L'Aisne avec DSK

17 février 2008

Le parti de l'opinion.

Bonjour à toutes et à tous.

Que veut Nicolas Sarkozy? De Gaulle voulait grandir la France, Giscard voulait moderniser la France, Mitterrand voulait changer la France, Chirac voulait ... gouverner la France. Mais Nicolas Sarkozy, que veut-il? Je crois qu'il ne veut rien, je pense que son hyper-activité et l'accumulation étourdissante de mesures de toute sorte, que la droite elle-même a du mal à suivre, dissimulent un vide immense. Les présidents précédents avaient plus ou moins un projet, bon ou mauvais selon les opinions. L'actuel chef de l'Etat n'a pas de projet, et ça commence à se voir. Ou plutôt il en a mille, presque un chaque jour, c'est-à-dire aucun. C'est un homme qui suit l'actualité, qui est à la traîne de la société, de ses humeurs, de ses foucades, de ses envies. C'est sa grande force et c'est sa grande faiblesse.

Qui était Nicolas Sarkozy en 2001? Rien, personne. Aucun de ses compagnons du RPR ne songeait à lui comme président. Chirac s'y voyait dès 1981! Qu'est-ce qui a donné à Sarkozy de l'étoffe, une épaisseur et un rapide avenir? Son passage au ministère de l'Intérieur. Il s'est emparé d'un thème que se réservait jusque là le Front national, la sécurité, et a bâti sa popularité là-dessus. Ensuite, le candidat Sarkozy s'est défini par rapport et contre la gauche: "Travailler plus pour gagner plus", ce n'est pas un projet mûrement élaboré, déclinaison par exemple d'une philosophie libérale. Non, c'est une réaction aux 35 heures et à leur impopularité. Le parti de Sarkozy, ce n'est pas le gaullisme, ce n'est pas le libéralisme, son parti c'est l'opinion. C'est pourquoi ses références politiques sont éclatées, qu'il peut apparaître un jour moderne, un jour rétrograde, une fois très social, une fois très libéral.

Regardez ce qui vient de se passer dans la semaine écoulée. Nicolas Sarkozy, devant le CRIF, fait une proposition aberrante, que Simone Veil a condamnée sans appel: faire parrainer chaque enfant juif mort en déportation par un élève de CM2. La lecture de la lettre de Guy Mocquet ne m'avait pas choqué. Qu'un président veuille marquer son élection par un symbole de ce genre, pourquoi pas. Mais sa dernière proposition est aberrante. Psychologiquement, elle est contestable et pédagogiquement, elle entame la liberté des enseignants, les engage dans un travail plus que délicat, impossible. Donner des orientations aux fonctionnaires que sont les professeurs, par exemple étudier le génocide et en tirer toutes les leçons, c'est une chose et c'est normal. Mais leur imposer la marche à suivre, surtout lorsque celle-ci est douteuse et entraîne une polémique, non.

Pourquoi Nicolas Sarkozy a-t-il fait cette proposition que rien ni personne ne l'obligeaient à faire? La bonne intention est flagrante, nul ne peut l'attaquer de bonne foi là-dessus. Alors, d'où vient le problème? De ce que je suggérais au départ de ce billet: Sarkozy suit l'opinion au lieu de la guider, il se soumet à la société au lieu de vouloir la changer. De ce point de vue, il est moins volontariste qu'on ne le croit. Qu'est-ce qui hante la société française depuis une quinzaine d'années? La mémoire, à tel point qu'on a inventé un devoir nouveau, le "devoir de mémoire". Qu'est-ce qui obsède l'opinion contemporaine? Les sentiments, et surtout les bons sentiments, qui s'affichent partout, journaux, magazines, radios, télés, vie quotidienne et maintenant classe politique. Vous conjuguez le désir de mémoire avec la puissance du sentiment et vous produisez cette décision aberrante de parrainage morbide.

Autre exemple de la soumission de Nicolas Sarkozy à la vraie "pensée unique", celle de l'opinion: son discours de Périgueux sur l'école et le retour aux "fondamentaux", principalement la morale. J'ai entendu ça 20 fois en 20 ans, à droite comme à gauche. Chevènement le disait, Allègre l'a dit et un autre, demain, le dira aussi. Rien de nouveau sous le soleil! Notre société est en quête de mémoire, de bons sentiments et de valeurs morales, Sarkozy lui en donne. Mais à quoi cela sert-il, voilà la véritable question politique? L'école ne peut pas remédier aux défaillances des familles et de toute une société, qui se déchargent de leur responsabilité en faisant de l'institution scolaire une coupable idéale. Et puis, la morale, est-elle aussi inexistante qu'on le prétend? Etre honnête, respecter ses engagements, travailler pour les autres et pas nécessairement pour l'argent, faire le bien autour de soi, beaucoup de personnes et de familles le pratiquent et le transmettent à leurs proches et enfants ...

L'absence de projet de Nicolas Sarkozy, sa quête effrénée de satisfaire les lubies de l'opinion, de sacrifier à tous les préjugés, ne finiraient-elles pas par lasser et inquiéter? Oui, si j'en crois un texte signé par des personnalités de toute opinion, gaullistes, centristes, socialistes, écologistes, dans Marianne du 14 février, qui sans jamais nommer le président de la République pointent trois dérives issues de sa politique: les menaces sur l'indépendance des médias, les atteintes à la laïcité à la française, la personnalisation excessive du pouvoir. Affaire à suivre.


