L'Aisne avec DSK

20 avril 2008

Mai, oui mais...

Bonjour à toutes et à tous.

J'ai commenté hier soir 10 slogans parmi les plus connus de Mai 68, je voudrais ce matin soumettre à votre réflexion 5 autres slogans, moins connus, auxquels je n'adhère pas, même si le mouvement de Mai reçoit globalement mon assentiment enthousiaste. Mais n'est-il pas interdit d'interdire la critique? La contestation se doit à son tour d'être contestée, du moins sur certains aspects:

1- Céder un peu c'est capituler beaucoup.

Vous comprenez que cette formule heurte mon réformisme. Elle débouche sur l'intransigeance stérile, le radicalisme et même le fanatisme, elle ignore l'esprit de compromis. Je lui substitue cette nouvelle formule: Céder un peu pour obtenir beaucoup.

2- La politique se passe dans la rue.

Non, pas seulement et pas essentiellement. En démocratie, la politique se passe dans les assemblées, locales et nationales. Et elle commence dans une salle de classe, à l'intérieur d'un isoloir, calmement, quand on va voter. Les fureurs de la rue peuvent parfois être anti-démocratiques, car la rue, c'est aussi la violence.

3- Ne dites plus: monsieur le professeur, dites: crève salope!

L'exagération et la provocation ont bien des excuses, mais je prends les mots au sérieux, pour ce qu'ils veulent dire. Critiquer l'autorité n'est pas nécessairement la détruire. En République, nulle autorité doit échapper à la critique, mais toutes doivent être respectées. Et ça n'est pas parce que je suis enseignant que je le dis.

4- Le discours est contre-révolutionnaire.

Mai 68 a surestimé les actes, le spontanéisme (notamment dans le maoïsme, les "maos-spontex"). Il a aussi valorisé une parole débridée, sauvage, parfois surréaliste. Je crois en la force du discours, qui est une parole maîtrisée, construite, cohérente. Le discours est révolutionnaire, regardez 1789! En politique, tout commence par des discours.

5- La vie est ailleurs.

Non, la vie est ici et maintenant. L'ailleurs est une illusion ou un piège. Le rêve est une bonne chose, il en faut, mais le réel est important et la rationalité est précieuse. Ailleurs, l'au-delà, c'est la mort, pas la vie. Mai 68 est un "soulèvement de la vie", comme je l'ai soutenu hier en reprenant la formule de Clavel. Mais le mouvement n'a pas été exempt de quelques pulsions de mort.


Bon dimanche.

17 Comments:

  • Chaque personne a sa propre lecture historique du temps qui passe. Il y avait bien sûr les révolutionnaires de tout poil qui tentaient de manipuler la situation en mai 68. Tous les types qui répétaient le baratin marxiste comme des perroquets et tentaient d'asseoir leur pouvoir personnel au sein de leur groupe. La LCR en est un bon exemple. Mais ces personnes vivaient en vase clos, et leurs formules rhéthoriques n'avaient aucun impact sur la masse qui n'était pas masse, mais nuage. Il y avait une distance énorme entre l'UNEF et tous les groupuscules et les étudiants de base. Il y avait une frontière énorme entre les deux. Mai 68 a éclaté, car l'avenir qui était proposé était morne, et une certaine quantité d'étudiants ressentaient ce malaise et vivaient sur la marge. C'était le début des premiers pétards, des voyages à Katmandou, de l'ouverture vers autre chose. Certains petits ensembles de personnes vivaient ensemble dans un même appartement sinon en marginaux du moins la bohème. C'est à rapprocher de la contre-culture américaine, Crumb, la BD qui s'échappait de Spirou, Pif le chien et des magazines pour enfants. C'était timidement l'appropriation du vocabulaire inemployé, contraire à l'esprit « bourgeois ». Le mélange de la culture universitaire et de la popularité. Le « crève salope» est de cet usage, non pas un mot d'ordre, mais comme gros mots que s'échangent discrètement deux bambins dans la maternelle avant l'invention de la télévision qui a popularisé TOUT le langage . En fin de compte, le politique a tenté désespérément de s'approprier Mai 68, alors que par essence ce n'était qu'un mouvement de mots qui envahissait l'espace public. Et une fois les locuteurs partis à la plage, De Gaulle ayant à nouveau rempli les cuves des stations-service, le brouillard s'est dissipé, Mai était passé, on en était à Juillet. Tous les livres et les émissions actuellement ressemblent à des discours de vieux combattants qui ont constaté qu'il s'était passé quelque chose, et tentent de se donner le beau rôle en s'appropriant la genèse de cette histoire particulière. Tout ce qu'on peut dire c'est qu'il y a eu un changement, et que personne n'a pu l'en empêcher, car les circonstances s'y prêtaient. L'important ce n'était pas l'épiphénomène de la rue, mais l'ouverture des esprits à un espace ouvert. Cela a provoqué le rétrécissement de toutes les formes d'esprit fermées religieuses et sociales. Cela a évidemment clos le mythe de la révolution des lendemains qui chantent en prenant les armes et en chantant l'internationale, mais la gauche de la gauche ne l'a pas encore compris. Le PS y arrive péniblement après le cycle d'Epinay, il ne faut pas oublier que François Mitterrand himself s'était montré particulièrement ridicule en 68, croyant avoir affaire à un mouvement politique qui pouvait s'appréhender avec une lecture classique, alors que seul l'usage des mots et leur mise à distance critique était fondamentalement à l'oeuvre. Mais le secret sur cette affaire a été longtemps gardé, ceux qui l'avaient vécu en tant que politiques n'ayant jamais compris la faille de l'histoire. C'était déjà du réformisme, on s'amuse et dès que les sérieux veulent couper les têtes, on se tire en les laissant gros jean devant comme derrière. Les politiques sont descendus de la montagne, ont été obligés de s'occuper du réel, les mots leur ont été volés sans qu'ils s'en rendent compte, et la critique a permis de les retourner contre eux. En gros le peuple s'est emparé du langage, et la TV a joué un rôle fondamental pour que tous y parviennent. Avec Internet on assiste à une montée supplémentaire, et le politique est totalement contraint par le citoyen. L'importance de Mai 68 tient à ce renversement des rôles.

