L'Aisne avec DSK

21 avril 2008

Paris 1942.

Bonsoir à toutes et à tous.

Je suis un peu surpris par l'ampleur que prend la polémique autour de l'exposition à la Mairie de Paris, "Paris sous l'Occupation". C'est le genre de scandale que la France aime à s'offrir de temps en temps, preuve de son incurable malaise quand il est question du passé de la dernière guerre.

De quoi s'agit-il? L'exposition est constituée d'une série de photographies d'André Zucca, un collaborateur notoire qui montre la capitale sous ses airs les plus avenants. Et c'est stupéfiant! Le beau temps, les terrasses des cafés bondées, les promeneurs paisibles dans les jardins publics, quelques militaires vert-de-gris mais pas de croix gammées. Mais surtout, pas de files d'attente devant les magasins, pas d'arrestations de juifs, pas de misère, pas de drame, une ville heureuse, normale, en paix avec elle même alors que le monde est en guerre. Et la plus stupéfiante des prises de vue: les bords de Seine avec ses baigneurs qui se prélassent, bronzent, s'amusent. Comment ne pas penser à elle? Paris-Plage, mais oui, c'est bien elle, ça lui ressemble en tout cas, et on y pense, alors que c'était il y a plus de 60 ans!

La polémique me semble ambigüe. Que reproche-t-on exactement aux concepteurs de l'exposition? D'avoir voulu faire oeuvre de propagande, d'avoir voulu exonérer le nazisme des souffrances et des crimes qu'il a fait subir à Paris? Honnêtement, je ne crois pas que leur intention soit celle-là. Et si tel avait été le cas, les services de la Ville de Paris, ses élus et son maire y auraient mis bon ordre. Cette exposition a fait le choix de montrer un regard particulier porté sur la capitale et l'époque, qui ne trompe personne. Au contraire, il me semble intéressant de savoir qu'un tel point de vue a pu exister. Certes, pour écarter tout contresens toujours possible, une fiche explicative était nécessaire, et c'est le seul reproche que je ferai.

Mais le scandale a peut-être une autre origine: cette France qui n'est pas gênée par l'Occupation allemande, elle a existé, et massivement, surtout dans les milieux de la bourgeoisie. Ce qui choque, c'est que la réalité ait pu être celle-là, que nous ne voulons pas regarder en face, que nous préférons refouler. Nous avons l'habitude d'années "noires" entre 1940-1944, et nous découvrons une vie en couleurs, parfois chamarrée. L'insupportable, c'est cette vérité. Nous voudrions garder l'image d'un "Paris martyrisé", celui qu'évoquait De Gaulle à la Libération. Un Paris joyeux, ça ne passe pas, et c'est pourtant la réalité, même si ça n'est pas toute la réalité. Cette polémique me fait penser à celle qui avait suivi la sortie du film "Le chagrin et la pitié". Moins de 40 ans après, la France a toujours mal à son récent passé.


Bonne soirée.

6 Comments:

  • les gueules cassés de 14-18 avaient été choqué en rentrant du front de constater que pendant qu'eux étaient dans les tranchées,
    la vie civile continuait comme si de rien n'était.
    D'ailleurs pas besoin de remonter autant dans le temps,
    l'écart entre ceux qui vivent aujourd'hui aux EU et les soldats au en Irak n'est il pas lui aussi flagrant.

    cela pose la question du partage de la souffrance.

    By Blogger Unknown, at 7:36 PM  

  • Je ne sais pas si la souffrance doit être partagée, je crois plutôt qu'elle doit être assumée par ceux qui en sont les responsables. Car on tombe vite dans l'expiation des souffrances, à travers un discours doloriste et pétainiste.

    By Blogger Emmanuel Mousset, at 10:31 AM  

  • pour apporter une pierre de plus au débat,
    je vous conseille l'entretien que le psychiatre neuburger a accordé à Madame Figaro sur son dernier livre "l'art de culpabiliser"
    La these qu'il défend est qu'aujourd'hui, la culpabilité est partout.
    Chacun s'empresse de repasser la culpabilité à quelqu'un d'autre, et en se refilant ainsi la patate chaude, la culpabilité n'est jamais vraiment évacuée.

    Alors qu'il suffirait d'inventer des compromis, d'etre tolérant, de conserver un sens du relatif et de l'autodérision pour sortir du jeu de la culpabilisation.

    By Blogger Unknown, at 11:30 AM  

  • Je suis entièrement d'accord avec le dernier commentaire de l'ours. Etonnant, non? aurait dit Pierre Desproges.

    Culpabilisation et repentance, comment ces sentiments judéo-chrétiens peuvent-ils être en vogue dans la société soixante-huitarde qui est la nôtre? J'ai le sentiment que les gens passent aujourd'hui leur temps à s'excuser à propos de n'importe quoi.

    Personnellement, je ne m'excuse jamais de rien et je n'excuse personne. Les paroles et les actes sont faits pour être assumés, pas pour être regrettés.

    By Blogger Emmanuel Mousset, at 12:28 PM  

  • en effet EM ne s'excuse jamais de rien: comme le pape il est infaillible;cherchez bien dans ses billets: pas une seule fois il n'avoue ( ce verbe ne faisant pas partie de son vocabulaire) qu'il a pu sinon se tromper tout au moins douter;en fait s'il doute ce n'est pas de lui mais des autres

    By Anonymous Anonyme, at 4:10 PM  

  • De certains autres, oui, je doute beaucoup. De moi, ça m'arrive, parfois, quelques billets l'attestent. Relisez-les avec profit.

    By Blogger Emmanuel Mousset, at 4:51 PM  

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