L'Aisne avec DSK

25 janvier 2008

La politique de "décivilisation".

Le temps me manque pour vous dire tout ce que j'ai à vous dire. Et puis, l'actualité est trop riche! Bref, je note sur des bouts de papier mes réflexions, et je les stocke dans une pochette bleue sur laquelle j'ai inscrit au feutre noir: "Blog". J'y pioche de temps en temps, comme cette fin d'après-midi, où je redécouvre quelques notes prises lors d'une matinée de France-Inter, entre 08h20 et 09h20, dont l'invité était le philosophe Alain Finkielkraut, convié à commenter les nouvelles du moment. C'était il y a environ 15 jours, les médias étaient pleins de bruit et de fureur à propos de la fameuse "politique de civilisation" prônée par Nicolas Sarkozy. Bien sûr, un philosophe ne pouvait pas échapper à la question. C'était pour lui un thème de prédilection.

Finkielkraut s'est en effet emparé du sujet. La civilisation, c'est son truc. Mais il était attendu au coin du bois, lui qui avait manifesté sa sympathie pour Sarkozy durant la campagne des présidentielles. Il aurait pu être séduit par la formule. Surprise, Finkielkraut n'a pas trop aimé. Il faut dire que son incurable pessimisme l'amène à une contestation presque systématique, qui a son charme mais aussi ses limites. Et pour l'occasion, il s'est fendu d'un beau néologisme: la "décivilisation", voilà où nous en serions, pas seulement Sarkozy mais la société entière. Le contraire de la civilisation, c'est la barbarie. Mais le philosophe n'a pas osé, le terme aurait été trop fort. "Décivilisation", je suppose, c'est le délitement, le déclin, la destruction de la civilisation. C'est fort aussi! Pour expliquer son nouveau concept, Finkielkraut a cité trois faits:

- Le bruit dans les cités.
- Le saccage du bureau d'un ministère par l'artiste Bartabas, mécontent de ce qu'on lui donnait et lui disait.
- L'émission de Canal+ "Les Aliens d'Or", où les invités de Thierry Ardisson ont désigné la mort de l'année qui les a le moins touchés, celle de Monseigneur Lustiger, qui a provoqué les rires dans l'assistance.

Comme souvent, Finkielkraut exagère. Si la "décivilisation", c'est le bruit dans les cités, il n'y a pas eu beaucoup de civilisation dans l'histoire de l"humanité et notre philosophe n'a pas beaucoup fréquenté les milieux populaires! Sa conception de la civilisation est très bourgeoise: pas un mot plus haut qu'un autre ... En fait, il identifie civilisation et civilités, politesse (et une forme bien particulière de politesse).

Pour Bartabas, là aussi il y a exagération et inexactitude: dans les plus hautes civilisations, ce genre de comportement était présent, et même pire: la brutalité, les spectacles sanguinaires n'étaient pas exclus, alors que se développaient les arts, les lettres et les sciences. Ne mélangeons donc pas tout. La société contemporaine est globalement plus pacifique, plus policée que les sociétés d'autrefois.

Le dernier exemple est peut-être celui avec lequel je serai en accord. Non sur la "décivilisation", concept qui n'a guère de sens, mais sur le jugement négatif à propos de l'esprit de dérision qui envahit notre société. On a parfois l'impression que le sérieux est devenu impossible, que l'ironie est partout présente. J'avoue qu'il y a là un phénomène inquiétant, puisque la moquerie tient lieu d'argument. De là à affirmer que la civilisation est en danger, il y a un pas que je ne franchirai pas.

Pour terminer, Alain Finkielkraut a parlé de Nicolas Sarkozy, en le présentant comme le modèle de la "décivilisation", c'est-à-dire "l'enfant gâté", l'enfant d'aujourd'hui. Oui, peut-être. Mais pourquoi Alain s'est-il entiché de Nicolas? C'est maintenant trop tard pour revenir en arrière.


Bonne soirée.