Bienvenue chez les Ch'ti.
"Bienvenue chez les Ch'ti", le dernier film de Dany Boon, fait un carton dans le nord. C'est incontestablement le signe d'une vitalité régionaliste, un besoin d'identification pour bon nombre de nos concitoyens. A l'heure de la mondialisation, les terroirs ont encore de beaux jours devant eux. Le film a été projeté en avant-première dans le Nord, les pays de langue picarde (comme le rappelle mon collègue Jean-Pierre Semblat dans Le Courrier Picard), mais pas dans l'Aisne ni dans l'Oise, comme si ces deux départements n'appartenaient pas à cette région, ce qui pose déjà, en soi, un problème politique.
Les identités locales, régionales ou nationales, ce n'est pas trop mon truc. La seule identité qui me semble digne d'intérêt, c'est l'identité humaine. Je suis humaniste, pas régionaliste, je suis mondialiste, cosmopolite, internationaliste, pas nationaliste. Pourtant, j'ai envie d'aller voir "Bienvenue chez les Ch'ti", d'abord parce que la bande-annonce m'a fait rigoler et que les occasions de rigoler, en ce moment à Saint-Quentin, sont plutôt rares, ensuite parce que le Nord, c'est chez moi ou presque, et que je me suis trouvé un beau jour de juin 1994 dans la même situation que le personnage du film: un fonctionnaire parmi d'autres fonctionnaires affecté dans le nord de l'Aisne, au lycée Henri-Martin.
En ce mois de juin, juste après mon année de stage à Reims, j'ai appris que ma première ville d'exercice, ce serait Saint-Quentin. Saint quoi? L'Aisne où? Soulagement quand j'ai appris que la liaison ferroviaire avec Paris était simple et rapide: je pouvais garder mon appartement dans le XIXème arrondissement et rentrer quasiment chaque soir. Turbo-prof, comme on nous appelle. Quelle a été ma première réaction en débarquant? Les années 50! J'avais l'impression d'être dans un décor des années 50 en traversant la gare SNCF. Cette impression n'était pas désagréable, simplement étrange. J'étais dans un monde anachronique qui me faisait penser à mon Berry natal, une France profonde un peu hors du temps, un peu oubliée du reste de la société.
Le Nord, je n'en connaissais rien. Gamin, j'étais allé au Tréport et à Marseilles-en-Beauvaisis, chez une tante, mais c'est tout. J'en avais l'image commune: Brel et son plat pays, Macias et ses gens du nord, Bachelet et ses corons. Des clichés! A Saint-Quentin, je me suis installé en 1998, fini le turbo-prof. Et j'y suis resté, alors que beaucoup de mes collègues venus "d'ailleurs" attendaient impatiemment leur mutation. Et j'aime maintenant cette ville et cette région, qui finalement me ressemblent (je me vois mal dans le Midi trop extraverti). Et ici, il y a tant à faire!
La pluie proverbiale ne me gêne pas, et je ne comprends pas qu'on puisse complexer à cause du climat. La pluie et le ciel gris, c'est beau, c'est mélancolique, c'est tranquille. Le soleil, ça tape, ça énerve, c'est violent. Au lieu de maudire la pluie, nous devrions en faire un argument de communication et de tourisme. Plus au nord, une civilisation pluvieuse et brumeuse, la Grande-Bretagne, a dominé le monde pendant plusieurs siècles. L'avenir sourit aux pays où il pleut.
Le Nord me plaît aussi pour deux raisons plus directement politiques: c'est le coeur de l'Europe, notre grande aventure du siècle, c'est le coeur historique du socialisme, qui commencera ici sa rénovation, ou nulle part.
Que le film de Dany Boon réhabilite dans l'humour le Nord, c'est très bien. Et puisque je vous ai parlé du Berry, je voudrais terminer par une petite anecdote: Ch'ti, c'est aussi un mot du dialecte berrichon, mais qui n'a rien à voir avec son sens picard puisque c'est un adjectif qui désigne au choix quelqu'un de malingre (ch'ti = petit), de radin ou de méchant, quand ce n'est pas les trois à la fois!
Bonne fin d'après-midi picarde.
Les identités locales, régionales ou nationales, ce n'est pas trop mon truc. La seule identité qui me semble digne d'intérêt, c'est l'identité humaine. Je suis humaniste, pas régionaliste, je suis mondialiste, cosmopolite, internationaliste, pas nationaliste. Pourtant, j'ai envie d'aller voir "Bienvenue chez les Ch'ti", d'abord parce que la bande-annonce m'a fait rigoler et que les occasions de rigoler, en ce moment à Saint-Quentin, sont plutôt rares, ensuite parce que le Nord, c'est chez moi ou presque, et que je me suis trouvé un beau jour de juin 1994 dans la même situation que le personnage du film: un fonctionnaire parmi d'autres fonctionnaires affecté dans le nord de l'Aisne, au lycée Henri-Martin.
