La gauche des régies.

Bonsoir à toutes et à tous.

Vous l'avez bien sûr tous deviné, mon billet d'hier était une baleine ou un requin d'avril. "J'arrête tout", voilà une pensée qui m'est totalement étrangère, sauf drame personnel dans ma vie. Le renoncement, je ne connais pas. A tort peut-être, car la sagesse consiste parfois à renoncer. Mais c'est ainsi, on ne se refait pas. J'irai même plus loin: jamais la situation n'a été aussi favorable à ma démarche politique. Le Parti socialiste est en attente de rénovation, la social-démocratie s'impose à lui comme la seule perspective crédible. A Saint-Quentin, les minoritaires dans la section sont minoritaires dans l'opinion, le conseil municipal de lundi, sur lequel je vais revenir comme promis, a montré que leur positionnement ne mène à rien sinon à une pure protestation, ce qui est dans la nature des protestataires. Il faut d'urgence préparer la relève, faire la preuve qu'une autre opposition, qu'une contre-opposition est possible. Avec tout ça, vous voudriez que j'arrête?

Ce conseil municipal, dont j'ai parlé lundi soir, mérite quelques remarques complémentaires:

1- D'abord, il est intéressant d'étudier la perception de la presse. Un regard extérieur est utile. Le titre de L'Aisne Nouvelle, d'un article signé Karine Perocheau, est interrogatif: "Une amorce de dialogue?" Mais c'est surtout la dernière intervention qui justifie cette approche plutôt positive. La déclaration d'Olivier Tournay, élu communiste, à propos des fermetures de classes, a en effet tranché sur les propos précédents. Etonnant que la sérénité vienne du PCF et pas du PS! Ce jeune homme parle d'une voix posée, argumente efficacement, ne hausse pas le ton, ne fait pas d'effets théâtraux. Il a dû avoir de bons professeurs! C'est sans doute pourquoi Pierre André lui a répondu longuement, sérieusement, sans ironie. Mais l'attitude n'est sans doute pas dénuée d'intention politique: selon une bonne vieille tactique, le maire s'efforce de crédibiliser le PC pour enfoncer le PS, qui il est vrai réussit très bien tout seul cette opération.

2- Le Courrier Picard, sous la plume de Cyril Raineau, porte un tout autre jugement sur la séance de lundi: "Les échanges ont été vifs entre le maire et l'opposition malgré l'absence de gros dossiers". On n'est plus du tout dans le registre du dialogue, même sous forme de question. Surtout, le journaliste a retenu ce mot très fort utilisé par Pierre André contre Jean-Pierre Lançon et les pratiques de la municipalité communiste: "magouille", assorti d'accusations précises et graves. Le plus surprenant, c'est que la violente attaque n'a pas suscité de riposte et personne dans l'opposition n'est venu défendre l'honneur bafoué de la municipalité Le Meur.

3- Sur le fond, après l'intervention de l'élue de Lutte Ouvrière, on a compris ce qu'était cette gauche qui vient d'entrer au conseil municipal, et qui n'est pas ma gauche: son maître-mot, c'est "municipalisation", comme dans les années 70, le credo d'une certaine gauche passait par la "nationalisation". Non plus des soviets partout, mais des régies partout: La restauration scolaire? En régie! L'eau? En régie! Les transports? En régie! Et pourquoi pas, dans la lancée, municipaliser le parking de l'hôpital? Au niveau national, le Parti socialiste a su dépasser, depuis un certain temps déjà, des réflexes pavloviens qui perdurent à Saint-Quentin.

Samedi dernier, devant la sous-préfecture, les conseillers municipaux poperéniste, lambertiste et communiste ont participé à la manifestation de la seule CGT contre la réforme des retraites, en expliquant être "solidaires de toutes les luttes syndicales qui se passeraient à Saint-Quentin". Très bien, mais j'attends de les voir tous les trois dans un mouvement déclenché uniquement par des syndicats réformistes, la CFDT ou l'UNSA par exemple. Et là, je suis à peu près sûr que la belle unité éclatera, au détriment des socialistes, cinquième roue du carrosse dans cette affaire. Non, tout cela n'est pas acceptable. Il faut ouvrir la voie à une autre gauche, à un autre avenir.


Bonne soirée.