L'Aisne avec DSK

15 février 2008

Les socialistes et l'Europe.

Bonsoir à toutes et à tous.

Ouf! C'est ce que semblent dire de nombreux camarades socialistes après l'adoption de la révision constitutionnelle permettant l'adoption du traité européen de Lisbonne. Nous sommes apparus divisés, entre les pour, les contre, les abstentionnistes et les boycotteurs, et peu clairs en décidant finalement de nous abstenir quant à la révision constitutionnelle mais en votant pour le traité simplifié, alors que l'une est la condition de l'autre. Pourtant, le PS a été cohérent avec lui-même, c'est-à-dire avec ses deux engagements, pris collectivement:

1- Pas de nouveau traité sans consultation du peuple par référendum.
2- Oui au traité simplifié parce qu'il permet de sortir de la crise créée par le rejet du Traité constitutionnel européen, et malgré les insuffisances de ce nouveau traité.

Paradoxalement, c'est notre cohérence qui a donné l'apparence de la confusion, produisant un résultat peu lisible, aggravé par le manque d'unité et de discipline à la tête du Parti et parmi ses parlementaires.

Pour ma part, j'ai toujours été très réservé quant au premier point, qui valorise la procédure référendaire alors que les socialistes l'ont historiquement critiquée comme plébiscitaire, au détriment de la voie parlementaire qui passe abusivement et même scandaleusement pour "antidémocratique" alors qu'elle est l'essence de la démocratie représentative. Quant au deuxième point, j'ai été tenté au début de refuser ce mini-traité tellement en deçà du Traité constitutionnel, mais je me suis plié, par réalisme. Notre camarade strauss-kahnien Pierre Moscovici a parfaitement défendu devant le congrès, à Versailles, la difficile mais exigeante position des socialistes.

S'il y a un sujet sur lequel la division entre socialistes est profonde, c'est bien l'Europe. Et pourtant, dans les efforts que mènent actuellement les strauss-kahniens pour rapprocher diverses sensibilités sous la conduite de Jean-Christophe, un texte collectif a été publié dans Libération du 4 février, réunissant une fois de plus des représentants de notre courant à des fabiusiens. Son titre, plutôt surprenant: "Les socialistes rassemblés sur l'Europe, c'est possible!" Qu'est-ce qui justifie une déclaration aussi osée?

Les auteurs interprétent la divergence entre le oui et le non de 2005 comme portant sur la stratégie et non pas sur la finalité:

"Les partisans du oui ont pensé préférable d'adopter un compromis insatisfaisant pour avancer tandis que ceux du non jugeaient indispensable d'exprimer leur désaccord pour rendre possible une réorientation de l'Europe. Dans les deux cas, il s'agissait d'un pari sur l'avenir, aucun camp ne peut prétendre avoir eu intégralement raison (...). Une certitude: jamais le débat (...) n'a porté entre nous sur les objectifs de la construction européenne."

Mouais ... Je ne suis pas entièrement convaincu, ça me paraît être une réécriture a posteriori un peu forcée. Et puis, on ne peut pas séparer les fins et les moyens: qui veut les fins veut les moyens. Dans le débat de 2005, y compris dans ses excès, j'ai nettement perçu deux conceptions différentes de l'Europe parmi les socialistes, et je n'ai pas envie aujourd'hui d'en rabattre sur ma conception! Camba a raison de vouloir ouvrir le courant strauss-kahnien à d'autres sensibilités, de rechercher des points de convergence, mais Mosco n'a pas tort de s'inquiéter du devenir et de la pérennité de notre projet social-démocrate, d'autant que l'Europe est, pour nous autres, un identifiant très fort.

J'ai une autre réserve par rapport à ce texte, quand j'y lis:

"Dans l'Europe à 27, l'ère des grands traités fondateurs est close. Seules seront possibles des avancées sur des sujets concrets."

Concret, concret, j'en ai marre du concret, c'est l'alibi de toutes les démissions, de tous les reculs. Le concret, c'est le triomphe contemporain et détestable du terre à terre! De Gaulle le 18 juin 1940 était-il "concret"? Non, c'était Pétain. Mirabeau devant les Etats Généraux en 1789 était-il "concret"? Non, c'était Louis XVI. Arrêtons avec le "concret", ça ne veut rien dire. Pour l'Europe, pour la France, pour la gauche, je veux du grand, pas du petit, je veux du fort, pas du faible, je veux de l'idéal, du souffle, des projets, des visions, de l'avenir, pas du "concret". Le concret, la politique française est en train d'en crever ...

Mais je suis réaliste, et j'approuve entièrement les quatre priorités sur lesquelles se termine ce texte fabiuso-strauss-kahnien:

a- Réformer la gouvernance de la zone euro en renforçant l'autorité politique de l'Eurogroupe.
b- Relever le budget de l'Union de 1% du PIB à 1,24%.
c- Créer un budget commun pour investir dans la recherche et l'innovation.
d- Fonder la politique commerciale de l'UE sur le "juste échange" plutôt que sur le "libre-échange".

Ca me va, et vive l'Europe!


Bonne soirée.