L'Aisne avec DSK

30 mai 2008

Gentil Xavier, méchant Bertrand.

Bonsoir à toutes et à tous.

Xavier Bertrand a peut-être commis sa première erreur politique cette semaine. Jusqu'à maintenant, c'était un sans faute. Ministre de la Santé, une méchante rumeur, au début, le disait paresseux et médiatiquement inexistant. Pure jalousie venue de son propre camp, une babiole vite balayée. Ministre du Travail, il lui est reproché d'être fayot auprès de Sarkozy qui en ferait son chouchou. Encore la jalousie, à quoi s'ajoute l'inquiétude devant une ambition qui monte. Cette ridicule critique se retourne en compliment. Non, tout cela est dérisoire.

Cette semaine, c'est autre chose, plus sérieux, plus politique et beaucoup plus dangereux pour lui. Bernard Thibault, ce matin sur RTL, a quasiment traité Xavier Bertrand de menteur et de malhonnête. L'image de négociateur ouvert et de ministre social que celui-ci cultive risque cette fois d'imploser, et le masque de tomber. Qu'est-ce qui a entraîné une telle rupture dans une stratégie jusque là bien huilée?

Les 35 heures! Eh oui, c'est la patate chaude de la droite, dont elle ne sait que faire. Elle aimerait les supprimer, l'UMP le demande, son électorat le souhaite. Mais enlever leurs journées de RTT aux Français, c'est jouer avec le feu, car cette réforme est paradoxalement décriée et populaire. Donc il faut feinter. Bertrand est assez fort pour ça. Maintenir nationalement la durée légale du travail (vive les 35 heures!) tout en permettant dans les entreprises de la contourner (à bas les 35 heures!), voilà la ruse. Ca me fait penser à ces contrats d'assurances très satisfaisants au moment de la signature, et qui vous font déchanter au moindre pépin, parce que vous découvrez une clause vicieusement rédigée qui empêche le remboursement.

Des modalités techniques (Xavier Bertrand a horreur de l'idéologie) vident les 35 heures de leur substance. Elles les transforment en zombie: apparemment vivantes, les 35 heures sont mortes. 60 articles du Code du Travail sont passés à la moulinette: repos compensateurs, modulation du temps, forfaits annuels ou journaliers, etc, toutes les garanties qui encadraient la réduction du temps de travail sont renvoyées à la négociation par entreprise, et sans nul besoin d'un accord majoritaire pour être dénaturées. Du bon boulot de droite! Le résultat: l'annualisation généralisée et facilitée, la modulation aveugle des horaires.

Là où il y a le mensonge et la malhonnêteté dénoncés par Thibault, c'est dans la méthode (car la droite peut être, par conviction, contre les 35 heures, ce n'est pas choquant). Bertrand a traficoté un accord patronat-syndicats sur la représentativité dans l'entreprise, pour en faire un projet de loi sur la "démocratie sociale" qui trahit l'accord passé. A tel point, tenez-vous bien, que le Medef lui-même souhaite qu'on revienne à la lettre de cet accord signé en avril! La CFDT est furax, elle qui ne plaisante pas avec le principe de négociation et qui a fait depuis longtemps de la réduction du temps de travail une question identitaire.

Du coup, le syndicat se rapproche de la CGT et accepte une riposte à la fois sur les 35 heures et les retraites, lui qui n'apprécie pas pourtant les mouvements "fourre-tout". C'est que Chérèque, qui est un modéré, l'a cette fois mauvaise contre Bertrand: "C'est la première fois qu'un ministre du travail rompt cette confiance" (entre partenaires sociaux et gouvernement), a-t-il déclaré à Libération. Bertrand ayant contre lui, avec des termes très durs, Thibault et Chérèque, ça la fiche mal, pour un ministre qui se veut "social".

Cet accord d'avril, qu'est-ce qu'il disait? Que le contingent annuel d'heures supplémentaires pouvait être dépassé, à titre expérimental et avec l'aval d'un syndicat majoritaire dans l'entreprise. Ce texte résultait d'un compromis au bon sens du terme, où chaque partenaire y gagne quelque chose. La loi de Bertrand, c'est tout pour l'entreprise, et rien dans le dialogue social. Et tout ça pourquoi? Pour l'idéologie, que déteste pourtant Bertrand. L'UMP veut la peau des 35 heures, Devedjan l'a dit. Bertrand ne veut pas décevoir son parti. C'est un homme d'appareil qui sera toujours du côté de l'appareil. Il ne veut pas décevoir non plus Sarkozy: A Paris comme à Saint-Quentin, il s'adaptera toujours au plus puissant. Il lui faut donc faire le grand écart: pour les 35 heures, contre les 35 heures. Sauf qu'une ruse ne suffit pas à masquer la contradiction.

A la Santé, Xavier Bertrand s'était imposé avec l'interdiction de fumer dans les lieux publics, qui fera date. Au Travail, il s'était illustré avec la suppression des régimes spéciaux. Des réformes difficiles qu'il a menées magistralement. Les 41 ans de cotisations retraites, c'était déjà moins évident. Avec les 35 heures, ça coince carrément. Son image va en souffrir: le gentil Xavier se transformera-t-il en méchant Bertrand? La suite, notamment l'appel à la grève du 17 juin, dira ce qu'il en sera.


Bonne soirée.

6 Comments:

  • Quelle analyse de ma réforme! Mais vous, qui êtes vous pour me critiquer? Vous n'avez aucun rôle en politique alors que moi je suis Ministre!
    Vous me faites rire.

    By Anonymous Anonyme, at 10:49 PM  

  • Je ne suis, il est vrai, qu'un simple militant, Monsieur le Ministre. Il faut de tout pour faire un monde, vous Ministre, moi simple citoyen qui, en démocratie, a le droit de critiquer qui et comme bon lui semble.
    Avec votre réforme, vous me faites pleurer.

    By Blogger Emmanuel Mousset, at 11:38 PM  

  • j'aime vos analyses politiques,
    elles sont souvent hors sujet.

    Thibault aurait il fait des promesses qu'il ne sera pas en mesure de tenir ?

    By Blogger grandourscharmant, at 12:39 AM  

  • Mr Bertrand, vous êtes en effet ministre, mais de tous les français et non seulement de vos amis du MEDEF.

    electeur UMP

    By Anonymous Anonyme, at 10:18 AM  

  • Dites vous croyez que c'est le vrai Xavier Bertrand ou bien un simple zigoto?

    By Anonymous Anonyme, at 12:03 PM  

  • Aux trois commentateurs précédents, respectivement:

    1- Thibault n'a pas fait de promesses, il a signé un accord en avril, que Bertrand ne respecte pas en mai.

    2- Dans cette affaire, même le Medef, qui souhaite que les accords entre partenaires sociaux soient respectés, est mécontent contre Bertrand!

    3- N'étant pas croyant, l'identité de la personne m'importe peu. C'est le contenu de son commentaire qui m'intéresse.

    By Blogger Emmanuel Mousset, at 12:24 PM  

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