Ils étaient trois. Les témoins sont des gens dignes de foi, pas des hurluberlus. A Noyales, c'est la première adjointe du maire, Françoise Macaigne, qui a vu les bêtes, mais se demande prudemment si ce ne sont pas des chiens de race husky. Autour de cette localité, ils ont été repérés à trois reprises, mercredi, jeudi soir et vendredi après-midi. La secrétaire de mairie, elle aussi, en témoigne. A Bernot, c'est l'épouse du maire, Madame Duhamel, qui a observé les loups, et elle est "formelle", d'après L'Union de samedi: ce sont des loups! Le journaliste, Michel Mainnevret, conclut ainsi son article:

"La psychose du loup est en train de naître dans le pays Guisard (...). Une arrivée du loup dans l'Aisne, grâce à une migration naturelle, serait un événement scientifique. Ou alors, si loups il y a, proviennent-ils d'un élevage clandestin? Quoi qu'il en soit, le mystère demeure et les inrerrogations et rumeurs vont bon train dans ces villages."

Coïncidence: dimanche dernier, près de Saint-Flour dans le Cantal, deux randonneurs affirment avoir photographié un loup. Des loups partout!?

Pourquoi je vous parle de ça? Parce que, depuis une quinzaine d'années, je m'intéresse à ce phénomène sociologique qu'on appelle la rumeur et j'en suis devenu, à mon petit niveau, un peu un spécialiste. Ce qui signifie que je repère très vite une rumeur, parce que j'en ai étudié les caractéristiques qui permettent de la détecter et de la distinguer de la vérité. Car c'est tout le problème de la rumeur: vraie ou fausse? A Bernot et Noyales, j'ai immédiatemment compris: tout est faux, il n'y a pas de loups, c'est une psychose collective.

Et dans la presse de ce dimanche, j'ai la confirmation de mon intuition. Les "loups" ont été retrouvés, ils s'appellent Urban, Pearl et Kimi, ce sont des chiens de la race loup de Saarloos, , échappés de chez leur propriétaire à Ribemont. Comme ces animaux sont très ... craintifs et totalement inoffensifs, ils fuient les automobiles, les villages et les hommes. La vraie peur n'est pas où on croit!

Quel rapport avec la politique? Eh bien là aussi, les rumeurs sont nombreuses, irrationnelles, déstabilisantes, et obéissent à la même logique que la rumeur du loup, avec trois ressorts principaux:

1- L'ignorance. Dans une société urbanisée, très éloignée de la nature, même dans les campagnes, on ne sait plus distinguer un chien d'un loup.

2- La peur. Le loup, à tort, fait peur. Et c'est cette peur qui nourrit la rumeur, favorise sa propagation. Toute rumeur est négative. Rares sont les rumeurs joyeuses.

3- Le fantasme. Une rumeur n'est pas une vérité, c'est une réalité (il y a des chiens) qui subit une déformation (ce sont des loups). Bref, une rumeur est la projection d'un désir qui tourne au fantasme puisque détaché de toute réalité. Le sens de ce fantasme, c'est l'explication de la rumeur. Dans le cas des loups, c'est la crainte de voir notre société envahie par la barbarie et basculer dans la décadence, dont le loup est le symbole efficace et suggestif.

Reprenez ces trois caractéristiques de la rumeur et appliquez les à la politique, ça fonctionne! A Saint-Quentin, dans certains milieux de gauche très restreints (où la rumeur a donc facilement prise), il se raconte, un intervenant sur ce blog en a été l'exemple, que la liste de gauche ferait 40%! Appliquons mes trois critères:

- L'ignorance: personne ne connait d'avance le résultat, donc c'est la voie ouverte au n'importe quoi.

- La peur: la droite hyper-puissante, dont tout le monde pressent raisonnablement qu'elle va faire un bon résultat et qu'elle sera reconduite, angoisse.

- Le fantasme sur un "bon" score de la gauche: c'est la seule façon de conjurer la probable défaite, d'exorciser la marginalisation du PS après sa stupéfiante alliance avec l'extrême gauche. On croit écarter la défaite en annonçant une pseudo-victoire (car 40%, vous l'aurez remarqué, c'est malgré tout une défaite!).

La rumeur n'est pas le privilège d'une gauche en pleine déconfiture et qui se rassure, psychologiquement, comme elle peut. Quand je lis, dans L'Union de samedi, les propos de Jean-Jacques Delville recueillis par Aurélie Marcotte, je me dis que la rumeur va bon train, de tout côté. Que nous dit le président du karaté club saint-quentinois, conseiller technique régional pour la ligue de Picardie de karaté:

"On voit que la gauche se mobilise pour les municipales mais je pense que les Saint-Quentinois ne vont pas s'y tromper. Vu le travail que Pierre André fait depuis douze ans, j'espère qu'il sera élu au premier tour, avec 65% des voix."

Pourquoi 65%? Là aussi, comme les loups à Bernot et Noyales, comme la liste de gauche qui annonce un bon score, c'est prendre ses désirs pour des réalités. Arrêtons avec nos désirs, intéressons-nous seulement à la réalité.


Bonne soirée.

3 Comments:

  • http://www.liberation.fr/actualite/politiques/legislatives2008/actu/306610.FR.php

    By Anonymous Anonyme, at 9:50 PM  

  • C'est du bourrage de crâne de Michel V, un des derniers dinosaures!!
    Il a toujours été ainsi et qu'est-il devenu!
    MD

    By Blogger md, at 11:08 PM  

  • Attention à ne pas confondre Michel Vignal, responsable axonais du MRC, et François Vignal, journaliste à "Libération".

    By Blogger Emmanuel Mousset, at 6:04 PM  

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