L'Aisne avec DSK

25 mars 2008

La lutte des bars?

Bonjour à toutes et à tous.

J'ai pris ce matin, comme tous les matins depuis que je suis à Saint-Amand, le petit déjeuner à la Rotonde, le grand café sur la grande place centrale de la ville. C'est l'équivalent du Carillon à Saint-Quentin, ce que j'appelle un bar bourgeois, où l'on va pour voir et être vu, lire la presse et montrer ostensiblement quel journal on lit, où le ministre du Travail teste le samedi matin sa popularité, où le patron est affable et la patronne exigeante. A Saint-Amand comme à Saint-Quentin, l'établissement est spacieux, confortable, lumineux, les bourgeois de droite et de gauche, les vrais et les faux, s'y retrouvent chaleureusement. Rien à voir avec le bistrot populaire de quartier dont nous a parlé André Triou dans L'Express, encore moins avec le bar-tabac, PMU ou le boui-boui. Lutte des bars, lutte des classes? Allez savoir...

Toujours est-il que le café a un rôle social et politique. Les meilleurs sondages se font au comptoir, les tenanciers peuvent être d'efficaces agents électoraux. L'agora moderne commence là, dans ce que certains taxent avec mépris de conversations de "café du commerce". Ils ont tort, la démocratie, c'est aussi ça. Quelques établissements vont plus loin, en mettant leur arrière-salle à disposition pour des réunions politiques. Et depuis une quinzaine d'années, le bistrot s'est ouvert à la culture. J'en sais quelque chose puisque j'ai mis en place, au Manoir, un café philo il y a 10 ans, un café citoyen il y a trois mois et j'inaugure un café livres jeudi prochain.

S'il y a incontestablement des cafés bourgeois et des cafés ouvriers, dont les clientèles sont spontanément bien distinctes sans avoir besoin d'un droit d'entrée, y a-t-il des bars de droite et des bars de gauche? Politiquement, sans doute pas, ou rarement, un commerçant n'est pas un militant. Mais chaque établissement a son ambiance, sa sociabilité et donc sa culture, qui peuvent renvoyer à des valeurs de droite ou de gauche, conservatrice ou progressiste. Le cyber café d'où je vous écris n'est pas tenu par un monsieur à cravate mais par un jeune à cheveux long; il se dégage de l'atmosphère quelque chose de libre, de contestataire, que je ne retrouve pas de l'autre côté de la rue, à la Rotonde, plus traditionnelle, plus conformiste. Mais c'est très bien comme ça: il faut de tout pour faire un monde et surtout une démocratie.

Un bar associatif, où l'on organise des débats, expose des tableaux, propose des livres, reçoit des groupes rock alternatifs, c'est un autre état d'esprit que le bar d'un grand hôtel! Une cartographie des bars permettrait une lecture politique intéressante d'une ville, beaucoup plus peut-être que des réunions de quartier peu fréquentées. Ce qui ne signifie pas que le café soit sans danger. Son image ancienne de lieu de perdition n'est pas totalement effacée. Quand l'adversaire politique veut frapper et discréditer, il se sert, dans ces villes où tout le monde se connaît, de l'alcool plus que de l'argent ou du sexe. La bouteille est préférée à la corruption ou à la perversion, en matière de coups bas. Avec le vin, on est sûr de mettre les rieurs de son côté. C'est ce qu'a fait l 'UMP Pierre André en visant publiquement le socialiste Jean-Pierre Lançon et le communiste Jean-Luc Tournay.

Mais l'exercice a ses limites. Ne pas boire une goutte d'alcool, ce serait prendre le risque de ne pas apparaitre comme un bon vivant, d'afficher une image de triste sire. Mon camarade laonnois Dominique Pierre, dans cette histoire délicate de bar et d'alcool, a décidé courageusement, lors de la campagne des municipales, de reconnaitre ses difficultés passées et surmontées. Je crois que son geste, plus qu'un aveu personnel, avait une portée politique. Car l'alcoolisme est aussi un problème collectif de santé publique. Sous les rires ou les attaques, il y a des drames, des vies ravagées par l'alcool.

Mais je préfère quitter dans quelques heures Saint-Amand et rejoindre Saint-Quentin en ayant à l'esprit la dimension conviviale de nos bars, cafés, pubs, bistrots et bouis-bouis.


Bon après-midi.

7 Comments:

  • Eh biloute rint dans ch'nord, ti vois po qu'toulmonde y sin fou d'tin berry?

    By Anonymous Anonyme, at 8:42 PM  

  • C'est injuste, le Berry mériterait lui aussi d'avoir son Dany Boon qui le propulse gloire nationale... et peut-être internationale.

    By Blogger Emmanuel Mousset, at 11:53 PM  

  • Ce qui me surprend c'est qu'on puisse dire ce serait tellement bien si on pouvait faire la meme chose sur d'autres régions comme si Dany Boon avait inventé quelque chose,
    les gens ont donc si peu de mémoire ?

    Du gendarme de Saint-Tropez au bonheur est dans le pré en passant par borsalino ou french connection,
    il me semble qu'il ne fait que s'inscrire dans une certaine tradition française.

    By Blogger grandourscharmant, at 9:27 AM  

  • Je n'ai pas encore vu le film, je ne peux donc pas vraiment juger, mais "Le gendarme à Saint-Tropez", pour ne prendre que cet exemple-là, ne me semble pas dans la même veine régionaliste que les Ch'tis. Ceci dit, Boon n'est effectivement pas le premier à jouer de cette fibre.

    By Blogger Emmanuel Mousset, at 12:48 PM  

  • Cruchot qui quitte son petit village provençal pour saint tropez le rappelle beaucoup kad merad qui se retrouve muté dans le nord.

    Ce qui change c'est qu'en 1964, le bout du monde pour un provençal ct st Tropez, aujourd'hui, c'est dans le nord pas de calais qu'on est muté.

    A st tropez on est les seins nues sur la plage et on roule vite meme les bonnes soeurs,
    dans le nord, on parle différement et on a des baraques à frites.

    Il y a sous jacent une critique de la fonction publique, avant la gendarmerie, maintenant la poste.

    La société a évolué en 40a et ce qui était typique de st tropez ne l'est plus forcément aujourd'hui.
    Il faut faire attention à la caricature, qu'on ne trouve pas autant de baraques à frite en dessous de la loire qu'au dessus, c'est une évidence
    qu'il n'y en ait pas ou plus à Paris aussi.
    Mais il n'y a pas que dans le nord qu'on trouve des frites ou des baraques à frites,
    il y en a meme à St Tropez.

    By Blogger grandourscharmant, at 1:19 PM  

  • et puis le village de pecheur de st tropez était il plus connu que la ville de Bergues avant que la nouvelle vague et les yéyés s'en emparent ?

    apres je ne dis pas que tout est identique, je note juste un peu plus qu'une parenté

    By Blogger grandourscharmant, at 1:44 PM  

  • Bravo, votre analyse est convaincante. A ma décharge, il y a bien longtemps que je n'ai pas revu le premier film du "Gendarme".

    Ma conclusion: pour faire de la politique, pour comprendre notre société, allons au cinéma!

    By Blogger Emmanuel Mousset, at 3:01 PM  

Enregistrer un commentaire

<< Home