L'image censurée.
Bonjour à toutes et à tous.
Je reçois régulièrement sur ma messagerie électronique le programme de l'excellente émission "Arrêt sur images", désormais accessible sur internet. On peut consulter ainsi des extraits. Je vais peut-être m'abonner. Ce matin, un reportage m'a littéralement stupéfait. Il s'agit d'une image tirée d'un documentaire sur la Résistance française, diffusé sur France 2. Et que voit-on que je n'avais jamais vu jusqu'ici? L'hémicycle de l'Assemblée nationale occupé par des dignitaires nazis, avec au "perchoir" Alfred Rosenberg, idéologue du régime, le drapeau à croix gammée en dessous de lui, le buste d'Adolf Hitler à côté de lui.
C'est une image incroyablement violente, symboliquement très forte: le coeur de la République, son Parlement, envahi par l'ennemi, pavoisé aux couleurs et à l'effigie de son idéologie, retentissant de la voix de son principal "penseur". De cette époque, nous avons tous en mémoire cette autre image, mille fois repassée, de Pétain serrant la main d'Hitler à Montoire. Mais là, les choses étaient claires: le Maréchal compromet la France en saluant et en se soumettant. Pire que l'image de la trahison, il y a cette dernière image, inédite, celle de l'humiliation: la France des Droits de l'Homme touchée jusque dans son temple. L'image de Pétain avec Hitler est purement politique: elle nous montre le début de la collaboration. L'image de l'Assemblée "nazifiée" a une portée psychologique profonde: non pas l'ignominie d'un homme mais la négation d'un héritage, la République, à travers une cérémonie quasiment sacrilège.
Voilà sans doute pourquoi, pendant longtemps et encore aujourd'hui, cette image a été enfouie, oubliée, refoulée, sûrement maudite, objet de honte. Il y a aussi une raison pratique, mais qui n'explique pas la censure inconsciente que cette image a subie: elle faisait partie des archives détenues par les Soviétiques, auxquelles les chercheurs ont cependant accès depuis quelques années. Il est surprenant que notre société de l'image ait occultée cette image.
Les images ont toujours été très mal vues par les penseurs, au moins depuis Platon, qui privilégient les mots et les écrits, censés provoquer la réflexion. L'image au contraire est perçue comme un instrument de propagande et de tromperie, auquel les hommes se soumettent passivement. Encore aujourd'hui, mes collègues profs de philo portent un regard suspicieux sur la télévision, boîte à images par excellence. Je ne partage pas cette réticence et cette condamnation. L'écrit peut être retors, les mots enjôleurs: ils ne sont pas nécessairement les outils de la vérité. A l'inverse, une image peut donner à penser, laissant la liberté à chacun d'apporter son interprétation. Il y a une force des images parce qu'elles ont parfois une force de vérité. C'est le cas pour celle qui a suscité ce matin ma réflexion.
Bonne fin de matinée.
Je reçois régulièrement sur ma messagerie électronique le programme de l'excellente émission "Arrêt sur images", désormais accessible sur internet. On peut consulter ainsi des extraits. Je vais peut-être m'abonner. Ce matin, un reportage m'a littéralement stupéfait. Il s'agit d'une image tirée d'un documentaire sur la Résistance française, diffusé sur France 2. Et que voit-on que je n'avais jamais vu jusqu'ici? L'hémicycle de l'Assemblée nationale occupé par des dignitaires nazis, avec au "perchoir" Alfred Rosenberg, idéologue du régime, le drapeau à croix gammée en dessous de lui, le buste d'Adolf Hitler à côté de lui.
C'est une image incroyablement violente, symboliquement très forte: le coeur de la République, son Parlement, envahi par l'ennemi, pavoisé aux couleurs et à l'effigie de son idéologie, retentissant de la voix de son principal "penseur". De cette époque, nous avons tous en mémoire cette autre image, mille fois repassée, de Pétain serrant la main d'Hitler à Montoire. Mais là, les choses étaient claires: le Maréchal compromet la France en saluant et en se soumettant. Pire que l'image de la trahison, il y a cette dernière image, inédite, celle de l'humiliation: la France des Droits de l'Homme touchée jusque dans son temple. L'image de Pétain avec Hitler est purement politique: elle nous montre le début de la collaboration. L'image de l'Assemblée "nazifiée" a une portée psychologique profonde: non pas l'ignominie d'un homme mais la négation d'un héritage, la République, à travers une cérémonie quasiment sacrilège.
Voilà sans doute pourquoi, pendant longtemps et encore aujourd'hui, cette image a été enfouie, oubliée, refoulée, sûrement maudite, objet de honte. Il y a aussi une raison pratique, mais qui n'explique pas la censure inconsciente que cette image a subie: elle faisait partie des archives détenues par les Soviétiques, auxquelles les chercheurs ont cependant accès depuis quelques années. Il est surprenant que notre société de l'image ait occultée cette image.
Les images ont toujours été très mal vues par les penseurs, au moins depuis Platon, qui privilégient les mots et les écrits, censés provoquer la réflexion. L'image au contraire est perçue comme un instrument de propagande et de tromperie, auquel les hommes se soumettent passivement. Encore aujourd'hui, mes collègues profs de philo portent un regard suspicieux sur la télévision, boîte à images par excellence. Je ne partage pas cette réticence et cette condamnation. L'écrit peut être retors, les mots enjôleurs: ils ne sont pas nécessairement les outils de la vérité. A l'inverse, une image peut donner à penser, laissant la liberté à chacun d'apporter son interprétation. Il y a une force des images parce qu'elles ont parfois une force de vérité. C'est le cas pour celle qui a suscité ce matin ma réflexion.
Bonne fin de matinée.
2 Comments:
la vérité d'une image en dit parfois plus long que de long discours.
quand à la compromission de Pétain et du gouvernement de Vichy,
75 721 juifs auraient été déportés
selon les chiffres établis par l'association des Fils et Filles des déportés juifs de France
dont 55 000 d'origines étrangeres
sur les 300 000 qu'il y aurait eu en France
un des taux de déportation les plus faibles d'europe
L'apprentissage de la Shoah pourrait peut etre etre une bonne chose.
By grandourscharmant, at 4:18 PM
- Un des "taux" de déportation (si on peut employer cette expression...) peut-être faible, mais le déshonneur d'un homme et d'un régime qui ont anticipé les souhaits des nazis en matière de déportation, alors que bien d'autres pays d'Europe, notamment d'Europe du nord, ne se sont pas ainsi compromis et ont résisté.
- Les enseignants parlent de la Shoah à leurs élèves, ils n'ont pas besoin qu'on leur dise comment faire.
By Emmanuel Mousset, at 4:41 PM
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