L'Aisne avec DSK

26 janvier 2008

Rien ne va plus.

Bonsoir à toutes et à tous.

Quelle histoire, cette fraude de 4,9 milliards d'euros à la Société Générale! Un jeune homme, Jérôme Kerviel, trader ordinaire, a réussi, tout seul, assez banalement semble-t-il, cette prouesse et ne s'est fait prendre qu'à l'occasion d'un simple contrôle. J'ai à l'esprit un film américain déjà ancien où un adolescent, à partir de son ordinateur dans sa chambre, décrypte les codes d'accès à l'armement atomique et déclenche une guerre nucléaire! On n'en est pas là avec Kerviel mais ça y ressemble un peu. En tout cas, le système financier est sérieusement remis en cause. Existe-t-il d'ailleurs encore un "système" financier? Le contrôle, la maîtrise, la subordination à la volonté collective, qui constituent les caractéristiques de tout système, semblent avoir disparu. Un individu peut parasiter un ensemble complexe, détourner à son profit ses règles.

Comment en est-on arrivé à une telle vulnérabilité? Il faut attendre, tout n'est pas connu. Les spécialistes, notamment ceux réunis en ce moment, coïncidence, au Forum économique mondial de Davos, restent silencieux, sans doute interloqués. Des doutes s'expriment. La Société Générale n'en profiterait-elle pas pour mettre sur le compte de Kerviel ses propres déficiences? La théorie du complot resurgit. Un homme isolé, sans grandes responsabilités au sein du système, peut-il parvenir à un tel résultat sans complicités? La banque, les autorités politiques s'efforcent de nous rassurer: pas d'effondrement en vue, et rien à voir avec la crise des subprimes qui secoue le monde de la finance depuis quelques mois.

Je veux bien, c'est possible. Mais ce que je constate, c'est que le système financier a atteint un tel degré de complexité, de sophistication, d'abstraction, qu'il en devient irréel. Un excès de rationalité l'a fait basculer dans l'irrationalité. Ses dirigeants se réfugient derrière des catégories morales et psychologiques, telles que la "confiance", faisant fi de la doctrine libérale la plus élémentaire qui repose sur l'intérêt individuel et le calcul rationnel. Les socialistes que nous sommes doivent être à la pointe de la critique de ce système financier, à condition de ne pas nous ranger derrière l'anticapitalisme le plus classique, qui en la matière est inopérant. Le problème, ce n'est pas le marché, ni l'exploitation des hommes par la grande industrie, c'est autre chose, de plus pernicieux, qui renvoie à cette irrationalité que je viens de dénoncer.

Le président de la Société Générale a qualifié Jérôme Kerviel de "terroriste". Un terroriste de l'intérieur, en quelque sorte, faisant imploser le système. Pas de morts, mais des milliards qui s'envolent. Pour quel motif? Kerviel s'est-il enrichi? Ou bien a-t-il voulu jouer, entrer dans le jeu du système, jusqu'à l'ivresse et la folie de ce jeu? Voilà où mène une économie qui ressemble de plus en plus à une vaste salle de casino. Mais là, nous pouvons le dire, à la façon des croupiers: rien ne va plus.


Bonne soirée.

11 Comments:

  • Quelle fraude ?

    Un type chargé d'acheter achète une marchandise qui se déprécie avec le temps et quand il la revend fait une perte ? Cela arrive tous les jours, c'est la vie. J'ai bien peur que tu embrayes sur une hallucination collective. Le système financier n'est nullement remis en question, l'argent est passé d'un compte sur un autre compte. Un individu n'a nullement parasité un système, car il n'a lui même pas détourné l'argent sur son propre compte.
    Le mécanisme ne paraissant pas dans toute sa lumière ne nous autorise pas à fantasmer à mort dessus. Parler d'irrationalité est hors de propos, parlons plutôt d'ignorance pour justifier l'emploi de ce terme.
    Quand on fait de mauvaises affaires, c'est tout bonnement que l'on a mal analysé le marché, et ça cela arrive à tout le monde. Le casino, c'est différent, il est programmé pour gagner à tous les coups.

    By Blogger jpbb, at 10:20 PM  

  • Tout de même, 4,9 milliards d'euros de perte, ce n'est pas tous les jours qu'on voit ça! Si je te comprends bien, l'irrationalité ne viendrait pas du système mais de ceux qui le critiquent. Bref, l'évènement serait la norme. J'ai beau me forcer, ça m'inquiéte quand même et je trouve que ce système n'a plus toute sa raison.

    By Blogger Emmanuel Mousset, at 10:41 PM  

  • Une perte, c'est une perte quel que soit le montant. Et quand une banque subit une perte sur un marché financier, une autre fait un gain. Les banques sont des vases communiquants. En quoi est-ce choquant ?

