La peau de Chirac.
Bonjour à toutes et à tous.
J'ai regardé, en dvd, le film de Karl Zéro, "Dans la peau de Jacques Chirac", que je n'avais pas vu lors de sa sortie en salle il y a un an. C'est bien un film, une caricature, un tableau psychologique, pas un documentaire strictement politique. Chirac, si longtemps au coeur de notre vie publique et si vite oublié! On regarde très agréablement défiler les images, on écoute avec plaisir le commentaire ironique. La marionnette des "Guignols de l'Info" est devenue vivante! Elle n'en reste pas moins une marionnette, une fiction montée par Karl Zéro, qui n'apprend pas grand chose sur l'action politique de Jacques Chirac. Au fil des images, trois réflexions me sont venues à l'esprit, se sont imposées progressivement à moi:
1- Chirac hier, c'est Sarkozy maintenant! La fringale de pouvoir, la boulimie d'action, l'envie de surprendre, la ténacité à toute épreuve, l'inconstance des convictions, les fidélités à géométrie variable, tout ce que nous montre l'actuel président était déjà présent chez l'ancien. Sarkozy a rallié Balladur en 1995 comme Chirac a rallié Giscard en 1974. Tous les deux sont fondamentalement des hommes de pouvoir, prêts à tout pour arriver, tous les deux sont fondamentalement des hommes de droite, n'hésitant pas à récupérer les mots de la gauche (Chirac se dit "travailliste" en 1981, Sarkozy se réclame de Blum et Jaurès en 2007). Chirac colle à la société pour parvenir à ses fins, Sarkozy aussi. Et la société a changé, elle est devenue beaucoup plus médiatique. C'est la nouveauté du phénomène Sarkozy, que je résumerai ainsi: le sarkozysme, c'est le chiraquisme plus la télé.
2- Chirac, je n'aime pas. Seguin, Juppé, oui. De Gaulle, bien sûr. Mais Chirac, non, rien ne me séduit en lui. Un malin, c'est tout. Il a défendu les idées des autres et les intérêts de son camp, rien de plus. Avant 1995, je ne pensais pas qu'il deviendrait chef d'Etat. Mais qui aurait parié sur Sarkozy? Pourtant, et c'est le film de Karl Zéro qui me l'a rappelé, il y a un Chirac que j'aime bien, celui de la campagne de 1995. Lui qui a tant trahi, le voilà victime, lâché par Balladur qui lui avait pourtant juré fidélité. Il est à bout de course, personne ne croit plus en lui et il croit encore en son destin. Pour beaucoup, il est fini. Cette solitude le rend lucide et sincère. Il gagne en humanité. Du coup, il devient crédible, il ne joue plus. Il impose un thème de campagne, "la fracture sociale", dont on se souvient encore aujourd'hui. Même Jospin, dans le débat d'entre les deux tours, se sent obligé de suivre. C'est le seul Chirac que j'apprécie, quelques mois en 1995, avant que son accession au pouvoir ne lui fasse retrouver ses démons familiers.
3- L'humour Canal, qui est évidemment celui de ce film, j'apprécie beaucoup, mais je ne suis pas dupe: la dérision n'est pas la réflexion. Karl Zéro s'amuse d'un homme politique, mais ne va pas plus loin. Ce que je crains, c'est que les images soient prises au premier degré, qu'on réduise Chirac et la politique à ce qui est montré: des individus pas très intelligents qui recherchent le pouvoir et se contentent de le conserver une fois qu'ils l'ont obtenu. Si telle était la vérité, Chirac et Sarkozy seraient plus rigolos, à la limite irresponsables, que dangereux. Or ce sont des hommes de droite qui appliquent des politiques de droite. Un exemple: rien n'est dit sur la période 1986-1988, où Jacques Chirac va mettre en place une politique économique très à droite, une sorte de revanche sociale sur la victoire du 10 mai 1981, avec une batterie de privatisations. Sarkozy en 2007 inaugure lui aussi le début d'une politique très conservatrice (au sens précis du mot: la fidélité aux traditions de droite, qui n'exclut pas mais qui au contraire exige des ruptures avec les politiques et les valeurs de gauche). "Dans la peau de Jacques Chirac" est un film qui prend le risque de son titre: en rester à la "peau" du personnage, ne pas entrer dans sa tête, dans son action, dans sa vie, le risque d'être superficiel.