En ce mois de juin, juste après mon année de stage à Reims, j'ai appris que ma première ville d'exercice, ce serait Saint-Quentin. Saint quoi? L'Aisne où? Soulagement quand j'ai appris que la liaison ferroviaire avec Paris était simple et rapide: je pouvais garder mon appartement dans le XIXème arrondissement et rentrer quasiment chaque soir. Turbo-prof, comme on nous appelle. Quelle a été ma première réaction en débarquant? Les années 50! J'avais l'impression d'être dans un décor des années 50 en traversant la gare SNCF. Cette impression n'était pas désagréable, simplement étrange. J'étais dans un monde anachronique qui me faisait penser à mon Berry natal, une France profonde un peu hors du temps, un peu oubliée du reste de la société.
Le Nord, je n'en connaissais rien. Gamin, j'étais allé au Tréport et à Marseilles-en-Beauvaisis, chez une tante, mais c'est tout. J'en avais l'image commune: Brel et son plat pays, Macias et ses gens du nord, Bachelet et ses corons. Des clichés! A Saint-Quentin, je me suis installé en 1998, fini le turbo-prof. Et j'y suis resté, alors que beaucoup de mes collègues venus "d'ailleurs" attendaient impatiemment leur mutation. Et j'aime maintenant cette ville et cette région, qui finalement me ressemblent (je me vois mal dans le Midi trop extraverti). Et ici, il y a tant à faire!
La pluie proverbiale ne me gêne pas, et je ne comprends pas qu'on puisse complexer à cause du climat. La pluie et le ciel gris, c'est beau, c'est mélancolique, c'est tranquille. Le soleil, ça tape, ça énerve, c'est violent. Au lieu de maudire la pluie, nous devrions en faire un argument de communication et de tourisme. Plus au nord, une civilisation pluvieuse et brumeuse, la Grande-Bretagne, a dominé le monde pendant plusieurs siècles. L'avenir sourit aux pays où il pleut.
Le Nord me plaît aussi pour deux raisons plus directement politiques: c'est le coeur de l'Europe, notre grande aventure du siècle, c'est le coeur historique du socialisme, qui commencera ici sa rénovation, ou nulle part.
Que le film de Dany Boon réhabilite dans l'humour le Nord, c'est très bien. Et puisque je vous ai parlé du Berry, je voudrais terminer par une petite anecdote: Ch'ti, c'est aussi un mot du dialecte berrichon, mais qui n'a rien à voir avec son sens picard puisque c'est un adjectif qui désigne au choix quelqu'un de malingre (ch'ti = petit), de radin ou de méchant, quand ce n'est pas les trois à la fois!
Bonne fin d'après-midi picarde.
7 Comments:
tout cela ne nous rajeunit pas, déjà 14a que vous etes en ville.
J'aimerais bien vous dire que vous avez tort mais oui, il y a tellement à faire ici.
Et c'est un vrai probleme car bcp n'en ont pas conscience.
Certains sont tellement remplis d'eux meme, ils sont tellement fier
qu'il ne leur vient meme pas à l'esprit qu'il serait possible de faire mieux.
By grandourscharmant, at 8:56 PM
14 ans, c'est peu, pour ceux qui sont là depuis 30 ans, 40 ans, ou depuis toujours!
Aurais-je dû rester à Paris? Je me dis parfois que oui, que j'aurais sans doute été mieux compris, ou tout simplement entendu. Mais je me le dis par confort, par facilité.
Mon utilité, elle est ici, à Saint-Quentin. Pas à Paris. Ici, j'apporte quelque chose, qui certes ne se réalise pas encore, mais qui un jour se réalisera. Si je n'en étais pas certain, croyez-vous que je ferais tout ce que je fais?
By Emmanuel Mousset, at 9:39 PM
il est des évidences tellement évidentes
que parfois si on ne les rappelle pas on les oublie.
Certains se croient propriétaires du lieu parce qu'ils y sont depuis toujours et apres comme c'est à eux, ils font ce qu'ils veulent quitte à le laisser à l'abandon.
