L'Aisne avec DSK

11 février 2008

Le socialisme cantonal.

Pour poursuivre le débat sur l'avenir du département, qui arrive à point nommé à un mois du premier tour des élections cantonales, je vous propose une réflexion de Xavier Ternisien, dans Le Monde du 2 février. C'est une opinion qui me semble modérée, s'appuyant sur une analyse assez objective, qui commence par rappeler la vraie nature de la structure départementale:

"Avant d'être une collectivité locale, [le département] est une circonscription administrative de l'Etat, organisée autour de la figure du préfet, premier personnage dans l'ordre protocolaire avant même les élus de la nation."

A Laon, la préfecture de l'Aisne est dans le même bâtiment que le Conseil général, ce qui veut tout dire. Le profil d'un conseiller général, de droite comme de gauche, n'est pas très politique. C'est plus un homme lige, un administratif, en quête de subventions pour son canton, qu'un militant politique. Si j'ai été candidat aux élections cantonales en 2004, c'est par un heureux hasard.

"L'organisation départementale est davantage un instrument de centralisme jacobin qu'un instrument de décentralisation. Au contraire, les régions, érigées en collectivités locales en 1982, apparaissent toujours plus ou moins comme un contre-pouvoir dont l'Etat se méfie."

C'est pourquoi les départements s'inscrivent difficilement dans un schéma de décentralisation, à la différence des régions. Ils ont du mal à se départir de leur histoire. Mais l'opposition entre département et région n'est pas seulement politique et historique, elle est aussi, peut-être surtout, culturelle et sociale:

"On voit donc se superposer deux France. D'un côté, les cadres anciens que sont le département et le canton. Dans la plupart des cas, ils représentent la ruralité, l'aide sociale, la France qui peine à prendre le train de la modernisation. De l'autre, les régions et les intercommunalités. Elles incarnent une France urbaine, moderne, porteuse du développement."

Cette France très particulière des cantons, il m'a fallu plusieurs années pour prendre conscience, dans l'Aisne, de son importance et de ses pesanteurs. Vu de la plus grande ville du département, Saint-Quentin, ce n'était pas au premier abord évident. Cette France imprégne aussi le Parti socialiste axonais, dont la puissance politique, depuis une dizaine d'années, repose sur le Conseil général. Les grandes villes, Saint-Quentin, Laon et Soissons, sont détenues par la droite, sauf Château-Thierry.

Xavier Ternisien souligne le rôle majeur de la clause générale de compétence, qui permet de subventionner les communes et qui constitue l'influence politique du Conseil général. La carrière politique de l'élu type poursuit le cursus suivant: conseiller municipal, adjoint, maire, conseiller général, vice-président, président et, bâton de maréchal, sénateur. Il serait sans doute passionnant et édifiant d'étudier de près les mentalités qui se forgent tout au long d'un tel parcours, ce qu'il reste du socialisme à la sortie des différents "tuyaux", et de quel socialisme il s'agit. On a beaucoup parlé du fameux "socialisme municipal", il faudrait aussi s'intéresser à ce qui en procède mais dont on parle moins, le "socialisme cantonal".

Ternisien termine par un jugement prudent: "L'histoire va certainement dans le sens d'une disparition progressive des départements, qui ne survivraient plus que comme des guichets sociaux ou des subdivisions de la région."

Et sa dernière phrase: "Il faut réformer le département, mais surtout ne pas le dire."

Voilà une prudence de Sioux, j'ai envie de dire: une prudence de conseiller général! De ce point de vue, le rapport Attali a tout faux: rien de telle qu'une déclaration de guerre pour que le département se replie et persévère ...


Bonne fin d'après-midi.