Vieillir chez soi.

Bonsoir à toutes et à tous.

Dans ma pile d'articles soigneusement sélectionnés et découpés, en attente de lecture, je suis tombé cet après-midi sur une tribune de Véronique Fournier, médecin et directrice du Centre d'éthique clinique de l'hôpital Cochin, parue dans Libération du 24 mars, dans la rubrique "Rebonds", page 28. Son titre: "Pour une politique qui nous aide à vieillir à domicile". C'est le genre de "papier" qui fait réfléchir. Et ça tombe bien, puisque nous sommes en pleine discussion sur la Sécurité sociale et la politique de santé publique. Mais ce débat n'est-il pas permanent? Des vieux de plus en plus nombreux et de plus en plus vieux, voilà le défi économique, social et culturel que doit affronter notre société, qui visiblement ne s'y est pas préparée.

Quand j'en discute avec des amis de gauche, parfois très à gauche, le discours est toujours le même: défense de l'hôpital public, halte aux fermetures de lits, des moyens supplémentaires et beaucoup plus d'infirmières. J'adhère, bien sûr, et j'en redemande, moi aussi. Mais au fond, je ne suis pas satisfait, je sens que ces réactions convenues ne répondent pas à l'ampleur du problème: un changement de société où la part des retraités, et parmi eux des vieillards, sera de plus en plus importante. Raisonner de façon purement quantitative, plus de lits, plus d'argent, plus de personnel, ça ne suffit pas, ça ne règle rien, ou pas assez. Ce qu'il faudrait, c'est une nouvelle organisation des soins en fin de vie.

Jusqu'à maintenant, les esprits les plus progressistes n'avaient qu'une réponse: des hôpitaux flambant neufs, des équipements du dernier cri, des maisons de retraite confortables et accessibles à tous. Bien, très bien, mais coûteux, très coûteux. Surtout, est-il légitime de finir sa vie dans un hôpital ou une maison de retraite? Est-ce cela le progrès? Véronique Fournier pense que non, et c'est ce qui fait tout l'intérêt de son article. Que nous dit-elle exactement? Que notre société a privilégié l'hébergement collectif pour ceux qui sont dépendants, malades, âgés et isolés, en négligeant une bien meilleure solution: l'aide massive au maintien à domicile. Véronique Fournier met en avant trois arguments:

1- Il faut concevoir la vieillesse non plus comme une rupture dans la vie mais une continuation de soi-même, en cohérence avec une histoire de vie.

2- Dans une société qui prône les valeurs d'autonomie et d'individualisme, il est choquant parce que violent d'imposer aux personnes âgées une vie en collectivité.

3- Il est plus digne de faire reposer la notion de solidarité sur le lien social que sur la protection sociale.

Finir de vivre et mourir chez soi, voilà ce que la société devrait rendre possible, au lieu de l'hospitalisation massive, qui est aussi une forme d'exclusion de la société. Les services à la personne devront être considérablement développés, avec d'abondantes créations d'emplois, si l'on veut satisfaire à cet objectif. Mais c'est d'abord d'une révolution culturelle dont nous avons besoin, en cessant de croire que l'hôpital est le temple de la santé et de la fin de vie. Là aussi, les citoyens et la société doivent se réapproprier leur mort et leur vieillesse.


Bonne soirée.