Bonne matinée.
J'ai regardé, en dvd, le film de Karl Zéro, "Dans la peau de Jacques Chirac", que je n'avais pas vu lors de sa sortie en salle il y a un an. C'est bien un film, une caricature, un tableau psychologique, pas un documentaire strictement politique. Chirac, si longtemps au coeur de notre vie publique et si vite oublié! On regarde très agréablement défiler les images, on écoute avec plaisir le commentaire ironique. La marionnette des "Guignols de l'Info" est devenue vivante! Elle n'en reste pas moins une marionnette, une fiction montée par Karl Zéro, qui n'apprend pas grand chose sur l'action politique de Jacques Chirac. Au fil des images, trois réflexions me sont venues à l'esprit, se sont imposées progressivement à moi:
1- Chirac hier, c'est Sarkozy maintenant! La fringale de pouvoir, la boulimie d'action, l'envie de surprendre, la ténacité à toute épreuve, l'inconstance des convictions, les fidélités à géométrie variable, tout ce que nous montre l'actuel président était déjà présent chez l'ancien. Sarkozy a rallié Balladur en 1995 comme Chirac a rallié Giscard en 1974. Tous les deux sont fondamentalement des hommes de pouvoir, prêts à tout pour arriver, tous les deux sont fondamentalement des hommes de droite, n'hésitant pas à récupérer les mots de la gauche (Chirac se dit "travailliste" en 1981, Sarkozy se réclame de Blum et Jaurès en 2007). Chirac colle à la société pour parvenir à ses fins, Sarkozy aussi. Et la société a changé, elle est devenue beaucoup plus médiatique. C'est la nouveauté du phénomène Sarkozy, que je résumerai ainsi: le sarkozysme, c'est le chiraquisme plus la télé.
2- Chirac, je n'aime pas. Seguin, Juppé, oui. De Gaulle, bien sûr. Mais Chirac, non, rien ne me séduit en lui. Un malin, c'est tout. Il a défendu les idées des autres et les intérêts de son camp, rien de plus. Avant 1995, je ne pensais pas qu'il deviendrait chef d'Etat. Mais qui aurait parié sur Sarkozy? Pourtant, et c'est le film de Karl Zéro qui me l'a rappelé, il y a un Chirac que j'aime bien, celui de la campagne de 1995. Lui qui a tant trahi, le voilà victime, lâché par Balladur qui lui avait pourtant juré fidélité. Il est à bout de course, personne ne croit plus en lui et il croit encore en son destin. Pour beaucoup, il est fini. Cette solitude le rend lucide et sincère. Il gagne en humanité. Du coup, il devient crédible, il ne joue plus. Il impose un thème de campagne, "la fracture sociale", dont on se souvient encore aujourd'hui. Même Jospin, dans le débat d'entre les deux tours, se sent obligé de suivre. C'est le seul Chirac que j'apprécie, quelques mois en 1995, avant que son accession au pouvoir ne lui fasse retrouver ses démons familiers.
3- L'humour Canal, qui est évidemment celui de ce film, j'apprécie beaucoup, mais je ne suis pas dupe: la dérision n'est pas la réflexion. Karl Zéro s'amuse d'un homme politique, mais ne va pas plus loin. Ce que je crains, c'est que les images soient prises au premier degré, qu'on réduise Chirac et la politique à ce qui est montré: des individus pas très intelligents qui recherchent le pouvoir et se contentent de le conserver une fois qu'ils l'ont obtenu. Si telle était la vérité, Chirac et Sarkozy seraient plus rigolos, à la limite irresponsables, que dangereux. Or ce sont des hommes de droite qui appliquent des politiques de droite. Un exemple: rien n'est dit sur la période 1986-1988, où Jacques Chirac va mettre en place une politique économique très à droite, une sorte de revanche sociale sur la victoire du 10 mai 1981, avec une batterie de privatisations. Sarkozy en 2007 inaugure lui aussi le début d'une politique très conservatrice (au sens précis du mot: la fidélité aux traditions de droite, qui n'exclut pas mais qui au contraire exige des ruptures avec les politiques et les valeurs de gauche). "Dans la peau de Jacques Chirac" est un film qui prend le risque de son titre: en rester à la "peau" du personnage, ne pas entrer dans sa tête, dans son action, dans sa vie, le risque d'être superficiel.
Bonne matinée.
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