L'Aisne avec DSK

15 février 2008

Drôle de campagne.

A la lecture de l'article de Bernard Dordonne dans L'Union d'aujourd'hui, intitulé "Les coulisses d'une campagne qui peine à démarrer", j'ai une étrange impression, presque une sorte de malaise, comme si quelque chose de bizarre était en train de se passer. Mais quoi? A vrai dire, depuis quelques mois, à droite comme à gauche, dans Saint-Quentin, ce scrutin municipal a pris une tournure surréaliste, ubuesque, quasiment irréelle. Rien à voir avec 2001, où l'affrontement politique était des plus classiques. Pourquoi l'article de Dordonne me confirme-t-il dans cet état d'esprit?

D'abord ce qui se passe à droite ... ou plutôt ce qui ne se passe pas, puisque "Pierre André (...) se contente de surfer sur la "toile" en faisant une campagne par Internet". Seulement? C'est étonnant, car le Net, malgré l'engouement qu'il provoque, ne touche pas, loin de là, toute la population. L'explication, je crois l'avoir: la droite ne fait pas campagne parce qu'elle fait tout le temps campagne, depuis 7 ans. L'habitude rend invisible quelque chose de pourtant très présent.

La liste officielle de Pierre André a été déposée hier en sous-préfecture. On connaît donc les noms des probables adjoints. Rien ne change vraiment: on prend (presque) les mêmes et on recommence. Colette Blériot gagne du galon, récompensée sans doute pour sa présence sur le terrain, et aussi pour avoir battu la députée européenne socialiste en 2004, en pleine "vague rose". Le sénateur-maire sait valoriser ses meilleurs soldats ... et les mercenaires, puisque Freddy Grzeziczak occupe la 8ème position.

En revanche, il y en a un, très actif, très médiatique, avec ses cravates saillantes, qui dégringole à la 23ème place, Vincent Savelli, et entraîne dans sa chute Alexis Grandin, rattrapé cependant par sa candidature dans le canton sud. Pascale Gruny fait le chemin inverse, en remontant spectaculairement par rapport à 2001. Mais depuis cette date, elle est devenue députée. Dans cette hiérarchie, il y a incontestablement une logique, celle d'une liste qui n'oublie aucun élu parmi les mandats les plus importants.

Par comparaison, la liste de gauche est dans une logique contraire, puisqu'à part Jean-Luc Tournay, conseiller régional, elle ne comporte aucun élu saint-quentinois: ni conseillers municipaux socialistes (Odette Grzegzulka, Jean-Louis Cabanes, Martine Bonvicini, Régis Chevalier), ni conseillère municipale communiste (Alix Suchecki), ni vice-présidente au Conseil régional (Michèle Cahu), ni conseiller régional Vert (Franck Delattre), ni députée européenne (Anne Ferreira). Liste d'élus à droite contre liste de militants à gauche, j'ai l'impression que ce sera l'une des clés du résultat le 9 mars.

Même opposition entre droite et gauche en ce qui concerne la "société civile", concept un peu flou pour désigner les candidats qui ne sont pas adhérents d'un parti politique. A droite, les étiquettes politiques ne sont pas indiquées, difficile donc de savoir qui appartient à quoi, sinon de notoriété publique. Mais on peut tout de même repérer deux "poids lourds" de la société civile parmi les premiers de liste: Christian Huguet et Alain Gibout. A gauche, il y a cinq candidats estampillés "société civile", mais un seul parmi les 10 premier, et il faut attendre la 28ème place pour trouver le deuxième, si l'on considère que la liste présentée le 7 février annonce l'ordre officiel. Liste plus "société civile" à droite, liste plus partisane à gauche.

Une dernière étrangeté sur la liste de droite: le 29ème rang pour Karim Saïdi, symbole pourtant de l'ouverture à gauche. Et une drôle d'explication de L'Union: "Une rumeur circule selon laquelle Karim Saïdi pourrait démissionner après les élections afin de retrouver sa crédibilité auprès des victimes de discriminations de la Halde." Vous savez ce que je pense des rumeurs, relisez mon billet de ce matin ...

A gauche, toujours à la lecture de la presse, j'ai un même sentiment de bizarrerie:

"... les différentes distributions de tracts se font en ordre dispersé. Chaque colistier composant la liste conduite par Jean-Pierre Lançon fait campagne de son côté. "On se débrouille comme on peut pour éviter la casse", a confié un des colistiers de la liste de gauche. Certains électeurs s'interrogent sur la date d'un meeting espéré de la gauche unie."

Mais j'ai gardé le plus bizarre pour la fin, puisque Bernard Dordonne annonce, au conditionnel, une troisième liste "fantôme", "conduite par un jeune dissident de gauche". Ca tombe mal, je ne crois pas aux fantômes! En tout cas, nous sommes, à trois semaines du premier tour, dans une drôle de campagne, comme on a pu parler en 1914 d'une "drôle de guerre": chacun dans sa tranchée, on se surveille mais il ne se passe rien. En attendant l'offensive?


Bon après-midi.