    Ce qui pose problème et qui n'a rien à voir avec cette histoire, c'est de fermer des usines et casser des emplois pour récupérer des moyens financiers en vendant les actifs d'une entreprise pour augmenter les bénéfices, car là, dans cette circonstance, on détruit l'appareil de production sain, et pendant que certaines personnes s'enrichissent, elles affaiblissent la collectivité et en mettent d'autres sur la paille. C'est comme les gens qui achètent de grands appartements, et les morcellent en studio pour augmenter leurs gains, avec au final plein de gens qui vivent dans des petites boites une vie médiocre alors que l'on devrait consacrer son temps à construire du beau pour tous.

    By Blogger jpbb, at 10:38 AM  

  • Le titre du film dont tu parles est "War games". Bon je sais, ca change pas grand chose comme précision au problème des 5 milliards d'euros partis en fumée mais bon...

    http://fr.wikipedia.org/wiki/WarGames

    By Anonymous Anonyme, at 11:39 AM  

  • - Je comprends ton raisonnement, JPB. Le capitalisme industriel fait plus de dégâts que le capitalisme financier. Mais cette "perte" de 4,9 milliards provoquée semble-t-il par un seul individu, c'est vertigineux, non?

    - "War Games", mais bien sûr ... Merci Sylvain. Un bon petit film, si je me souviens bien. Et la guerre nucléaire finalement n'aura pas lieu. Tout comme l'explosion atomique déclenchée par Kerviel dans la planète financière?

    By Blogger Emmanuel Mousset, at 1:09 PM  

  • Le père d'un de mes amis a dilapidé la fortune familiale après la guerre avant de se tirer une balle dans la tête. Cela a été un gros choc pour le gamin de 12 ans qu'il était, se retrouver à la rue et sans soutient. Le drame humain, je le comprend. Des zéros et des uns qui transitent d'un ordinateur à un autre ne m'inquiètent guère. Au lieu de faire 7 milliards de bénéfice, la Société Générale n'en fera qu'un., alors que je ne suis pas client ou actionnaire de cette banque.
    Si cela se trouve, c'est dans ma banque que l'argent a atterri. Donc cela peut-être une bonne nouvelle pour moi. ;-)

    By Blogger jpbb, at 2:33 PM  

  • Et c'était au casino de Royan.

    By Blogger jpbb, at 2:35 PM  

  • Si je comprends bien JPB, le système financier est totalement indépendant de la réalité, ses soubresauts n'ont pas de conséquences sur la réalité. 5 milliards d'euros partent en fumée, ce n'est que de la fumée! Mais c'est bien ce qui m'inquiéte, là où JPB est rassuré: cette "irréalité" du monde financier.

    By Blogger Emmanuel Mousset, at 8:00 PM  

  • L'argent, c'est fait pour circuler d'une poche à une autre, d'un compte à un autre, d'une banque à une autre banque. Une banque achète un produit financier 50 milliars d'euros, et le revend à une autre banque 45 millions trois semaines plus tard. Elle fait donc une perte de 5 milliards. Spéculer est à double tranchant, on peut gagner comme on peut perdre.

    By Blogger jpbb, at 9:31 PM  

  • On voit bien que JPB a du mal à manier les milliards, les millions, les euros ,les francs et les anciens francs.
    Pour fixer les idées et savoir de quoi l'on parle voici quelques références:
    -le budget de l'état est de l'ordre de 300 milliards d'euros
    -l'impot sur le revenu de l'ordre de 60 milliards d'euros
    -la perte de la SG de 5 milliards correspond à une année pleine de RMI
    -elle suppose des sommes manipulées de l'ordre de 50 milliards soit la quasi-totalité de l'impot sur le revenu.
    -la valeur boursière de la SG est de 35 milliards d'euros.
    Enfin le mécanisme en cause ne consiste pas à vendre une marchandise ou un produit, contrairement à ce que pense JPB.
    on n'est pas du tout dans une opération banale, courante, habituelle.Emmanuel tu n'es peut etre pas un financier mais c'est toi qui as fait la bonne analyse.

    By Anonymous Anonyme, at 1:36 PM  

  • Le président de la Société Générale a eu cette image, pour qualifier la "fraude": comme si une grosse usine d'un grand groupe industriel était détruite par un incendie. Je ne sais pas ce que vaut cette image, qui cherche sans doute à rassurer. Ce monde terriblement abstrait de la finance a besoin de métaphore concrète pour s'expliquer!

    By Blogger Emmanuel Mousset, at 1:59 PM  

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