Bonne matinée.

4 Comments:

  • Cri de colère et de détresse, cri de révolte !
    > > - Laure Véziant professeur des écoles à Montélimar -
    > >
    > > Je suis la maîtresse de Gevorg, le fils de Karin et Armen, qui est arrivé en CP dans ma classe l'an dernier. Je suis la maîtresse de Gevorg qui a disparu de ma classe vendredi 16 novembre en laissant toutes ses affaires, même ce gros bâton de colle dont il est si fier.
    > > Je suis la maîtresse de Gevorg et d'autres encore dans la même situation, qui voient sa chaise vide tous les jours et qui savent que leur tour peut arriver.
    > >
    > > Je suis la maîtresse de 22 enfants de 6 ans qui apprennent qu'en France un enfant peut être obligé de s'enfuir de nuit avec sa famille parce qu'il n'est pas français.
    > > Je suis une maîtresse qui doit enseigner à 22 enfants, qu'on est tous égaux, avec les mêmes droits et les mêmes devoirs, que les lois sont faites pour nous protéger, que c'est ce qu'on appelle les droits de l'homme dont on est si fier en France.
    > > Je suis une maîtresse qui doit arriver à faire comprendre à 22 enfants que l'on doit résoudre les problèmes en s'expliquant, et que lorsqu'on est dans son droit on sera écouté et protégé… « parce que c'est ça la justice, hein maîtresse ? »
    > >
    > > Je suis la maîtresse d'autres enfants sans papiers qui me regardent faire l'appel sans Gevorg et qui continuent à apprendre à lire dans la langue d'un pays qui ne veut pas d'eux.
    > > Je suis une maîtresse parmi tant d'autres qui devraient tous les jours essayer d'expliquer l'inexplicable, accepter l'inacceptable, et ravaler cette rage et ce dégoût d'être la fonctionnaire d'un Etat qui mène une chasse à l'homme abjecte et dégradante.
    > >
    > > Aujourd'hui je voudrais vous faire comprendre à quel point mes collègues et moi-même sommes choqués par ces drames humains, par cette politique de chiffres, de pourcentages et de quotas appliquée à des personnes, des hommes, des femmes et des enfants.
    > >
    > > Je voudrais vous faire comprendre à quel point cette souffrance engendrée par cette politique, devient ingérable, insupportable pour nous, comme pour les enfants et les familles concernées. Je voudrais vous dire à quel point nous avons mal devant ces bureaux vides, ces cahiers abandonnés et ces stylos que personne ne vient réclamer.
    > >
    > > Je voudrais vous dire à quel point j'ai peur d'arriver en classe et d'avoir perdu Gevorg ou Alexandre ou un autre encore, parce que, non, ce ne sont pas des numéros ou des quotas, mais parce que je les connais, je connais leurs sourires, je connais leurs yeux.
    > >
    > > Nous n'en pouvons plus de nous taire et de voir des familles en danger rejetées en toute connaissance de cause ! Nous n'en pouvons plus de nous demander en permanence ce qui va leur arriver là bas !
    > > Nous ne voulons plus être complices de non assistance à personne en danger.
    > >
    > > Je voudrais vous faire partager cette réflexion de William Faulkner : « Le suprême degré de la sagesse est d'avoir des rêves suffisamment grands pour ne pas les perdre de vue pendant qu'on les poursuit. » Alors merci à tous d'être là et de partager le rêve de Karin, Armen, Alexandre Gevorg et Grigory leurs enfants : Vivre sereinement auprès de nous, venir chaque matin à l'école, et que ce rêve, avec eux et avec tous ceux qu'on veut chasser hors de notre pays, on ne le perde pas de vue.
    voila la réalite de sarko, hortefeux,fillon et bertrand , ça ne rapelle pas une autre époque ?

    By Anonymous Anonyme, at 12:31 PM  

  • je vois que votre blog devient le vecteur de nouveaux hoax

    sinon comment pouvez dire des bétises du niveau de celle sarko suit l'opinion.
    En justifiant cela par la proposition du congres du crif
    alors que l'opinion s'y oppose ?

    By Anonymous Anonyme, at 6:35 PM  

  • finalement ils auront fini par vous avoir
    vous aussi vous cédez à la rumeur et à la légéreté

    By Anonymous Anonyme, at 6:37 PM  

  • L'opinion n'est pas quelque chose d'homogène. L'idée qu'il faut entretenir aujourd'hui le "devoir de mémoire", personne ne pourra dire que ce n'est pas une demande sinon de l'opinion, du moins d'une partie de l'opinion, un thème qui est dans l'air du temps, une revendication à la mode. Voilà ce que j'appelle "l'opinion", qui n'est pas facile à définir, j'en conviens.

    Pour soutenir mon point de vue, je vous rappelle que Nicolas Sarkozy, durant sa campagne présidentielle, avait vivement dénoncé l'attitude de "repentance". Avec son projet de parrainage, nous sommes en pleine repentance! Donc, s'il le fait, c'est pour plaîre à l'opinion et peut-être faire oublier sa chute dans les sondages.

    Pas de hoax, pas de "légèreté" là-dedans.

    By Blogger Emmanuel Mousset, at 9:09 PM  

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