    By Blogger jpbb, at 11:58 AM  

  • des révolutionnaires jpbb
    ou des agents provocateurs issus des services secrets de chacun des blocs de la guerre froide ?

    La real politique laisse peu de place aux reveurs et aux idéalistes.
    Et ce qui s'est passé à Prague ou sur la cote Ouest des Etats-Unis est autrement plus important que ce qui s'est passé en France.

    Et c'est à la fédération française de football que l'époque a basculé.

    By Blogger Unknown, at 12:38 PM  

  • et puis c'est surement le jour pour avoir une pensée pour ceux qui ne sont plus là.

    Savez vous que c'est la saint Odette aujourd'hui ?

    By Blogger Unknown, at 2:03 PM  

  • Voilà notre ours gaulliste qui devient paranoïaque... ;-)

    Rien n'était téléguidé, le pouvoir en place croyait que c'étaient les cocos, et ces derniers ne comprenaient pas qu'une révolution prenne naissance spontanément alors qu'ils étaient sensés la promouvoir. Après une grosse période de flottement, les syndicats sont montés dans le train en marche avant que celui-ci ne s'évanouisse dans la nature en réclamant des sous à Grenelle. La farce était terminée, et le sable était chaud. Encore maintenant on continue à donner du crédit à cette écume qui n'a eu de consistance que par sa bizarrerie. Ce qui fait que tout le monde se positionne et y va de son commentaire alors qu'il n'y a eu qu'un mirage. Le sable chaud vous dis-je, Mai c'est juste avant les vacances, si vous ne comprenez pas ça, vous passez à côté. On préférait les vacances à travailler, c'est aussi simple que ça.

    Évidement, pour gagner trois sous il a bien fallu rentrer dans l'ornière, mais métro-boulo-dodo avait pris un sérieux coup dans l'aile. Cela a constitué une ouverture vers l'hédonisme.

    Pour le foot, je ne sais pas, jamais entendu parler, le gazon laisse des traces sur la peau au soleil. :-)

    By Blogger jpbb, at 3:09 PM  

  • cher jpbb,
    je ne fais que m'appuyer sur le travail du journaliste de france inter Patrick Pesnot, il y avait semble t il des agents sur le terrain.
    Pendant longtemps, on a expliqué aussi qu'il n'y avait eu aucun mort en mai 68.

    Et je vous assure les services de renseignements existent, ce n'est pas qu'une pure invention de ma paranoia.

    By Blogger Unknown, at 3:26 PM  

  • "Mai 68 raconté aux nounours", avec en supplément l'assassinat de Kennedy par la CIA et Evis Presley toujours vivant.

    1968 déclenché par des agents secrets, même Pasqua ne nous la fait plus, celle-là. L'ours doit donc être beaucoup plus âgé que lui... et intellectuellement très fatigué. Des agents de renseignement, il y en a eu sur le Boul Mich comme il y en a n'importe où quand il se passe quelque chose. De là à en faire un élément important des évènements, non.

    By Blogger Emmanuel Mousset, at 6:31 PM  

  • en 68, j'imagine que c'est de Robert Francis le 5 juin à qui vous faites allusion en parlant de Kennedy,
    comme le pasteur king le 4 avril,
    ils se sont tous les deux jetés au-devant de la trajectoire d'une balle, cette année là.
    Et l'assassinat du sieur guevara le 9 octobre 1967, n'a certainement du avoir aucune incidence ce qui a bien pu se passer.

    j'aime bien la façon que vous avez de voir les choses.
    Mais pour terminer sur les services,
    il est évident que le pcf de l'époque n'était pas aux ordres de moscou et que la greve a été spontané.