Certains ne supportent pas que d'autres fassent ce qu'ils ne veulent ou ne peuvent pas faire
Vous auriez été inculte et ignorant, vous seriez surement la tete de liste à gauche,
non pas que je pense que la tete de liste de gauche soit ainsi
je ne la connais pas suffisament pour avoir un avis sur la question.
par contre, ce que je sais, c'est qu'il y a tout une branche de la culture ouvriere qui est faché avec la culture et l'instruction et qui fait un complexe par rapport à cela.
Je connais quelques ouvriers qui ont commencé au bas de l'échelle et qui à force de travail et de cours du soir ont fini cadre,
qui n'ont jamais assumé ce statut
considérant que c'était une trahison par rapport à la culture ouvriere.
Je me servirais de l'absence des professions sur la liste de gauche pour illustrer mon propos,
appartenir au monde enseignant ou à la fonction publique est tout à fait estimable.
Mais semble t il pas suffisament aux yeux de certains pour le revendiquer.
Et pour Paris, avec les bons réseaux vous seriez peut etre une coqueluche médiatique
mais j'ai bien compris que ce n'est pas le faste qui vous intéresse mais l'action
pouvoir etre sur le terrain et peser.
By grandourscharmant, at 11:38 PM
Vos derniers mots sont très justes. Vous m'avez parfaitement compris.
Sur la culture ouvrière et son rapport avec l'instruction et la culture, je ne vous suis pas. Les milieux populaires (j'en viens) ont un profond respect pour la culture et pour l'école, et même de l'admiration. Dans ma famille, un instituteur, c'est "quelqu'un".
Non, ce qui pose problème, c'est plutôt cette petite bourgeoisie semi-cultivée ou faussement cultivée, qui se prétend progressiste alors que son rêve est de s'élever socialement.
Je vais peut-être vous surprendre, mais les difficultés que je rencontre viennent du fait que je ne partage pas cet esprit petit-bourgeois et le conformisme qui en résulte. Par exemple, le petit bourgeois recherche à tout prix la reconnaissance sociale. Voilà quelque chose qui m'est totalement étranger.
Ma motivation, c'est la défense de convictions. Qui d'autre que moi passerait autant de temps à rédiger un blog qui ne m'apporte rien, sinon des ennuis?
N'orientez pas vos soupçons vers la classe ouvrière (qui est d'ailleurs absente des rangs du PS) mais vers cette petite bourgeoisie.
By Emmanuel Mousset, at 12:06 AM
j'assume totalement le fait de ne pas avoir été tout à fait assez clair.
Il y a une défiance vis à vis des élites qui n'est pas forcément totalement injustifié
mais sans forcément vouloir imposer mon background local
il y a 30a, il y a 40a, alors que les enfants avaient les capacités de suivre des études
bcp ne l'ont pas fait, malgré les bourses qu'on a pu leur proposer
des études pour quoi faire, qu'est ce que ça allait apporté.
tout ce qui a pu compter dans les milieux ouvriers, c'est qu'on manquait de bras dans les usines.
et une des choses qui m'a surpris dans cette ville c'est l'instruction des plus de 70a
par contre, leur enfants les 50-60a...
et vous n'avez surement jamais du entendre comme moi, d'ouvriers se plaindre d'un frere, d'un cousin dont ils avaient un peu honte,
faut dire que ct une tete et qu'il avait fait des études d'ingénieurs.
mais sinon il est évident qu'il y a un gros probleme avec la petite bourgeoisie
entre ceux qui ne l'assument pas, je sais que je me repete, parce qu'ils estiment qu'ils trahissent le milieu dont ils sont issus
faisant un complexe
plutot justement que de profiter des moyens à leur dispositions pour améliorer la condition des autres.
Et ceux qui estiment que comme ils ont su s'extraire de la masse laborieuse, ils sont forcément supérieur aux autres pour qui ils n'ont que mépris et haine.
Or oublier d'ou l'on vient, c'est ne pas savoir où l'on va.
et puis les ennuis Emmanuel,
à choisir entre etre en désaccord avec les autres et etre en désaccord avec soi meme.
surtout quand les autres ne sont pas forcément en accord avec eux meme.
pour faire un choix encore faut il qu'il y ait des alternatives
quand il n'y en a pas, on ne fait que ce qu'on peut faire
By grandourscharmant, at 12:37 AM
Etre en accord avec soi-même, c'est la règle d'or. Après, l'accord avec les autres vient ou ne vient pas, c'est secondaire. Je ne me définis pas par rapport aux autres mais par rapport à l'idée que je me fais de la vérité.
By Emmanuel Mousset, at 8:35 AM
Le vrai coeur de l'Europe, c'est la Lorraine, pas le Nord. D'accord, c'est pas très loin... ;-)
By jpbb, at 2:14 PM
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