    Nos petits français ce qu'ils voulaient c'était aller voir les filles, là où dans le monde on se révoltait contre la guerre et pour les libertés fondamentales.

    Il n'y a vraiment pas de quoi etre fier.

    By Blogger Unknown, at 7:53 PM  

  • L'ours,

    Je suis pantois, hébété, groggy devant vos propos sur 68. Je ne vous demande pas d'adhérer, moi-même je cultive l'esprit critique. Mais rien ne vous oblige à être à ce point affligeant. A moins qu'il ne s'agisse de la vieille pulsion irrationnelle de l'homme de droite qui s'exprime.

    By Blogger Emmanuel Mousset, at 8:47 PM  

  • Vous parlez de votre assentiment "enthousiaste" pour mai 68. Mais qui donc a écrit sous le billet intitulé "le printemps revient" ceci:
    L'enthousiasme est une espèce d'excitation qui ne dure pas très longtemps.Je me méfie beaucoup des gens qui sont enthousiastes. Je leur demande de se calmer, de prendre de la distance avec eux memes et la cause qu'ils défendent, d'etre réfléchis. C'est tellement mieux.
    Qui a dit cela? mais c'est bien sur notre petit mousset.

    By Anonymous Anonyme, at 8:53 PM  

  • Bon, je suis encore confronté à quelqu'un qui ne réfléchit pas et qui mélange tout. C'est pourtant simple, bon sang! Un enfant comprendrait. Mais je suis bon avec ceux qui éprouvent des difficultés à comprendre, et j'accepte de perdre un peu de temps à leur expliquer:

    Il y a deux types d'enthousiasme, l'un qui est irrationnel, une excitation mauvaise, une passion dangereuse, que je condamne, et l'autre, qui est réfléchi, maîtrisé et qui représente une forme d'énergie tout à fait positive.

    Ne me dites pas que vous n'avez pas compris, sinon je désespère, je déprime...

    By Blogger Emmanuel Mousset, at 9:18 PM  

  • Il y a eu un policier écrasé par un camion à Lyon, lancé par deux fadas.
    Il y avait aussi des chars stationnés autour de Paris qui n'ont pas bougé, et De Gaulle en plein désarroi allant à Baden Baden.
    Dans le défilé gaulliste auquel j'ai participé, avec tous les anciens combattants qui cherchaient l'ennemi intérieur, qu'est-ce qu'on se marrait, être obligé de rassurer les braves bourgeois qui paniquaient grave. Il faisait beau, l'ambiance était joyeuse, et personne ne nous imposait quoi que ce soit. Evidement un journaliste qui réécrit l'histoire c'est beaucoup plus réaliste qu'un acteur qui l'a joyeusement vécu.

    Mai 68 a tourné une page sur les contraintes que le pouvoir pouvait exercer sans que l'on se révolte et qu'on le manifeste.
    Finalement le responsable en chef était Boris Vian. Il avait contaminé les esprits. :-)

    By Blogger jpbb, at 10:21 PM  

  • On croit réver!..Il y a donc deux sortes d'enthousiasme.Il y a le bon enthousiasme, celui qui habite EM et qui est positif et celui qui habite les autres, forcément négatif, résultat d' une passion mal maitrisée.
    Du Mousset tel qu'en lui meme! La caricature de la caricature.

    By Anonymous Anonyme, at 10:42 PM  

  • N'exagérez pas, puisque vous dénoncez la caricature: je ne prétends pas être le seul à vivre un enthousiasme raisonnable. Mais il est vrai que les excités déraisonnables sont assez nombreux. Je n'y peux rien, c'est comme ça. Pourquoi voudriez-vous que je me rabaisse, contre toute vérité?

    By Blogger Emmanuel Mousset, at 7:34 AM  

  • Jpbb,

    Tu as défilé dans la grande manif de droite en 68? Avec Malraux et Debré? Je recherche des témoins des événements. Tu viens à St Quentin?

    By Blogger Emmanuel Mousset, at 7:37 AM  

  • La grande manifestation gaulliste de Strasbourg n'avait invité ni Malraux et Debré, il aurait fallu une ambulance pour les y conduire. :-)

    By Blogger jpbb, at 1:06 PM  

  • J'ai cru que tu parlais de la manif à Paris, sur les Champs-Elysées. Mais Debré et Malraux n'ont pas pris l'ambulance pour s'y rendre!

    By Blogger Emmanuel Mousset, at 1:24 PM  

  • Malraux et Debré étaient hagards sur la tombe du soldat inconnu, on aurait dit des échappés d'un asile d'aliénés. Tout comme le soleil se lève sur Strasbourg avant Paris, pour Mai 68 il en a été de même, Paris a suivi, c'est juste un détail. ;-)

    By Blogger jpbb, at 3:24 PM  

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